Dj /rupture – Uproot

Dans le milieu underground de la dubstep, cet album est considéré comme un classique et l’un des plus aboutis. Souvent proclamé comme la meilleure sélection d’un DJ, cet album est tout simplement unique dans son contenu, sa structure, et ses sonorités. Chronique.

Dj /rupture mérite son nom, et son album aussi. Là où des mash-up rencontrent leurs limites dans leur but, qu’il soit l’originalité, le côté fun, etc, Dj /rupture offre une compilation mixée de sons simplement différents en tous points, dans leur nature, leur genre… mais surtout dans un but différent. Uproot déracine plus d’une vingtaine de sons de leur origine, leur culture, et puise dans toutes les cultures différentes, pour sortir la perle rare et l’exploiter au maximum pour l’insérer, non pas de manière paresseuse et en faire un simple mashup, et la superposer en opposition totale avec l’autre. En gros pour faire simple, il associe des chansons excellentes qui proviennent tous d’une culture différente. Là ou un DJ normal mixe et mélange, celui-ci crée la rupture, la provoque.

Pour de la dubstep, c’est difficile. Il s’agira de rythmes très différents mais que le talent du DJ rend harmonieux entre eux. Il mélangera dubstep, reggae, classique, électro, ambient, rap, rythmes orientaux et même du rap marocain ! Eh oui, vous m’avez bien entendu, du rap marocain. Au total, une bonne heure et 23 sons qui s’opposent naturellement. On vit cette rupture, chaque culture, cet univers précis.

L’album s’ouvre sur de la musique classique, pour progressivement fondre sur de l’excellente dubstep a la basse très profonde, sur des transitions juste géniales, qui rendent chaque étape de cette aventure magique et unique. On écoutera beaucoup de chants dans des langues exotiques, du reggae totalement fou, des voix distordues… c’est un véritable travail de recherche. On passera doucement à travers des rythmes extrêmement variés, ça s’enchaîne de manière presque naturelle. Winter Buds offre une basse de dubstep profonde et très rythmée sur des rythmes plus ambient, pour se transformer en un chant distordu et presque occulte sur Homeboys, pour enfin aboutir à Too Much qui  mélange rythmes orientaux, chants reggae et dubstep puissante. C’est extrêmement fluide, tellement que ça rend ce choc des cultures presque banal. On change de délire à chaque instant, passant de la dubstep au classique de sons comme Plays John Cassavettes (Part 2), du chant reggae de Ignadjossi aux rythmes asiatiques de Hungry Ghost, du reggae déjanté de Mirage/Brooklyn Anthem au rap marocain sur les sonorités profondes de la dubstep de Strategy Decay/3akel à l’ambient aux sonorités dubstep et très sombre d’Uranium. Tout un programme.

D’ailleurs j’aimerais revenir sur ces deux derniers sons. Le rap de cette chanson est très profond, les lyrics très bien tournées, et le résultat excellent, grâce aux sonorités orientales et à la dubstep profonde qui accompagne avec perfection le flow très sombre. Et pour vous montrer comment Dj /rupture a un talent incroyable pour choisir les sons qu’ils oppose, voici ce que ça donne : La chanson finit sur Fness tre9, ou9ef 7sel, n3arfou klah lb7ar (Au milieu de la route, il s’est arrêté, bloqué, j’ai compris que la mer l’a emporté [qu'il est perdu face à sa situation]).Et après ça part en écho, la dubstep devient plus lente, profonde, le rythme change, et ça fait place à de la dark ambient très profonde et sombre, avec des voix en écho, tout doucement et progressivement, comme si on fondait dans cet univers, comme si justement klana lb7ar (la mer nous avait emporté). C’est exactement ce qu’on ressent, et c’est magique. Avec ça vous comprenez pourquoi est-ce que Dj /rupture choisit ses chansons avec brio, qui aurait eu l’idée de mélanger rap marocain, dubstep, rythmes orientaux, dark ambient, tout en étant conscient de la profondeur des paroles ?

Ainsi, Dj /rupture réussit là où les autres trouvent leurs limites, et accomplit un exploit musical et culturel en associant tel un chef d’orchestre la magie de tout un univers, de toute une variété de cultures, en y associant les rythmes les plus improbables. Un chef d’oeuvre de la dubstep. Il se passe quelque chose de magique durant l’album, qu’aucune chronique ne pourrait expliciter. C’est là tout le talent de cet artiste. 9.1/10

Simoh (Si Mohammed El Hammoumi)

Etudiant de 17 ans, geek et passionné de musique underground. Je suis très ouvert, je suis très éclectique. Ça se ressent. La musique m'inspire, mes articles sont souvent longs en conséquence, mais c'est pour vous faire ressentir ce que je ressens. Pour vous servir. Swag.