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Harry G Gelber ; The dragon and the foreign devils 5/10

Publié le 21 octobre 2011 par Florent

Ce livre emprunté chez un ami (merci Michel ;-) retrace les relations de la Chine au monde extérieur, depuis le premier millénaire avant notre ère.

Harry G Gelber ; The dragon and the foreign devils         5/10L’auteur est érudit et sérieux mais ne parle visiblement pas le chinois. Il est plutôt spécialisé en histoire politique. Il montre comme l’isolationnisme chinois, jusqu’au siècle dernier, révèle une quête de stabilité sociale, stabilité difficile à maintenir pour un état grand et complexe.

On apprend comment s’est développée, dès l’empereur Wudi des Han, une forme de “magnétisme diplomatique” chinois. Il ne s’agit pas de “conquérir” des terres vierges mais plutôt d’assimiler des barbares par l’échange de cadeaux et l’apport de civilisation. Les expéditions militaires sont nombreuses, mais visent souvent à restaurer une zone qui commençait à se “civiliser” mais dont le contrôle a été perdu. Les expéditions militaires visent également à protéger les routes commerciales ; le livre relate la campagne du général Ban Zhao, qui pousse son armée de 70000 hommes jusqu’à la mer caspienne (ses émissaires auraient même atteint la mer Noire et la Mésoppotamie).

De longs développements au chapitre 6 permettent de comprendre les difficultés de la rencontre entre russes et mandchous en Sibérie chinoise au XVIIe siècle. L’auteur présente ces escarmouches souvent violentes dans la boucle du fleuve Amour (Heilongjiang) comme une intrusion russe dans un territoire sous contrôle, ou plutôt sous allégeance Chinoise.

Le livre décrit bien l’extension du territoire chinois, ainsi que l’émergence d’une nation et d’un sentiment national quelque peu différents de celui que nous avons aujourd’hui en tête (voir plusieurs billets sur ce blog). La première reconnaissance par la Chine d’une autre nation égale, la première fois que la Chine se serait vue comme  ”une nation parmi les nations”, a lieu selon l’auteur en 1689 avec le traité de Nerchinsk. Ce traité tranche la question frontalière sino-russe en posant la frontière sur le fleuve Amour. L’auteur montre bien les ressorts de ce traité : pour la partie russe comme pour la partie chinoise, il s’agissait d’éviter que l’adversaire ne devienne trop menacant en s’alliant avec les mongols.

Retenons quelques passages amusants dans la rubrique des bourdes protocolaires :

  • En 1595, la reine Elizabeth d’Angleterre envoie à l’empereur de Chine une lettre fort avenante, mais rédigée en Latin (rappelons que Matteo Ricci n’entre à la cité interdite qu’en 1601. Le nombre de latinistes à la cour de Pékin devait être assez proche de zéro au XVIe siècle).
  • Quand Christophe Colomb part pour les Indes, il est porteur d’une lettre du roi Ferdinand d’Espagne adressée au grand Khan de l’empire Mongol régnant sur le Cathay. Ses sources datent de Marco Polo ; la dynastie Yuan est tombée depuis plus d’un siècle. De toute façon il n’arrive pas sur le bon continent et ne pourra donner sa lettre.
  • Le moldave Milescu, envoyé par le Tsar pour négocier avec les chinois, commet la même erreur en 1674, en emportant une lettre destinée au “très noble Bogdykhan de la ville de Kanbulak et de tous les royaumes de Chine”. Il confond mongols et chinois.
  • Vers 1770 enfin, une quarantaine d’indigènes mandchous de l’ethnie Daur, menés par le prince Gantimour se soumettent au Tsar et se font baptiser. Ils vont jusqu’à rédiger une lettre à l’empereur de Chine, lui demandant de prêter allégeance au grand Tsar Alexis. Le messager envoyé à Pékin n’a pas manqué de présence d’esprit, car la lettre n’a jamais été remise à l’empereur.
  • En 1816, une mission britannique menée par Lord Amherst arrive à Pékin. La lettre du prince régent de la couronne britannique présenté à l’empereur Jiaqing commence par les mots “Sire, mon frère…”. Elle est rendue à l’ambassadeur qui se retrouve brutalement reconduit à la frontière.
Page 159 on découvre les étonnantes mésaventures du commandant Georges Anson en 1743. La page 165 nous décrit l’immense déception de Mccartney, gentilhomme peut être trop conscient de la suprématie Anglaise en train de s’affirmer, lord animé par un vrai désir de rencontre mais sur un pied d’égalité, noblion qui refuse la prosternation du koutou 叩头 devant l’empereur, acceptant juste la génuflexion qu’il ferait à sa reine, homme qui finit par essuyer un cuisant échec. Notons que la cour royale brittanique n’avait pas trouvé d’interprète chinois ; ils avaient dû “emprunter” à l’italie un bonze chinois venu étudier la foi catholique… Sur la question du salut dû à l’empereur encore, un diplomate américain (John E Ward) n’a pas pu obtenir d’audience à la cour car il refusait de se prosterner, au nom d’un amusant principe :
I kneel only to God and woman
Plus tard, a la moitié du XIXe siècle, les passages sur Lord Elgin et ses remords sur l’attitude anglaise vis à vis de la chine sont touchants, un peu comme cette fameuse lettre de Victor Hugo au capitaine Butler. Elgin trouve scandaleux le déclenchement de la seconde guerre sino-britannique en 1856 lors de l’affaire Arrow : Un bateau britannique (mais dont l’équipage est à 100% chinois) se trouve arraisonné par la police maritime chinoise. Lors du contrôle, la police abaisse le drapeau britannique qui flottait. Bien qu’il n’y ait eu aucun anglais à bord, ce geste rendit les anglais furieux et déclencha la guerre. Le role de l’opium dans les guerres franco brittanique est encore bien décrit page 188. L’auteur montre que l’opium est vite devenu un marché impossible à contenir. Il prétend que si les anglais n’en avaient pas importé en Chine, l’opium serait quand même arrivé par d’autres moyens. Je n’ai pas été convaincu. On trouve page 218 touchants récits des premiers ambassadeurs chinois en Europe qui m’a rappelé un livre déjà commenté ici sur ce sujet Bref, un livre intéressant d’un historien non sinologue

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