L’ŒIL INVISIBLE (La Mirada Invisible) de Diego Lerman

Par Celine_diane


Mars 1982, à Buenos Aires. Bientôt, la démocratie. Hors des murs, le pays perd la guerre des Malouines et la dictature militaire s’effondre. Entre les murs (du Lycée National en l’occurrence), on y forme les futures élites. Avec rigueur, discipline, sévérité. Maria Teresa (incroyable Julieta Zylberberg), surveillante de 23 ans, n'est rien de moins- sous la caméra de Diego Lerman (Tan de repente, Mientras tanto), que le personnage-symbole de l’Argentine. A l’écran, c’est limpide : pour parler de ce qu’il se passe au-dehors, Lerman filme les intérieurs. L’architecture austère du bâtiment et le lieu clos d’abord, des hommes et femmes automates frustrés déambulant sur un échiquier géant ensuite, pions enchaînés qui font écho au peuple argentin des rues, soumis et en colère. Le parallèle entre le contexte historique et les tourments des protagonistes peut paraître un peu gros sur le papier. Il ne l’est pas. Grâce, surtout, à une puissante maîtrise du cadre et de la psychologie des personnages.
Au-delà du jeu autour d’un lycée-allégorique qui conteste ouvertement toute forme de coercition, à travers l’intrigue et la figure d’une héroïne déviante (qui ira jusqu’à fantasmer obsessionnellement sur l’un des élèves), le film aborde une multitude de thèmes fascinants : jusqu’où peut-on aller par frustration sexuelle ? De quelle manière le pouvoir transforme-t-il l’individu ? Quelles dérives induisent les interdits ? Maria Teresa, étouffée par un désir qu’elle ne peut assouvir, oubliera dignité et censure. Son supérieur (Osmar Núñez), lui, forcera les portes (physique et symbolique) pour obtenir ce qu’il souhaite. L’art de la guerre, tout en figurations et analogies. C’est fort, inédit, et dérangeant.

Le DVD, édité par Pyramide vidéo, est disponible depuis le 19 octobre 2011.