Or donc, François Hollande. Désigné, par les « sympathisants de gauche », candidat du PS pour concourir, l’an prochain, à la présidentielle 2012. Dernier espoir (de victoire). Après trois échecs retentissants. Deux avec Lionel Jospin, largement battu en 1995, puis humilié en 2002, et le dernier avec la rocambolesque Ségolène Royal en 2007 [1]. Dernier espoir, car c’est Hollande lui-même qui l’a déclaré : « En 2012, le candidat socialiste devra gagner ou bien le parti [Socialiste] risque vraiment cette fois de disparaître » [2].
Plus encore pour le clan Sarkozy.
Un clan menacé par les « affaires ». Reliquats d’une guerre ancienne, fratricide, entre balladuriens et chiraquiens.
Une guerre qui, jamais, ne s’est vraiment éteinte.
Voilà qui nous promet du sanglant et bien des crocs-de-boucher.
Comme disait le balladurien Léotard, « ça va mal finir ». Mais passons…
Ce clan (car c’en est un) celui de Sarkozy, avait ses « préférés ». DSK, bien sûr.
Ah ! Il lui promettait la « lessiveuse ». S’en pourléchait d’avance. Tout était prêt. Et depuis lurette. Le DSK, il allait morfler. Copieux.
Et puis, boum patatras, voilà que le grand manitou du FMI chute.
Les théoriciens du complot y virent la main du pouvoir. En loucedé. Grotesque ! Un adversaire si faillible, on le garde précieusement, on n’y touche pas, pour mieux le dégommer en campagne présidentielle.
Oui, DSK, vraiment, était une aubaine pour Sarkozy. C’était le meilleur adversaire possible. Il n’y a que le PS qui ne s’en est pas rendu compte. Tellement sevré de victoires élyséennes, qu’il ne voyait pas la poutre.
DSK out, Sarkozy misa alors sur Aubry. Second choix, mais jouable.
D’abord, parce que c’est une femme, et que, là-haut, ils en sont convaincus, n’est pas venu le temps où les citoyens Français enverront une femme à l’Elysée. D’autant plus, celle-ci. Trop « sectaire », voire même « méchante » (François Hollande le pense aussi, soit-dit en passant). Et lestée de casseroles plus qu’identifiables, à commencer par le pacte avec DSK, éliminatoire selon eux. Mais aussi, « les 35 heures », et d’autres boulets, comme Guérini, le bourrage des urnes en novembre 2008, et j’en passe.
Eh bien non, encore raté, la maire de Lille, bien qu’assurant représenter la « gauche forte », ne sera pas opposée à Sarkozy, l’an prochain.
C’est donc Hollande qui sera l’adversaire de Sarkozy en 2012 ; avec Marine Le Pen en embuscade. Et ce n’est pas une bonne nouvelle pour l’UMP, car ils n’ont rien sur Hollande. Pas un dossier qui fâche, pas une déclaration suspecte, même pas de réelles différences idéologiques, rien.
Oh ! Il y a bien eu cette « affaire Tristane Banon », où l’homme, alors premier secrétaire aurait été contacté par l’écrivaine. Seulement voilà, Banon vient de lâcher l’affaire. On remarquera – mais allez savoir ! Ça n’a peut-être rien à voir – que mademoiselle Banon, nouvelle égérie ( ?) de certaines féministes, abandonne le combat, une fois son livre sorti, et… la primaire terminée. Circulez, y’a plus rien à voir. Ni à entendre…
Or donc, rien, ils n’ont rien sur Hollande. Et ça les emmerde.
Par où le prendre ? Comment le mettre en « défaut » ? Ce centriste. Que Bayrou apprécie. Cet homme du consensus. De la synthèse. Ce pragmatique qui n’a jamais caché que, concernant les retraites, « il faudra forcément cotiser davantage ». Un type qui veut réduire « les déficits, la dette » et réformer notre système fiscal. Et dont quelques « lieutenants » se nomment Rebsamen, Sapin, Moscovici, voire Valls. Aussi, Pascal Terrasse.
Et si j’ajoute qu’Hollande est un pur deloriste, voilà qui complique sérieusement la tâche du clan Sarkozy.
Quant à l’attaquer sur les chiffres, considérant les leurs (dette, déficit, faillite en ce qui concerne le commerce extérieur, chômage, etc.), quand bien même une crise « sans précédent » serait passée par là, c’est un (très) mauvais angle. Il ne marchera pas. Du reste, l’électeur, plus il est noyé sous les chiffres, plus il décroche. Et concentre son attention ailleurs. Le tempérament, par exemple… Ne soyons pas hypocrites, c’est bien souvent la personnalité du candidat qui fait la différence. Bien plus que le programme qu’il porte. On peut le déplorer, mais c’est ainsi. Une présidentielle, désormais, ce n’est rien d’autre qu’un casting story-tellé. Nous ne sommes plus très loin d’une émission de télé-réalité.
