(...) du jour où il partit sur les routes, il s'éprit de chevalerie, de bonté, de dignité, de liberté et de courtoisie...

Publié le 19 octobre 2011 par Clarabel

          

Depuis le décès de leur mère, les enfants Bell ont choisi de se réfugier dans le jeu du chevalier pour oublier leur chagrin. Le jeu a été spécialement créé par l'aîné, Sébastien, qui s'est autoproclamé Lancelot, autour de la Table Ronde, dans leur cabane transformée en Camelot, et chacun des membres de la famille est soit écuyer, page ou chevalier. Corrie, onze ans, est en totale admiration devant son grand frère. Toutefois, elle se rend compte que des petits détails ne collent pas, Sébastien s'éloigne de la réalité, parce qu'il veut oublier ses soucis personnels, c'est un garçon très émotif et sensible, mais plus il s'enferme dans son jeu, plus il perd toute notion de perspicacité. 
Corrie est la seule à s'alarmer, elle ne veut pas prévenir son père, enfermé dans son bureau, occupé à préparer ses cours ou à rédiger son roman. Sa soeur Rose préfère tourner le dos et veut vivre une vraie vie d'adolescente, elle se moque du jeu et compte bien passer à autre chose. Tout le monde tourne autour du pot, mais jamais personne ne veut taper du poing sur la table. Plus le temps passe, et plus Corrie est moralement minée. 
Sa nouvelle meilleure amie, Meredith, tente de lui changer les idées. Au lieu de s'en réjouir, Corrie trouve qu'elle empiète trop dans son existence et cherche à s'immiscer dans sa famille. Or, la famille, c'est sacré ! Bouclier intégral autour de la maison. Il faut préserver le cocon. C'est ce que Sébastien s'échine à expliquer, Corrie est du même avis. C'est tellement plus réconfortant de se réfugier chez soi parmi ses rêves, ses jeux et ses lectures. Le monde y apparaît plus doux et rassurant, au diable la vie qui veut vous faire grandir. Corrie n'est pas prête. 

Kit Pearson a su donner le ton en décrivant une ambiance du quotidien délicieusement désuète (nous sommes en 1958 après tout), la grande maison familiale apparaît accueillante et rassurante, on comprend le désir des enfants Bell à ne pas vouloir en sortir pour se confronter au monde extérieur. Et pourtant, ils n'ont plus le choix. Sébastien est en train de sombrer dans une spirale dangereuse pour sa santé mentale, il est temps de se ressaisir et d'assumer ses responsabilités. 
Pour y parvenir, l'auteur n'a nullement recours à la sensiblerie, point de morale ou de divine providence non plus. Jusqu'au bout, le roman peaufine son rythme ronronnant, éclairant les contrariétés et la détresse des protagonistes, avec justesse et intelligence. Plus que tout, j'ai savouré cette ambiance délicate et me suis lovée parmi les pages avec un sentiment de bien-être et de compassion. Car on s'attache à la famille Bell, on les aime tellement qu'on leur souhaite de tout coeur de trouver les bonnes voies et d'être les plus heureux possible. 
Un très bon roman, révélant un auteur prodigieux. 

Le Jeu du Chevalier, par Kit Pearson 
Albin Michel jeunesse, 2011 - 280 pages - 13,50€
traduit de l'anglais par Alice Seelow 

  -) l'édition originale, avec sa très belle couverture !