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Il ne FAUT PAS sauver le chocolat !

Publié le 19 octobre 2011 par Copeau @Contrepoints

Il ne FAUT PAS sauver le chocolat !

Nous sommes mercredi, c’est le milieu de la semaine et il faut donc se donner du courage pour le reste de la semaine. Et qui dit courage, dit chocolat ! Avec ou sans noisettes, noir ou au lait, en tablettes, en barre, en pralines, tout est bon. Et là, hoooooorreur, je tombe sur un article du Monde dont le titre laisse craindre le pire : « il faut sauver le chocolat ! »

Et le désespoir s’empare de moi lorsque, en quelques paragraphes, la situation catastrophique m’est décrite dans toute sa cruelle simplicité : les plants de cacaos les plus parfumés et les plus goûtus sont, progressivement, remplacés par des plants d’un hybride robuste mais fade. Bientôt, le chocolat va avoir un goût de … de … de rien terne.

En substance, les plants de cacaos traditionnels nécessitent sept ans pour commencer à produire, et une portion non négligeable d’entre eux, plantés après guerre, sont maintenant bien vieux, pendant qu’une autre portion a été méchamment décimée par les déluges liés à El Nino à la fin des années 90. Petit à petit, on a choisi de replanter une espèce plus robuste et plus rapide à produire des fèves… fèves moins chargées en arômes.

Si l’on s’en tient à l’article, il est assez factuel, et on peut le lire sans y déceler l’habituel larmoiement abondant et éco-compatible sur le mode « Les méchants humains piétinent Gaïa ». Mieux, le titre, qui laissait présager une batterie de « solutions » toutes aussi ingénieuses qu’opérationnelles, est finalement trompeur : le cri est lancé, sans chercher à apporter ni solution, ni piste de réflexion. C’est, quelque part, reposant quand on compare au déluge de bonnes idées habituel de notre presse nationale.

Charlotte au chocolat. Miam, non ?

Mais voilà. Il y a les commentaires de frétillants lecteurs qui, eux, ne se contentent pas d’appeler à sauver le chocolat, mais ont la ferme intention de nous dire comment. Et là, c’est un festival d’experts en cacaoyers, de fins économistes et de philosophes affûtés. Ok, j’exagère puisqu’il n’y a qu’une petite poignée de saillies. Mais elles illustrent parfaitement la tendance actuelle : il y a un problème, on n’y connaît rien, mais vite, IL FAUT intervenir.

Poum.

Comme ça, par exemple :

Il faut lancer des programmes de recherche conséquents pour obtenir de nouvelles variétés de cacaoyers hybrides possédant les arômes recherchés. Il n’y a rien de sorcier à cela. On l’a fait pour les pommiers, les poiriers, les cerisiers… Le problème vient aussi peut-être du fait que plusieurs des pays producteurs de cacao ne reconnaissent pas le droit des certificats d’obtentions végétales, ce qui ne va pas pousser les obtenteurs à créer de nouvelles variétés.

Simple, non ? Il suffit de lancer des programmes de recherches. Et bien sûr, conséquents, avec plein de pognon gratuit injecté dans le petit tuyau ici et la grosse buse là. On ouvre la vanne ici, on tourne le petit bouton là, on appuie ici, et plouf, le chocolat, liquide, sirupeux et bien sûr correctement aromatisé, dégouline ici. Miam.

Il ne vient pas à l’idée de notre aimable commentateur que les variétés existent déjà. Leur nom est même donné dans l’article. On sait produire du cacao plein d’arômes. On l’a fait pendant des dizaines d’années, et je suppose assez hardiment que les exploitants locaux savent encore comment faire.

Mmh, il ne s’agit donc pas d’un problème technique. Peut-être s’agit-il d’un problème purement industriel, ou écologique ?

« La production industrielle en quantités suffisantes pour satisfaire plusieurs milliards d’individus, que ça soit pour la viande, les céréales, les légumes ou le chocolat, c’est la mort. Appauvrissement des écosystèmes, pollution, épuisement des ressources en eau, mort biologique des sols. Il serait peut-être temps qu’on prennen le problème à la source. Ou on peut passer la 5eme face au mur. Je crois que le court-termisme nous poussera à la seconde solution. »

Eh oui : vouloir nourrir tout le monde, c’est La-Mort. Alors que vouloir nourrir seulement la moitié du monde, ou, mieux encore, le quart, c’est « Pas-La-Mort ». Enfin, pour ceux qu’on nourrit. Vous voyez le super-dilemme ? D’un côté, on fait des efforts et on nourrit tout le monde, et de l’autre, on fait des efforts, mais moins, et pas les mêmes, et 3 milliards de personnes clabotent. Mais c’est pas court-termiste. C’est mieux. C’est Gaïa-compatible, je suppose.

Et puis au fait, où diable est-il marqué dans l’article que le problème provient du fait que tout le monde, sur cette foutue planète, veut se goinfrer de chocolat ? Y a-t-il un vrai, profond problème de quantité ? Le chocolat est-il un droit de l’homme ?

À moins qu’il s’agisse d’un problème … de prix. Economique, donc. Peut-être s’agit-il, pour les paysans de l’Equateur et du Pérou, de faire le calcul économique suivant : d’un côté, j’arrache mes vieux plants de bon cacao pour en replanter et je dois faire ceinture pendant sept ans, ce qui suppose d’avoir les ressources économiques de tenir aussi longtemps. De l’autre, je replante une espèce plus robuste et plus rapide. Je récupère moins d’argent, parce que ma production est moins bonne, mais comme la quantité compense, je m’en sors. Et je n’attends que deux ans au lieu de sept. C’est la différence entre crever de faim dans 3, 4 ou 5 ans, et continuer à nourrir ma famille.

Continuons le raisonnement. Une multitude de paysans va suivre la même logique : l’espèce robuste et fade se répand donc. Les bons plants se font rare. Le cours du bon cacao plein de délicieux arômes goûtus grimpe. Les petits malins qui ont leurs propres plantations (chocolatiers avisés) vendent leur confiserie à prix d’or. La hausse des prix aidant, le retour d’investissement sur des plants de cacao de qualité se fait de plus en plus fort, ce qui contrebalance de mieux en mieux l’attente de sept ans. Et petit à petit, les exploitants reviennent à un cacao de qualité.

Ou on peut aussi intervenir massivement et imposer des quotas de cacaoyers spécifiques, avec plein de jolies règles, des contrôles massifs, une bureaucratie bien lourde, bien casse-fèves et très coûteuse. Mieux : on distribue des subventions généreusement puisées dans les poches de contribuables (dont certains n’aiment pas le chocolat, mais on s’en fiche) pour favoriser le replantage de certains types de cacao. Quand il y a surproduction, les cours s’effondrent ce qui suppose de mettre en place des fonds de soutien aux exploitants ruinés.

Tout de suite, on comprend à quel point il FAUT sauver le chocolat avec ce genre de solutions. Et puis, vous la sentez, cette bonne odeur de truc marron qui n’est pas du tout du chocolat ?
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