Antoine Rigot est un artiste. Mais c'est aussi un homme qui, comme beaucoup d'autres, a été un jour confronté à ce qu'on appelle un coup du sort. Il incarne cette preuve atroce que personne n'est à l'abri d'un accident.
Mai 2000. Il y eut un avant. Il y a un après. Antoine Rigot, très grièvement blessé reste funambule. Comme d'autre voient avec leurs doigts, il marche avec ses bras.
Quand les spectateurs pénètrent sur la scène de la Piscine de Chatenay-Malabry (92) où le dispositif est installé, en forme triangulaire, ils ne le découvrent pas immédiatement, assis au pied des mats. Un souffle métallique comme une déflagration précède le noir absolu et le bruit d'un flash.
Premier tableau : La main bouge imperceptiblement mais reste dans la retenue. Dans la salle on connait l'histoire de cet homme. Alors chacun se situe dans cette même retenue.
L'artiste est à terre, sur ce sol où il pourrait glisser. Il est secoué de tremblements et ce sont déjà des mouvements. Le silence est absolu. Un appel, une prise d'air et l'homme se redresse. Debout, il vacille, mais progresse vers celle qui l'attend, effectuant un tour de piste comme si celui ci avait la longueur d'un tour du monde. L'avancée est aussi périlleuse que si elle s'effectuait sur un fil de fer. Et elle avance maintenant à reculons.
Tous deux pieds nus. Lui comme l'enfant qui ... Elle comme la mère qui ...
Il s'assoit, reprend pied, se déploie de nouveau, faisant penser à l'albatros de Baudelaire. Elle a des allures de fée Clochette, dans sa robe verte, se tient à portée de mollet, d'épaules, le poussant mentalement d'une caresse, d'un frôlement. Cela pourrait être l'histoire d'un papillon aimanté par une étoile.
Deuxième tableau : des pas résonnent dans un hall de gare. La vie continue. Rien ne s'arrête, jamais. Signe qu'il va se passer quelque chose. Elle enfile ses chaussons comme elle dirait une prière, à genoux sur le fil. Les claquements de semelles s'estompent sur la montée de la plainte du violoncelle. La lumière est maintenant rouge. Un saut. On a sous les yeux l'éveil du printemps de Boticelli. Chacun apprivoise le déséquilibre corporel et musical.
Troisième tableau : Elle est de nouveau pieds nus et le noir est retombé sur la scène. L'un se fait escalier pour l'autre. Il est le chemin. Elle est la ballerine. On sent sa force plus que son effort. Ils se déplacent en parallèle. C'est un petit poisson et un petit oiseau qui d'amour tendre s'aiment, et se défient. C'est un jeu qui en entraine un autre. Attrape-moi si tu peux. Çà se danse, se balance, dans les cris et les chuchotements. Sanja Kosonen crie sa rage dans sa langue maternelle qui est le finlandais.Quatrième tableau : Il monte ou il va monter. Le public a maintenant la certitude. Les percussions construisent le mur sonore d'une arène. La danse a lieu en pleine lumière à chaque victoire.
La création a demandé deux ans de travail autour d'ateliers de recherche. Le spectacle a commencé à tourner exactement depuis octobre 2009. Il a évolué et continuera à bouger sensiblement. La bande-son non plus n'est pas figée. Le régisseur son, qui a assuré le design sonore, emploie l'image d'une bande-élastique, étirable et comprimable. C'est une chorégraphie de l'équilibre. Fragile et forte comme la vie, simplement comme la vie qui toujours doit continuer.
Après Chatenay-Malabry, Sur la route sera les 22 et 23 octobre à Turin (Italie) au Festival Danza
le 25 octobre à Zagreb (Croatie) au Festival Novog Cirkuza
les 29 et 30 octobre à Neerpelt (Belgique) au Festival Teater in de Piste
les 2 et 3 novembre à Charleroi (Belgique) au PBA Festival Bis’art
du 17 au 19 novembre à Caen au Festival Les Boréales
le 22 novembre à Mâcon au Théâtre, scène nationale
Les Colporteurs avaient déjà présenté au Théâtre Firmin Gémier / La Piscine Le Fil sous la neige, en 2006 à l’Espace Cirque d’Antony, et Les étoiles en 2010.