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Jean-Thomas Lesueur : «Je dépense, donc j’existe» pourrait être la devise de tous les élus »

Publié le 19 octobre 2011 par Lecriducontribuable
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Jean-Thomas Lesueur, délégué général de l’Institut Thomas-More, prône la fin de la culture de la dépense dans les collectivités locales  : en dix ans, les dépenses des collectivités ont augmenté de 60% et les impôts locaux de 45% (Voir le dossier du Cri 97). Extraits de son interview au Figaro Magazine (15 octobre 2011).

Fondé en 2004, l’Institut Thomas-More est un think tank d’opinion, européen et indépendant basé à Bruxelles et Paris. Il diffuse auprès des décideurs politiques et économiques et des médias internationaux des notes, des rapports, des recommandations et des études. Il organise des conférences, des rencontres et des séminaires sur ses thèmes d’études.

La crise de la dette oblige l’Etat à des révisions budgétaires drastiques. Va-t-elle imposer aussi aux collectivités locales un effort massif?

Il le faut absolument ! La France danse sur le volcan de l’endettement public et un effort de baisse des dépenses, bien plus important que celui qui est réalisé, devrait être entrepris tant au niveau de l’Etat que des collectivités.

La crise rend criant l’épuisement de nos modèles : modèle politique, social, d’organisation. On le voit bien au niveau de notre Etat-providence et de notre système de redistribution. Mais on le voit aussi dans notre système d’organisation des collectivités, qui est devenu aussi illisible, coûteux et inefficace que notre Etat-providence. Il y a un parallélisme des formes en la matière. Les responsables politiques, nationaux comme locaux, partagent cette responsabilité historique. Quarante ans sans réformes sérieuses, ça se paye un jour…

La France a pourtant connu plusieurs vagues de décentralisation, dont la dernière est en cours…

Certes, l’Etat a décentralisé, mais malgré lui. Il n’a jamais fait sa mue mentale et psychologique, si j’ose dire… L’Etat n’a jamais fait le choix de la subsidiarité et reste fondamentalement dirigiste et centralisateur. Il « lâche » des prérogatives et de la capacité financière aux collectivités, mais il ne construit pas avec elles une nouvelle organisation. Il n’y a pas eu de décentralisation sereine et sincère.

Près de trente ans après les lois Defferre, la France n’a donc toujours pas fait sa mutation territoriale. Elle est suradministrée mais sous-organisée. Les dernières réformes – taxe professionnelle et réforme territoriale de 2010 – ont manqué à la fois de clarté, d’ambition et de confiance. Résultat : elles ne sont ni performantes ni limpides. La réforme de la taxe professionnelle n’a pas été comprise. La réforme territoriale a complexifié le système – les élus locaux, rétifs au changement, ont leur part de responsabilité. Qui fait quoi? Qui est responsable de quoi? Voilà deux questions auxquelles on ne peut plus répondre facilement…

Pourtant, les élus locaux jouissent sur le papier d’une autonomie assez grande…

Ce n’est plus très vrai, surtout depuis la loi de 2010. Les régions et les départements ont perdu presque toute leur autonomie fiscale. Et sur pas mal de secteurs de la vie de tous les jours, ils et elles n’ont pas ou peu de marges de manœuvre : en matière d’éducation, les départements ont la charge des collèges, et les Régions, celle des lycées, mais ils n’ont pas leur mot à dire sur les enseignants ni sur les programmes; ils distribuent les minimas sociaux, mais c’est l’Etat qui en fixe le montant et les conditions d’attribution… Fondamentalement, ce sont davantage des guichets ou des organismes payeurs que des acteurs de plein exercice.

Est-ce souhaitable quand on voit comment les élus locaux se sont fait avoir dans l’affaire des emprunts toxiques?

Il y a probablement un problème de compétences des élus dans cette affaire. Une collectivité, ça se dirige en bon père de famille, pas en banquier d’affaires ! La question de la formation des élus doit enfin être sérieusement posée. Mais l’élu est responsable devant les citoyens des décisions qu’il prend. S’ils veulent le sanctionner, qu’ils le fassent. C’est le jeu de la démocratie locale. Et puis, des problèmes d’incompétence, il y en a dans les ministères et les administrations centrales aussi, non ?

Nous sommes le pays au monde qui a le plus grand nombre d’élus locaux. N’y a-t-il pas aussi des économies à faire de ce côté-là?

C’est un point délicat. La France compte en effet autour de 600 000 élus ! Mais n’allons pas dire que ce sont tous des profiteurs. Le plus grand nombre, élu dans des petites communes rurales, est majoritairement bénévole ou touche des indemnités modestes. Ces élus représentent aussi le dernier lien social.

Le problème, ce sont les coûts induits, en locaux, en personnel, etc. Le vrai sujet est donc le système lui-même, le mille-feuille incompréhensible qu’il constitue, les « fromages » et les doublons qu’il crée et les tabous qu’il entretient. Il faudrait s’attaquer enfin au premier d’entre eux : celui des 36 000 communes… Tant pis si cela heurte ou déplaît, mais il faut les réduire ou les amener à se regrouper – comme l’Italie vient de l’entreprendre. De même, la réforme de 2010 n’a pas réellement tranché dans le débat sur le niveau administratif à faire sauter. Pour nous, c’est le département qui doit disparaître. Tout ce qui concerne la vie des gens – le social, l’école, etc. – pourrait être piloté au niveau de la commune ou de l’intercommunalité, et tout ce qui est stratégique – l’enseignement secondaire et supérieur, le développement économique, la politique environnementale, etc. – à l’échelle de la Région.

Cela induirait-il des économies? La loi sur l’intercommunalité était censée réduire les coûts. Douze ans plus tard, la réalité est plutôt inverse…

C’est une question de volonté et de courage politique. Si on avait fait le choix clair de privilégier la Région, c’eût été 1 500 élus en moins… Vous verrez que, dans certains cas, des hôtels de Région récemment bâtis s’avéreront trop petits. Que fera-t-on? De nouveaux bâtiments à 200 millions?…

Je le redis : c’est le plan d’ensemble qu’il faut revoir. On dépense en haut, on dépense en bas. Qui se pose la question de l’efficacité de la dépense ? « Je dépense, donc j’existe », pourrait être la devise de tous les élus, qui souvent répondent ainsi à une demande des Français eux-mêmes. C’est cette mentalité qu’il faut casser. Les collectivités qui dépensent toujours plus en frais de personnel, en frais de représentation ou de communication, doivent se faire taper sur les doigts – à commencer par les électeurs. Mais pour le gros de leurs dépenses, celles attachées à leurs compétences, elles n’ont souvent pas la main sur le contenu des politiques. J’ajoute qu’il ne me semble pas que l’Etat ait des leçons à donner en matière de gestion financière…

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