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A la convention de l'UMP, petites erreurs et grosses exagérations sur le projet du PS

Publié le 20 octobre 2011 par Letombe

UMPSARKOZY.jpg Jean-François Copé avait promis une convention en forme de riposte argumentée à la primaire socialiste, "sans caricature". Perturbée par la réussite de l'exercice de son élection interne par le PS, l'UMP avait décidé de l'organisation d'une convention en forme d'émission télévisée de deux heures, au cours de laquelle le parti présidentiel s'est livré à une "estimation chiffrée parfaitement démontrée des principales propositions" du PS, sans "caricature" ni "exagération".

Tout au long de la convention UMP, un compteur rappelant celui du Téléthon, mais destiné à matérialiser les hausses de dépenses socialistes, n'a cessé de grimper. Erreurs, exagérations et contre-vérités chiffrées ont abondé durant les deux heures de l'exercice, et permis à l'UMP de faire grimper le compteur jusqu'à la somme de "255 milliards d'euros" de dépenses supplémentaires sur cinq ans si le programme du PS était appliqué, soit le double du chiffrage effectuée par les socialistes (25 milliards par an, qu'ils assurent pouvoir financer en revenant sur des mesures fiscales prises par la droite).

Voici quelques erreurs factuelles, imprécisions et exagérations relevées durant cet exercice de reconquête lancé par le parti majoritaire.

Le projet socialiste est pris comme bloc alors qu'il est envisagé comme un socle.

Le parti présidentiel prend le programme socialiste comme un tout, et y rajoute les propositions des candidats. Or le PS a toujours dit que le programme était une base commune, dans laquelle le candidat élu à l'issue de la primaire devrait discerner des priorités. "Je me reconnais dans les propositions qui sont faites, même si ce sera au candidat de faire à la fois l'ordre des priorités, de donner le thème principal de la campagne et de compléter éventuellement les propositions, voire d'en écarter certaines", notait ainsi François Hollande le 5 avril sur France Inter.

Des propositions additionnées alors qu'elles sont alternatives l'une à l'autre.

L'UMP a volontairement délaissé toutes les déclarations faites pendant la primaire pour faire monter son compteur. C'est ainsi que le parti présidentiel additionne le coût des "300 000 emplois d'avenir", qu'il chiffre à vingt milliards d'euros sur cinq ans, et celui du "contrat de génération" de François Hollande (40 milliards sur cinq ans). Or la proposition de M. Hollande, qui ne figure pas dans le programme du PS, a été émise comme une alternative aux "emplois d'avenir", à propos desquels il s'est toujours montré sceptique, et qu'il compte réserver aux jeunes sans qualification. Martine Aubry et François Hollande se sont d'ailleurs opposés publiquement sur la question lors des débats. De plus, le député de Corrèze a réagi aux critiques de son dispositif en conditionnant sa mise en place à des discussions avec les partenaires sociaux. Le chiffre de 40 milliards sur cinq ans est donc valable une fois le dispositif à pleine charges, ce qui dépend du nombre d'entreprises qui souhaiteront y souscrire.

Allocation d'autonomie : les précisions de François Hollande ignorées.

L'UMP évoque également l'allocation d'études que promet le projet socialiste, en la chiffrant à 60 milliards d'euros. Pour ce faire, le parti présidentiel s'appuie sur un rapport (PDF) de la fondation Terra Nova, "think tank" proche du PS qui est à l'origine de cette proposition, présente dans le projet socialiste.

La fondation chiffre le coût de l'allocation à 10 à 12 milliards annuels, soit effectivement 50 à 60 milliards en cinq ans. Mais elle précise aussi comment récupérer une partie de ces besoins, notamment en récupérant les 2 milliards d'euros attribués aux bourses universitaires, ou encore en triplant les frais d'inscription à l'université (1 milliard d'euros selon ses calculs).

Surtout, l'UMP oublie que François Hollande s'est montré très sceptique sur cette proposition. Le député de Corrèze a précisé en avril que "l'état de nos finances publiques ne nous permet pas de financer une telle mesure à moins de renoncer à la réduction de la dette". Dans son programme, il précise qu'elle sera "sous condition de ressources" et que ses bénéficiaires devront en contrepartie effectuer du tutorat.

Retraites : un chiffre mystérieux.

