Selon le point de vue du Procureur général de la République française, DSK a reconnu des faits, tels que la tentative d'embrasser la romancière, qui peuvent être qualifiés d'agression sexuelle.
Seulement les délits d'agression sexuelle sont prescrits au bout de 3 ans et ne peuvent donc plus être poursuivis. D'où le classement sans suite de la plainte pour tentative de viol, qui, elle, n'a pas été reconnue faute de preuves.
C'était en effet la parole de Tristane Banon contre celle de DSK... En fait, depuis le début, il y a 8 ans, la parole de l'un vaut plus que celle de l'autre et cela continue...
Le livre de Tristane Banon, Le bal des hypocrites, publié ces jours-ci Au diable vauvert ici, est bien sûr lié à cette affaire. Il est donc impossible d'en faire abstraction quand on le lit.
Ce livre cependant est surtout le témoignage d'une jeune femme qui souffre terriblement de ne pas avoir été crue, d'avoir été considérée comme une affabulatrice, et qui, au moment où elle écrit, faute d'être en état de parler, hébétée, décide de prendre la plume, parce que cela devient vital pour elle.
Huit ans après des faits qui ont bouleversé sa vie, le fer a été remué une fois de plus dans la plaie de l'auteur pendant six longues semaines, depuis l'arrestation, le 15 mai de l'homme-babouin - le nom de DSK n'apparaît jamais dans le livre -, après la révélation au grand jour de sa récidive à New-York, jusqu'à sa libération le 1er juillet suivant.
Pendant cet intervalle de temps l'auteur va recevoir des centaines de messages électroniques et téléphoniques, et va être harcelée par une multitude de journalistes en mal de copie et de notoriété, au point d'en perdre le sommeil.
Qui sont ces hypocrites qui mènent le bal pendant ces six semaines, temps volé une nouvelle fois à sa vie, pendant lequel elle est contrainte de se cacher pour préserver sa sphère privée et son intégrité ?
Il y a tous ceux et toutes celles qui, à l'époque, lui ont conseillé de porter plainte et qui aujourd'hui font profil pas, parce qu'il faut serrer les rangs et que l'ambition les dévore.
Il y a tous ceux et toutes celles qui se sont tus à l'époque et qui lui reprochent aujourd'hui de ne pas avoir porté plainte, car cela aurait empêché que d'autres femmes subissent le même sort.
Il y a tous ceux et toutes celles qui, à l'époque, l'ont dissuadé de porter plainte contre cet homme dangereux, mais assis sur un trône, et qui aujourd'hui la poussent à le faire en tentant de lui donner mauvaise conscience si elle ne le fait pas.
Etc.
Pourtant :
"L'absence de plainte n'est pas une preuve de l'innocence de l'agresseur".
Ne pas porter plainte ne signifie pas non plus que la victime ment...
Il y a ceux qui ne veulent pas voir que la vie sentimentale de l'auteur, devenue chaos, a été bouleversée après sa collision avec l'homme-babouin, et la traitent de catin, alors qu'avant elle était une jeune femme rangée, du genre "bonnet de nuit, fidèle, trop fidèle, pas drôle, trop sage", "vie casée avant l'heure" :
"Puis il y a eu l'accident, le trois tonnes qui percute mes certitudes, l'homme qui devient
méchant. C'est celle d'après ça qu'ils appellent catin, celle qui apprendra à dissocier le corps de l'esprit, car c'est le seul moyen de s'en remettre, peut-être, de supporter en tout
cas."
Jean de la Fontaine avait raison qui disait :
"Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir."
Ce n'est donc pas à la faveur de la justice humaine que la vérité peut sortir de son puits. On ne peut en retrouver des accents que dans des livres tels que celui que vient d'écrire Tristane Banon, à laquelle il faut reconnaître un beau brin de plume que la souffrance lui a certainement permis de davantage aiguiser.
Il n'empêche que la vérité ne suffit pas à réparer tous les dommages, même si elle permet de se reconstruire un peu :
"L'état de victime est un état irréversible. Une victime lavée de tout soupçon restera à jamais une victime, jamais plus elle ne sera un être humain comme les autres."
Francis Richard