Toute ma vie, cette chanson serait liée à cet instant. Il m'arrive de l'entendre par hasard, dans une rue ou un appartement, ici ou ailleurs, et je me retrouve alors immédiatement dans la voiture, en route pour le cimetière. Chose étrange : cet air est si profondément ancré en moi que je me rappelle aussi toutes les autres fois où j'ai pu l'entendre depuis. Ainsi, à chaque écoute, je suis propulsé dans une poupée russe de sa mélodie, où se mêlent des souvenirs divers, incompatibles, de l'acide au sucré, et tout cela aboutit à la plus petite poupée, celle du coeur, celle du souvenir initial : celui de la voiture (maintenant).
Ouvrir un roman de David Foenkinos, c'est comme savourer une gourmandise (d'où la photo). C'est un plaisir toujours, à chaque fois différent. Après donc m'être délectée de La Délicatesse et de Le Potentiel érotique de ma femme, j'ai plongé ma petite cuiller dans son dernier roman, Les Souvenirs, toujours en lice pour le prix Goncourt.
Résumer ce roman est un exercice difficile, car de mon point de vue le fil narratif n'est pas ce qu'il y a de plus essentiel. L'essentiel, c'est cette succession de moments, de souvenirs dans la vie du narrateur, et les flash-back dans les souvenirs d'autres personnes qui croisent son chemin ou sa pensée, et qui tissent comme un patchwork.
Ce fil narratif, aussi ténu soit-il, essayons tout de même de nous y accrocher. Le narrateur, gardien de nuit dans un hôtel, voudrait être écrivain mais ne parvient pas à écrire. Il a perdu récemment son grand-père, et bientôt sa grand-mère, dont il est très proche, est placée en maison de retraite. Mais la vieille femme ne parvient pas à se faire à sa nouvelle vie...
Dire que ce roman a été pour moi un enchantement serait un euphémisme. Il faut dire que je l'attendais avec impatience, pleine de bienveillance à son égard, et sitôt que je l'ai eu en ma possession, je l'ai dévoré (comme une gourmandise, donc). Parce qu'entre David Foenkinos et moi, c'est une véritable histoire d'amour (littéraire évidemment) qui est en train de se nouer. J'ai aimé son narrateur un peu fou, qui cherche l'amour dans les cimetières, se veut écrivain (et là je m'interroge : est-ce que les histoires dont le narrateur et ou le héros sont écrivain sont à la mode, ou est-ce le hasard qui me fait signe en me mettant toujours leurs histoires entre les mains ?). J'ai retrouvé certains traits présents dans ses précédents romans, et notamment les comparaisons drôlissimes ("ma vie sexuelle ressemblait à un film suédois", "ce regard à la densité d'un roman tragique de huit cents pages), il y a même selon moi un clin d'oeil à La Délicatesse vers la fin où on croise une femme qui vient de perdre son mari tué alors qu'il faisait du jogging. En même temps, j'ai trouvé ce roman moins drôle et léger que les deux que j'ai lus, peut-être plus "mûr". En tout cas, je le trouve d'une simplicité et d'une profondeur incroyables : Foenkinos met des mots sur les évidences, parvient à dire l'indicible, le ressenti. Toujours touchant et émouvant, il ne cesse de nous offrir des petites phrases qui font mouche. Et ça, c'est du pur bonheur !