Étienne Davodeau – Les ignorants

Par Yvantilleuil

À consommer sans modération !

Si Les gouttes de Dieu de Tadashi Agi et Shu Okimoto se boivent comme du petit lait, cette brique de plus de 250 pages, signée Étienne Davodeau, se déguste comme un grand cru et procure l’ivresse qui mène les bédéphiles au Walhalla du neuvième art !

Au centre de ce one-shot particulièrement didactique : deux hommes et leurs passions respectives ! Le premier, Richard Leroy, est un vigneron de Saumur qui ne connaît rien à la bande dessinée et le deuxième n’est autre que l’auteur de cet ouvrage et l’initiateur de ce projet original qui consiste à créer une passerelle entre le neuvième art et la viniculture. Cet album relate le parcours initiatique de deux professionnels dans leur domaine qui, le temps d’une BD, se font découvrir leurs métiers respectifs. Le lecteur suit donc le quotidien d’un petit producteur bio qui se met à lire des bandes dessinées et d’un auteur de renom qui s’arme d’un carnet de croquis et d’un sécateur pour nous faire découvrir le métier de viticulteur. Cette année de partage guidée par la passion invite donc à suivre l’initiation croisée de deux ignorants qui se nourrissent du savoir de l’autre.

De la taille des vignes jusqu’à la mise en bouteilles, en passant par la biodynamie, le décavaillonnage, la fabrique de tonneaux, les vendanges, le système de notation de Robert Parker, la visite de plusieurs terroirs et la rencontre de cavistes et importateurs, cet apprentissage réciproque nous emmène également dans les coulisses de l’édition. Du processus de création d’une bande dessinée aux chefs-d’œuvre de Alan Moore, Art Spiegelman, Emmanuel Guibert, Jean-Pierre Gibrat et du pauvre Moebius, en passant par la rencontre d’auteurs, d’imprimeurs, de responsables éditoriaux et de festivaliers, cet ouvrage d’une richesse incroyable est vraiment passionnant.

Étienne Davodeau saupoudre cet échange instructif de beaucoup d’humour et démontre une nouvelle fois sa capacité à partager le tout avec grande justesse et énormément d’humanisme. Usant d’un dessin en noir et blanc pour restituer cet amour du métier, il croque cette collaboration étroite de manière très réaliste et propose un graphisme entièrement au service de ce scénario qui suit le cours des saisons.

Il ne manque plus qu’un coffret regroupant l’album et une bonne bouteille car, au fil des pages, les deux semblent de plus en plus indissociables et offrir l’un sans l’autre paraît dès lors de moins en moins envisageable.

Retrouvez cet album dans mon Top du mois et dans mon Top de l’année !

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