Elévation du niveau des eaux, perforation de la couche d'ozone, fonte des glaces, perturbation des cycles migratoires des espèces (...). On connaissait déjà une multitude d'effets secondaires du réchauffement anthropique. Une équipe de biologistes de l'université nationale de Singapour vient d'en démontrer un nouveau concernant la biodiversité. Bien-sûr il ne s'agit pas là de dire que les tigres vont devenir des bébés chats et que les autruches vont se transformer en canaris. Mais les créatures vivantes pourraient dans les prochaines décennies perdre quelques centimètres pour s'adapter aux sécheresses à répétition et aux changements géo-physiques.
Dans une étude publiée par la revue Nature Climate Change, Jennifer Sheridan et David Bickford, ses principaux auteurs, affirment avoir déjà constaté un rapetissement de certaines espèces. En compilant les données déjà existantes, les deux scientifiques ont en effet observé que sur 85 espèces étudiées, une quarantaine ont vu leur taille diminuer au cours de ces 20 dernières années. Parmi elles, on recense des ours polaires, des cerfs, des mouettes, des tortues, des iguanes, des lézards ou encore des crapauds.
Par la suite, les scientifiques ont mené diverses études en laboratoire sur des végétaux et des invertébrés pour étayer leur thèse. A chaque degré supplémentaire, dans l'air ou dans l'eau, la masse des pousses et des fruits de diverses variétés de plantes diminuait de 3 à 17 %. Le corps des invertébrés marins rapetissait de 0,5 à 4 %, celui des poissons de 6 à 22 %.
Un phénomène déjà observé sur le long terme
Et ce phénomène n'est pas une nouveauté ! Les auteurs se sont appuyés sur l'analyse des archives fossiles déjà existantes. Il y a 55,8 millions d'années, au passage du Paléocène à l'Eocène, la température de la Terre a augmenté de 6°C sur 20 000 ans. Or, d'après les données, certaines espèces comme les araignées, les guêpes, les fourmis ou les scarabées ont vu leur envergure diminuer de 50 à 75 %, tandis que les mammifères comme les écureuils et les rats étaient 40 % plus petits.
"Les études montrent qu'à chaque degré supplémentaire, la taille des corps des invertébrés marins diminue de 0,5 à 4%, celle des poissons de 6 à 22 %, celles des coléoptères de 1 à 3% et de 14% pour les urodèles". Des travaux ont montré des impacts similaires sur les mammifères et certains amphibiens.
Et l'homme dans tout ça ? Les conséquences du changement climatique sur sa taille, dont la tendance actuelle est plutôt à l'augmentation, ne sont pas directement évoquées dans l'étude. Mais si certaines espèces peuvent échapper à la tendance générale, ce rapetissement pourrait se faire ressentir dans nos assiettes. En effet, cela induirait une baisse des rendements agricoles et de la disponibilité des sources de protéines.
Alicia Muñoz