Dans son chiffrage, l'UMP estime à 87 milliards d'euros sur cinq ans le coût de la réforme des retraites promise par le PS, soit un surcoût de 17,4 milliards par an. Or, s'il est vrai que le PS s'est montré ambigü sur la réforme qu'il propose, le chiffre avancé par l'UMP paraît colossal au regard de celle-ci : le PS envisage en effet de rétablir la borne d'âge de 60 ans pour le départ en retraite et de 65 ans pour le taux plein, mais en maintenant une durée de cotisation de 41,5 ans. François Hollande envisage surtout de réformer intégralement le système de retraites.

L'UMP ne précise pas d'où provient ce chiffre de 87 milliards. Il paraît étonnant, notamment car il est très complexe de prévoir le coût des retraites tant celui-ci dépend de variables multiples : taux de chômage, espérance de vie, croissance, rentrées fiscales... Mais surtout, comme le note l'Express.fr, il est en décalage avec les prévisions : la caisse nationale d'assurance vieillesse a récemment évoqué l'impact de la réforme de 2010 à environ 6 milliards d'économies par an en 2018, soit, en comptant très large, 30 milliards sur cinq ans. Difficile d'imaginer qu'un retour sur cette réforme côute quasiment trois fois plus cher que les économies qu'elle génère.

Du reste, l'UMP ne semble pas au clair sur son calcul : comme le note le jdd.fr, Eric Woerth évoquait mardi sur i-Télé un surcoût de 22 milliards d'euros en 2018 si le PS était au pouvoir, contre 87 milliards avancés lors de la convention.

Attaque sur le budget de la culture, une proposition de Martine Aubry.

Questionné par le journaliste Nicolas Rossignol, monsieur loyal de cette convention UMP, Franck Riester, député UMP et rapporteur des lois Hadopi, répond : "Ce qui m'énerve, c'est que les deux propositions majeures en matière culturelle, augmenter le budget de la culture et supprimer la licence globale, c'est à la fois démagogique et irréaliste".

Premièrement, M. Riester commet un lapsus en parlant d'une éventuelle suppression de la "licence globale". Cette dernière n'existe pas et le gouvernement actuel s'est toujours prononcé contre. Le projet du PS évoque en effet "de nouvelles sources de financement de la création numérique" grâce "à de nouvelles contributions partagées". Mais François Hollande a indiqué qu'il ne comptait pas reprendre cette proposition à son compte. M. Riester devait vouloir évoquer la suppression de la loi Hadopi, dont il était le rapporteur. La suppression de la loi Hadopi figure effectivement dans le programme du Parti socialiste, mais François Hollande a changé plusieurs fois de version à ce sujet, préférant une position moins radicale que celle du PS.

Ensuite, M. Riester plaisante sur l'augmentation du budget de la culture, se demandant pourquoi le PS ne proposait pas une augmentation de 100 % voire de 150 % du budget du ministère. Dans son programme, la candidate Martine Aubry proposait d'augmenter le budget de la culture de "30 à 50 % en cinq ans". Une proposition dont s'était démarqué le vainqueur de la primaire. "Il faut dire la vérité sur l'état de nos comptes et en même temps dire que la culture sera une de nos priorités mais une priorité qui n'appartient pas au seul ministère de la culture", avait-il déclaré, le 17 juillet.

Des mesures qui ne figurent pas dans le projet du Parti socialiste.

Sur la sécurité, un thème sur lequel l'UMP accuse volontiers le PS de laxisme, le député du Nord Sébastien Huygue a raillé le programme socialiste quant aux prisons. "Ils veulent imposer un numerus clausus dans les prisons. Pour qu'un délinquant entre, il faudra qu'un autre sorte", a déploré M. Huygue.

Une proposition de loi avait été faite en ce sens à l'automne 2010 par le député socialiste Dominique Raimbourg. Le groupe SRC – et François Hollande – s'était prononcé pour, mais le texte a été écarté à l'Assemblée nationale. En revanche, un telle notion ne figure pas dans le projet de François Hollande, ni dans celui du PS. Ce dernier précise seulement que l'Etat devra engager une réflexion sur le "recours systématique à l'emprisonnement, sans considération de la gravité relative des faits".

