Commander: Conquest of the Americas

Publié le 18 octobre 2011 par Gameinvaders

Paradox Interactive, éditeur spécialisé dans le jeu de gestion ayant à son actif les célèbres Mount & Blade et Majesty 2, revient avec un nouveau titre, Commander : Conquest of the Americas, développé par les suédois de Nitro Games.

La carte s'inspire d'un petit jeu indé, Civilization.

Ah, l’Amérique coloniale ! Ses caravelles parties braver les océans déchaînés au mépris de tout danger, ses civilisations perdues recelant mille secrets, ses luttes politico-religieuses intestines, ses massacres d’indigènes à grand renfort de draps contaminés ! On m’annonce dans l’oreillette que non, Commander n’est pas un simulateur de génocide à grande échelle (je suis un peu déçu, forcément), mais bel et bien un simulateur de colonisation des Amériques, plus propice au déploiement de vos plus fins talents de stratège. Par “fins”, comprenez “endurcis par la pratique d’une dizaine d’autres jeux similaires”. En effet, le premier constat est inquiétant : le jeu se montre aussi riche qu’avare en didacticiels, et les quelques fenêtres d’aide basiques, surchargées et ne pesant jamais moins d’une vingtaine de lignes, m’aident autant à y voir clair qu’une brume épaisse en plein hiver sibérien. La partie débute ainsi par le choix d’une faction : Portugais, Anglais, Français, Allemands, Espagnols, etc., chacun ayant leurs propres spécificités dont je peine à mesurer l’impact réel en jeu. Mais me voici déjà lancé sans transition à l’assaut des côtes du Nouveau Monde, au demeurant fort jolies. Et non, je ne suis pas seul, et oui, tous mes rivaux sont déjà partis sans moi. Ce qui n’a rien d’étonnant, l’obligation de cliquer sur un navire au pixel près et pas à côté démontrant une absence flagrante d’ergonomie; impression qui persistera tout au long du jeu.

L'interface dans toute sa magnificente illisibilité.

Le système de sélection dompté (oui !), me voici à la barre d’un fier galion commandé par le sosie de John Lennon croisé avec un raton-laveur. Le relief global du continent s’offre alors à moi, me suppliant presque de poser pied à terre sur ce petit lopin de terre, seul endroit laissé vacant par la rudesse de la compétition. Ici encore, nouveau choc : l’intégralité de la carte est dévoilée dès le début du jeu. En d’autres termes, je pressens déjà que je ne connaîtrai pas le plaisir de découvrir le nouveau continent et ses richesses par moi-même, voguant sur les flots à la recherche de nouvelles ressources à exploiter. Etant donné le thème, l’exploration aurait été un sérieux plus à l’ambiance générale du jeu, par ailleurs bien rendue. Et cela aurait accessoirement évité de donner l’impression d’un thème plaqué tout fait sur des mécaniques de jeu pures. Pire encore, je connais déjà l’intégralité des placements des colonies ennemies – y compris la bande de Portugais qui n’a pas manqué de s’installer à trente mètres (disons trente-cinq) de ma petite entreprise. Mais nous y reviendrons.

Le moteur graphique est impressionnant.

Le temps passe, et entre les provocations des Portugais et les indigènes ingérables, j’en ai presque oublié le point central du jeu : le commerce. Les fonds s’écoulent en effet plus vite que des tickets pour Daft Punk, et je me retrouve au pied du mur : je ne vais pas y couper, il va falloir que j’utilise cette interface de transactions proprement imbitable. Premier constat : c’est chargé, c’est lourd, mais c’est riche. En apparence (mais juste en apparence), on dirait que ça vaut le coup de se pencher sur la question. Une demi-heure plus tard, la richesse – celle du jeu, pas la mienne – prend un coup bien sec entre les deux oreilles. Je me retrouve à catapulter des dizaines de navires marchands sur le vieux continent, stratégie qui se révèle non seulement fructueuse, mais aussi très répétitive, le moindre chargement nécessitant de rentrer manuellement toutes les valeurs de biens à embarquer, et ce dans tout un tas de menus et de sous-menus. On peine à percevoir l’intérêt d’un système commercial aussi complexe si ce n’est pour le voir ruiné (ah ah) par un touriste qui joue depuis deux heures. Qu’à cela ne tienne, mes petites combines se voient menacées par les Portugais, de plus en plus pesants. Il ne m’en faut pas plus pour affréter une flotte de navires de guerre et me lancer à l’assaut pour de la baston en bonne et due forme. C’est vite dit. L’ennemi, sentant la fin venir, parcourt la moitié de l’Atlantique, transformant une bataille apparemment simple en jeu du chat de la souris dans le plus pur style Heroes of Might and Magic. Dix minutes plus tard – c’est qu’ils sont rapides, les saligauds -, je rattrape finalement les vils félons.

Les escarmouches ont moins de gueule en vrai. Dommage.

Choix de design intéressant et a priori sympathique, les combats, généralement le grand point faible des jeux de gestion pure et résolus par l’ordinateur à base de “c’est lui qui a la plus grosse, c’est lui qui gagne”, sont eux aussi placés sous le signe de la (micro-) gestion. Sauf que. Sauf que la partie prend davantage l’apparence d’un “Battleship Simulator 1550 rencontre le STR” que d’un jeu de gestion. Je me retrouve, toujours sans le moindre didacticiel (sinon c’est pas drôle), à devoir gérer la force du vent, les tactiques d’approche de mes différents navires, leur formation, ou la matière de mes boulets. J’aurais crû personnellement que faute de métal mes artilleurs utiliseraient des indigènes comme projectiles. Grosse déception.

Que dire, si ce n’est qu ‘entre des volontés simulationnistes louables, une mécanique – pourtant centrale – de commerce rapidement maîtrisée et sans surprise, et des intrusions de STR malvenues, Commander : Conquest of the Americas semble avoir manqué le coche de bien belle manière ? Cet état de fait ajouté à l’absence de didacticiels corrects et de feedbacks clairs rend le jeu trop simple pour le connaisseur, et trop complexe pour le néophyte. Reste un moteur graphique de toute beauté, et un thème joliment restitué. Bien peu de choses au regard des attentes du public friand du genre.

Score: