Festival Franco-Coréen du Film 2011 : une clôture animée en surprenante compagnie

Par Tred @limpossibleblog
La pluie tombait mardi soir pour la première et dernière fois sur le FFCF2011, et lorsqu’il s’agit de patienter sur le trottoir en attendant l’ouverture de portes, on se rend vite compte qu’elle n’avait pas manquée. Devant le St-André des Arts, je retrouve pour la dernière fois cette année la bande d’habitués croisée tout au long de la semaine, parée pour clore le festival, si possible en beauté. Alors que Quentin de Mirae m’abrite sous son parapluie coréen géant, Joy Means Sick m’apprend que son comparse du blog Kim Bong Park ne s’est pas remis de Café Noir la veille au soir et a déclaré forfait pour la clôture. Tant pis pour lui. Il aura raté la surprise du chef.
La surprise du chef, c’est Yoo Dong Suk, directeur du festival et MC d’un soir, qui nous l’annonce alors que nous avons pris place depuis quelques minutes au chaud et au sec dans une salle pleine ou presque : il y a une invitée surprise dans la salle : « Merci à la comédienne Jung Yumi d’être présente avec nous ce soir ». Mon sang ne fait qu’un tour. Hein ?! Quoi ?! Jung Yumi est assise parmi nous ? Tout à coup, qu’elle n’est pas ma surprise lorsque je vois la comédienne, vue un jour plus tôt après la projection de Café Noir, se lever juste derrière le trio que je forme avec Joy Means Sick et Quentin. Je me tourne vers eux : « Sacre Bleu ! Elle est assise derrière nous, on ne l’avait même pas captée ! Jung Yumi va passer le film assise dans notre dos ! » Deux heures plus tard, l’écho de mes exclamations résonnait toujours alors que la salle s’était depuis longtemps vidée. Elle était là, souriante, à un mètre de nous !
Comment se concentrer sur la soirée en sachant l’actrice fétiche de Hong Sang Soo placée si près de nous ? Et comment jeter de temps en temps de petits coups d’œil vers elle sans que cela soit trop voyant ? Allez, deux p’tits regards pour la route histoire de s’en souvenir pendant quelques années, et on reprend le fil de la soirée !
Car le temps ne s’est pas arrêté avec la prise de conscience que l’actrice coréenne était parmi nous. La cérémonie s’est déroulée, récompensant les courts-métrages « Space Radio » du Prix Mubi et « Make-Up » du Prix Asiana. Le staff du festival se réunissait sous nos yeux pour célébrer la dernière soirée (c’est qu’ils étaient nombreux cette année !). Yoo Dong Suk nous annonçait avec fierté (et il y a de quoi) une augmentation de 75% de la fréquentation du festival, en même temps que Pierre Ricadat se félicitait que les deux cinéastes invités cette année au Festival, Kang Yeong Cheol et Yoon Sung Hyun, venaient tout juste de remporter deux prix coréens équivalents à nos Césars : respectivement Meilleur Réalisateur pour Sunny et Meilleur Premier Film pour Bleak Night. Comme quoi, le festoche a eu le nez fin cette année.
Le directeur du festival a également profité de la soirée pour annoncer qu’il s’agissait, avec cette édition, du dernier Festival Franco-Coréen du Film sous cette appellation, et que l’année prochaine aurait lieu le 1er Festival du Film Coréen de Paris (ouf, plus besoin d’expliquer autour de moi que non, le Festival Franco-Coréen ne passe pas de films français !). La soirée fut forte en annonce !
Et elle fut bien sûr le préambule à un long-métrage d’animation, Leafie, qui clôturait la manifestation dans un esprit bon enfant. Au terme de l’édition 2009 déjà, c’était un film animé qui renvoyait tout le monde à la maison, à l’époque le classique coréen Robot Taekwon V. Leafie est beaucoup plus familial que ce dernier. Gros succès au box-office coréen avec plus de deux millions d’entrées en salles, le film suit le parcours d’une poule nommée Feuillette, qui cantonnée dans une cage pour pondre des œufs du matin au soir à la ferme rêve de vivre à la basse-cour. S’évadant de sa cage, elle est rejetée par la basse-cour et se retrouve donc en pleine nature, sauvée de justesse des griffes d’une belette par un canard charismatique. Commence pour elle une nouvelle vie au milieu des animaux sauvages, qui va la voir devenir la mère d’un petit canard orphelin.
Vous l’aurez compris, Leafie s’adresse à un public très… familial. Malgré un aspect visuel assez léché mêlant l’animation digitale et les dessins plus traditionnels, le rendu est beau, mais l’histoire reste gentille. Des personnages secondaires apportent l’humour (pas toujours très fin), mais ce qui fait le plus rire dans le film, c’est un ton presque auto-parodique qui parsème occasionnellement le scénario, notamment avec le personnage de Voyageur, le colvert charismatique doublé par Choi Min-Sik. Le canard est hilarant presque à chacune de ses apparitions à l’écran, le réalisateur lui offrant un rôle de beau gosse prenant la pose, poils au vent, de profil devant le coucher de soleil, faisant se pâmer notre petite poulette (dont la voix est celle de Moon Sori, vue notamment cette année dans le divin Ha Ha Ha). Dans ces moments-là, Leafie touche juste. Est-ce le rire de Jung Yumi que j’entends d’ailleurs occasionnellement dans mon dos ?
Pour le reste, on regarde le film calmement, et ce n’est peut-être pas plus mal après une semaine intense de films ponctuée la veille par les 3h20 de Café Noir. Se reposer devant Leafie, finalement, pourquoi pas. Les plus jeunes y trouveront même sûrement de l’émotion (on me dit dans mon oreillette que même des moins jeunes ont été ému, information à confirmer…). Leafie ne restera pas comme l’héroïne numéro un du FFCF 2011, et le film ne restera pas longtemps en mémoire (sauf le colvert et ses poses lascives), mais après la densité de Café Noir bu la veille, cette légèreté n’est pas maligne. On peut même voir dans le dénouement, étonnamment sombre, une apologie du sacrifice pour le bien d’un écosystème qui laisse songeur…
Jung Yumi n’aura pas eu à s’étonner de ce dénouement et de sa signification à l’échelle de la société coréenne, s’étant éclipsée discrètement à la moitié du film, à notre plus grand regret, nous trois qui avons tout de même constaté sa fuite et qui nous en sommes tout de suite sentis orphelins. Snif.
Le sacrifice à l’écran et l’absence de Yu-mi n’auront toutefois pas entamé la bonne humeur de cette ultime soirée du Festival Franco-Coréen du Film. D’ici l’année prochaine, certains des spectateurs se recroiseront dans un festival ou un autre, autour d’un film coréen ou d’ailleurs. Une chose est sûre, le 1er Festival du Film Coréen de Paris est déjà dans mon agenda pour 2012.