Facebook nous joue des tours. Alors que mon désir le plus cher s’est réalisé – à savoir classer mes « amis » par réseau, il s’avère que j’ai en fait organisé mes amitiés et mes connaissances dans des petites boites distinctes, jusqu’à devoir déterminer des degrés de proximité ou des centres d’intérêts communs pour chacun. Je l’ai fait, ravie de n’importuner que mes amis avec mon incontinence éditoriale. Mais, tout de même, je me pose certaines questions sur ma déontologie de l’amitié, en toute culpabilité.
Freak du classement, bienvenue.
Amis proches, famille, boulets…
Il y a les réfractaires au tri et les adeptes des minis regroupements. Depuis quelques semaines, je n’ai de cesse d’entendre les confessions des uns et des autres sur cette nouvelle fonctionnalité.
Notre vie est faite de cercles de connaissances, qui se coupent, se découpent et s’entrecoupent, toujours mouvants, jamais gravés dans le marbre. Au sein de ces cercles, s’expriment des affinités, de l’intimité forgée par les années, des tensions éteintes ou ravivées, des amours naissants comme des histoires reléguées au rang des souvenirs. Facebook nous permet désormais de refléter ces non-dits relationnels dans des groupes d’appellations personnalisables.
Il n’y a pas de démocratie dans cette organisation des relations : la main du tri est dictatoriale et la sélection sans pitié. L’ »ami » n’est qu’un pion, transbahuté d’un groupe à l’autre, au gré des hasards de la vie. Facebook, le réseau social par excellence, prends des airs de Big Brother, segmentant notre vie, contrôlant la parole des uns pour ne permettre que celles des autres, en toute subjectivité et avec l’excuse du respect de la vie privée. Qui ne peut être dans mon groupe d’amis, sinon d’amis proches, sera banni de mes – insipides et nombreuses – publications quotidiennes, dans son plus grand intérêt.
Or, mise à part la classification « Amis proches », les profils relégués au second plan, dans les tréfonds vagues du groupe « Amis », répondent à la nécessité du non classement. Ils sont les « ni » : ni collègues de travail, ni membres de la famille, ni personnage public, ni amis proches ». Les membres du groupe « Amis » se trouvent être des connaissances en cours de classement. On ne sait pas où les ranger soigneusement et quelles publications leur offrir. Alors on leur offre tout ou presque. À eux de dissimuler notre contenu ou de nous classer si le cœur leur en dit.
Le jeu est pervers, seuls quelques uns seront capables de le remarquer et seuls quelques uns seront assez fous pour appliquer ceci réellement (pour ceux qui me mettraient dans cette douteuse catégorie, sachez que le pervers Facebook se souvient de la personnalisation que vous avez appliquée et la reproduit en toute impunité).
Cibler vos publications et explorer les perversités de Facebook
Si l’on suit cette logique de classement, cela nous conduit à cibler nos publications autant que nous segmentons nos publics… vive le marketing relationnel.
- Proposer mes like compulsifs de fiches produits cosméto-fashion uniquement à mes amies
- Soumettre mes likes professionnels seulement à mes « amis » de travail
- Offrir à mes amants les articles sulfureux-érotiques du blog Les 400 culs en les excluant les uns les autres pour qu’ils se pensent exclusifs ?
Tout est aisément imaginable, mais rassurant dans le sens où personne ne fait réellement ce ciblage et cette segmentation. Je me rappelle qu’ados, il y avait le fameux groupe des « gens populaires » hyper beaux, branchés et les autres… ingrats, boutonneux et … normaux. Facebook nous permet de recréer notre cour de récré, quelle découverte !
Enfin, tout ceci est très violent à l’heure où Facebook est surtout le nouveau msn qui nous permet de discuter normalement avec nos vrais amis, parents et proches, de manière sereine et pratique, tout en créant des relations épistolaires d’un nouveau genre.