Mais où est passée l’étincelle?
RÉSUMÉ :
Issue d’une famille modeste, Sarah a réussi son ascension sociale; mais se rapprocher de ses aspirations l’a éloignée de son frère aîné, bipolaire et farouchement révolté par une société conformiste qui ne lui convient pas. Ce dernier meurt, et Sarah sorte de sa léthargie : resurgissent toutes les questions qu’elle avait balayées toutes ces années. Commence un long voyage pour cette femme sur les traces d’un frère mal-aimé, qui la mènera à la découverte d’elle-même.
MON AVIS : un roman réussi et abouti mais qui ne fait pas mouche.
Le style d’Olivier Adam est toujours un émerveillement : quelle précision redoutable, presque chirurgicale, dans le choix des mots! En une phrase, cet écrivain talentueux fait le tour d’un sujet et assène des vérités implacables.
Dérouté au premier abord par un style subtilement anticonformiste, le lecteur replonge avec délice dans ces phrases qui s’affranchissent allègrement de la ponctuation pour mieux enrober le lecteur dans une gangue d’émotions et de sensations complexes. Comme David Vann, c’est un écrivain qui sait se jouer des codes classiques sans que le style n’en devienne prétentieux ou alambiqué, tout entier au service du récit. Une belle maîtrise, assurément!
Mais pourquoi dérouler une histoire aussi riche, traitant du suicide, de la maladie mentale, de la culpabilité, pour nous proposer une chute qui fait retomber l’intrigue comme un soufflet? Cette fin fade et simpliste tend à laisser penser que quoi qu’il advienne, avec un peu de volonté, on se sort de toute situation. Caricature de la femme parvenue qui a concédé tous ses idéaux à sa réussite personnelle et professionnelle (ou ce qui lui paraissait y ressembler), Sarah n’en reste pas moins l’archétype de la bourgeoise perdue et déprimée qui envoie tout balader à la faveur d’un coup de tête, avec l’aisance que procure une situation privilégiée.
Outre leurs immenses qualités littéraires, les romans d’Olivier Adam proposent également une lecture multiple. L‘auteur tire ainsi à boulet rouge sur les vices consuméristes (dans tous les sens du terme) d’une société en perte de sens. Et Olivier Adam excelle à pointer du doigt nos incohérences, nos aberrations, notre souffrance.
Canel a un avis mitigé, Enna vous conseille de persévérer dans la lecture, L’Irrégulière a été touchée, Clara a adoré…
JE VOUS LE CONSEILLE SI…
… vous aimez Olivier Adam. Ce roman ne m’a pas touchée, je suis restée hermétique aux émotions de l’héroïne. Pour autant, Le cœur régulier est un très beau roman, que je conseille pour son style unique et percutant.
… vous avez envie d’une incursion dans la culture japonaise et ses codes complexes. Le suicide y est un réel phénomène de société, et le personnage de Natsume, vieil homme qui sauve les âmes en perdition, est de toute beauté.
EXTRAITS :
Je suis subjuguée par la plume d’Olivier Adam :
J’ai toujours pensé que quelque-chose me rongeait, une bête un rapace, j’ai tout fait pour l’abattre, je l’ai noyé dans l’alcool, j’ai voulu l’éteindre dans la rage, j’ai rêvé de vivre à son niveau, rongé, ne tenant plus qu’à un nerf, aiguisé, tranchant, j’ai pensé y trouver la lumière, la fulgurance, l’intensité, j’ai cherché le grand incendie, le monde de travers, embrasé, déglingué, je n’ai rien trouvé du tout.
De fines et virulentes critiques sociétales émaillent le récit :
Comme si au fond l’intelligence, la vie « pleine » l’emportaient toujours sur le souci de l’apparence, la connerie des blondasses filiformes, férues d’astrologie, de conseils de beauté, de développement personnel, de fitness, de hype, de mode, de journaux people, de cures de détox et de régimes de l’été auprès desquelles j’avais passé dix heures quotidiennes ces dernières années.
VOUS AIMEREZ PEUT-ÊTRE :
Les chaussures italiennes, de Henning Mankell
Désolations, David Vann
Autre quête, mêmes errances Incontournable