Ceci étant, Hollande a-t-il déjà gagné pour autant ? A en croire les premiers sondages d'après primaire, oui. C’est que, dites, il a beau dire, Sarkozy, que « neuf fois et demie sur dix », ils se trompent, ces sondages, on a rarement vu un tel score (virtuel) à moins de sept mois d’une présidentielle. Le dernier à l’avoir atteint, pour info, c’était DSK…
Eh bien non, Hollande n’a pas encore gagné cette présidentielle.
Non pas qu’il puisse commettre une erreur fatale, tant l’homme est bien préparé, aguerri, affuté, et surtout, déterminé, mais son parti, le présumé socialiste, lui, pourrait bien le handicaper. Ce ne serait pas la première fois, nonobstant, que ce PS se ferait hara-kiri. Sciemment.
Et la principale raison, outre les inimitiés tenaces, c’est que, comme Jospin, le programme de François Hollande « n’est pas socialiste ». Mais contrairement à Jospin, lui, il ne le dira pas. Trop futé.
Oh bien sûr, il a signé le projet du PS. Qui n’est pas très socialiste, non plus, si vous vous penchez sur l’objet. Mais il l’est un tantinet plus que ce que veut faire Hollande. Une fois élu.
Car, qu’on ne s’y trompe pas, Hollande, encore une fois, n’est pas socialiste. C’est un technocrate. Brillant, ça oui, mais il a plus à voir avec le centrisme « raisonnable » (à la Bayrou) qu’avec les grandes idéologies de gauche.
Or donc, toute la question est de savoir jusqu’où le PS acceptera et le consensus, et la synthèse. Jusqu’où il peut aller dans le renoncement au socialisme. Aux valeurs de gauche. Quand bien même, il aurait déjà fait un sacré bout de chemin dans ce sens-là.
En d’autres termes, est-ce que la victoire, je veux dire, la conquête du seul bastion qui lui manque (l’Elysée, donc) peut suffire à, et justifier une telle politique ?
Nous verrons bien. Nous le saurons même, assez vite.
Tout dépendra, aussi, de la situation internationale, et particulièrement de l’évolution de la zone euro. C’est sur ce point que tout, ou presque, va se jouer. Parce que, ce que cette primaire a, en partie, montré, c’est que la fracture, celle du 29 mai 2005, est encore vivante. Elle est toujours source de divisions au sein même du PS. Divisions idéologiques.
En conclusion, si effectivement, le choix de Hollande est une mauvaise nouvelle pour Sarkozy, car compatible avec le « système » (médiatique, économique), anguille de surcroît, habile, rassurant aussi, il reste un imprévisible : l’attitude d’une partie du PS.
Il n’est pas dit, pas plus écrit, que l’unité sera la règle. Du moins, qu’elle tiendra jusqu’au 22 avril prochain. Tant on connaît les lascars.
J’ajoute un autre imprévisible (quoique, si l’on en croit les sondages, il ne l’est pas tant que ça) : Marine Le Pen. Qui, pour le moment, observe, avec un brin de gourmandise, ce qui se dit, ce qui se décide. Et parie, et sur un effondrement de la zone euro, et sur la colère des peuples. Qu’elle compte bien agréger, porter.
Il me semble, à cet égard, que le véritable Adversaire de François Hollande n’est pas Nicolas Sarkozy, mais bien Marine Le Pen. Face à un tel Adversaire, pas sûr, là encore, que le consensus, la synthèse, le centrisme, soient LA réponse que les électeurs attendent.
Bref, les jeux sont loin d’être faits.
[1] La désignation, le 16 novembre 2006, de Ségolène Royal par les militants du PS, n’a été, en réalité, qu’une victoire pour les instituts de sondages. C’est eux qui ont fait le match : Sarkozy/Royal.
D’une certaine façon, ils ont verrouillé le scrutin, prenant ainsi une revanche sur leur échec, avéré, en 2002.
Ceci étant, l’appareil du PS, encore traumatisé par ledit 21 avril 2002, aura très mal appréhendé cette primaire 2006. Et, au bout du compte, la victoire de Royal, c’est aussi l’échec du PS.
On remarquera que, par la suite, cet appareil aura fait payer, et très cher, à Ségolène Royal, ses propres manquements, son absence de ligne claire (éclatante concernant le référendum à propos d’une Constitution Européenne), ses divisions.
Voilà pourquoi je dis que le choix de Royal, pour 2007, était rocambolesque. Et, bien entendu, voué à l’échec. Nonobstant, quel que soit le candidat PS choisi, il n’avait aucune chance face à Sarkozy. Le PS n’étant pas prêt pour cette échéance. Du fait même de ses divisions affichées à propos du 29 mai 2005.
[2] Propos tenus par François Hollande, le mardi 21 juillet 2011, lors d’un entretien accordé au quotidien italien Il Corriere della Sera.