La Gaumont ressort des films de Ettore Scola, dans une veine mineure selon moi, comme « Quelle heure est-il ? » ou « Le voyage du capitaine Fracasse ». Par contre la sortie dvd de « Splendor » permettra peut-être de remettre les pendules à l’heure. De la même façon que « La vie est belle » de Roberto Benigni a pu éclipser « Train de nuit » de Radu Mihaileanu, un film tout aussi excellent et distribué à quinze jours d’écart, le film de Scola a pâti de l’énorme succès de « Cinema Paradiso » sorti également dans la foulée.
Pas question de les mettre ici en concurrence, ils me conviennent parfaitement tous les deux. Mais comme « Splendor » a les avantages du calendrier, rendons lui cet honneur d’un excellent film dans lequel Marcello Mastroianni , en propriétaire avisé d’une salle de cinéma de village et son comparse Massimo Troisi, tout aussi remarquable en projectionniste amoureux fou de la pellicule , font plus que la paire.
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Ils tiennent la dragée haute à une histoire de fin de règne, en refaisant le monde autour du sépia des affiches d’autrefois et des images de la nostalgie. Mais plutôt que la déprime, c’est l’optimisme qui mène la danse au cœur du « Splendor » où la chute de rein de l’ouvreuse (Marina Vlady , mama mia !) accompagne généreusement chaque spectateur.
« L’arbre aux sabots », « Metropolis », « Armarcord, « Miracle à Milan », « Z »…. Scola ne se prive pas de faire défiler ses films fétiches, jusqu’à ce petit clin d’œil à « Jours d’amour » de Giuseppe de Santis, dans lequel Marcello Mastroianni et Marina Vlady avaient déjà tourné ensemble.
Mais l’heure n’est plus à la romance dans cette salle de cinéma qui va peu à peu connaître le déclin. La télévision est pointée du doigt, et dans son interview, le réalisateur dénonce à nouveau ce concurrent aussi inattendu que brutal.
Il le fait sans excès de la même manière qu’il filme des salles vides ; le larmoyant de la situation, est ailleurs, dans la solitude de ce propriétaire désemparé, ou de ce projectionniste qui défiant l’évidence croit au miracle du septième art. Et leurs désaccords (sur l’opportunité de faire du spectacle avant chaque film, par exemple) provoquent de sublimes confrontations, rehaussées par une mise en scène qui s’en tient toujours à l’évidence. Quand le cinéma meurt, Scola lui donne encore les moyens de résister.
LE BONUS
Interview de Ettore Scola (20 mn)
Il n’y a rien de révolutionnaire dans les propos du cinéaste, mais une réflexion générale très intéressante sur le cinéma « quand il s’agissait d’une expérience collective, d’un phénomène de masse. La mort du cinéma est due à cela aussi, car après tout est devenu privé, chacun pouvait faire son cinéma chez soi. Je respecte l’évolution de la technologie, mais voilà où nous en sommes arrivés ».
Ettore Scola évoque plus particulièrement « Splendor » et la relation père fils qui s’est nouée entre les deux acteurs, « ce qui m’a donné l’idée de tourner ensuite« Quelle heure est-il ? ».
En parlant des films qui ont marqué le cinéma italien, le réalisateur ne peut s’empêcher de revenir sur la sortie simultanée avec « Cinema paradiso », « mais je n’ai pas eu le même succès » reconnaît-il bon perdant. « Ces drôles de coïncidences font partie du jeu, on était avec Tornatore, nostalgiques d’un cinéma qui était en train de disparaître ».