Sur le même thème, le ministre de l'intérieur, Claude Guéant, a de nouveau insisté sur l'antienne de l'augmentation de la délinquance sous le dernier gouvernement de gauche et sa supposée baisse une fois l'UMP revenue aux affaires. De l'avis des chercheurs, les données sur l'évolution de la délinquance sont difficiles à analyser. Et les politiques –  notamment Claude Guéant – les utilisent volontiers pour étayer leurs propos et pas toujours à bon escient.

Fabienne Lebrette-Ménager, secrétaire nationale de l'UMP sur la consommation, est intervenue sur le pouvoir d'achat. Elle a fait un parallèle entre le cannabis et la hausse de la TVA dans la restauration : "Ce qui ne me plaît pas c'est que le Parti socialiste veut dépénaliser en matière de consommation le cannabis et pénaliser le consommateur." Cependant, la question du cannabis ne figure pas dans le projet du PS. La dépénalisation a été évoquée par Martine Aubry et la légalisation par Jean-Michel Baylet. François Hollande était beaucoup plus mesuré et refusait la dépénalisation.

Un peu plus tard, Nora Berra revient sur la question. Elle confirme la position de l'UMP, c'est à dire l'interdiction du cannabis, qui, selon elle, porte des résultats. Ainsi, elle cite une étude qui dit que 50% des adolescents de plus de 17 ans ne touchent pas au cannabis car c'est interdit, ce qui justifie l'interdiction à ses yeux. En réalité, il est surtout intéressant de noter que 50 % des adolescents de 17 ans déclarent avoir déjà consommé du cannabis au cours de leur vie.

Apprentissage et quotient familial.

Très en verve, Nadine Morano a affirmé que le mot "apprentissage" ne figurait pas dans le projet PS. Pourtant, il y figure à sept reprises. Une seule mention cependant concerne l'apprentissage dont la ministre est responsable : "Toutes les formes d'alternance éducative (sous statut scolaire, en apprentissage ou en contrat de professionnalisation) seront encouragées." Ce qui la contredit sur le fait qu'il était le grand oublié du projet.

D'autre part, le PS a été accusé de vouloir "supprimer le quotient familial" dans son programme, alors qu'il n'en fait pas mention – c'est une proposition de l'économiste Thomas Piketty, proche du PS, dans son livre Pour une révolution fiscale.

La place des enfants handicapés à l'école.

Avec une indignation rappelant celle de Ségolène Royal sur le même sujet lors du débat d'entre-deux tours en 2007, Marie-Anne Montchamp revient sur une phrase du candidat du Parti socialiste qui aurait dit que l'enfant handicapé était maltraité dans l'école de la République. "J'en ai gros sur le cœur" dit-elle, accusant François Hollande de démagogie.

Elle explique que le gouvernement, et notamment Luc Chatel, ministe de l'éducation nationale, a fait la preuve de son engagement sur cette question. Mais un rapport de mai 2011 du sénateur UMP Paul Blanc exposait que "l'école peine aujourd'hui à répondre de manière pertinente aux besoins des enfants handicapés".

Le coût d'une éventuelle sortie du nucléaire.

Fervent défenseur de l'énergie nucléaire, Eric Besson a assuré que la France devrait débourser 750 milliards d'euros pour abandonner l'atome. Sans trop s'avancer, il souhaite un "débat national sur la transition énergétique". "Nous mettrons en place un moratoire sur l'accroissement des capacités nucléaires", est-il écrit dans le projet socialiste. Lors du premier débat entre les candidats à la primaire, Hollande et Aubry s'étaient affrontés sur ce thème et le vainqueur du 16 octobre s'était montré moins ambitieux que son adversaire, assurant vouloir faire diminuer la part du nucléaire dans le mix énergétique français. Par ailleurs, le coût d'une sortie totale du nucléaire est sujet à caution. La somme de 750 milliards  a été avancée par le Figaro en extrapolant la facture prévue de l'expérience allemande. Toujours dans le Figaro, Bernard Bigot, patron du Commissariat à l'énergie atomique, estime qu'"aucun chiffre ne peut raisonnablement être avancé".

>> Lire aussi : Le décryptage du blog Désintox de Liberation.fr

Samuel Laurent, Alexandre Léchenet et Jonathan Parienté

Pour http://www.lemonde.fr/

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