Depuis sa première apparition, El Shaddai : Ascension of the Metatron a enchanté nos yeux ébahis. Avec ses couleurs vives, son teint pastel et son héros vêtu d'un blanc immaculé parcourant des lieux somptueux aux graphismes aussi originaux qu'époustouflants, le jeu a su faire parler de lui. Disons simplement que Ignition a surtout communiqué sur l'aspect graphique de son titre et on les comprend puisque le réalisateur n'est autre que Sawaki Takeyasu, le character designer de Okami. Après avoir traversé l'océan, voici donc venir un Beat Them All qui garde de nombreux mystères, pour le pire ou le meilleur ?
On l'appelle le chevalier blanc
Alors que Dieu voulait faire s'abattre le déluge sur les humains corrompus, un homme trouva grâce à ses yeux. Pur et bon, Enoch eut donc les faveurs du ciel et fut récompensé par une grande longévité qui lui permit de vivre parmi les êtres humains durant 365 ans. Un être aussi extraordinaire apparaît donc comme une personne de confiance pouvant aider le ciel à régler ses problèmes sur Terre. Aussi, lorsque Lucifer, un ange, vient le trouver, téléphone portable à la main en communication directe avec Dieu, et que celui-ci lui transmet une demande du chef, notre héros va accepter sans rechigner. Des anges déchus ont quitté les cieux pour venir répandre l'amour sur Terre, ce que l'on peut traduire par, frustrés de s'ennuyer au Paradis, les anges sont descendus pour coucher avec toutes les femmes qui ne protestaient pas. Dieu leur avait dit d'aimer les humains plus que lui mais ils ne l'ont pas compris dans le bon sens et ont donné naissance à des géants, les nephilims, capables de détruire la Terre et qui se dévorent entre eux. Lorsqu'on est un ange et que l'on fait des bêtises, on le paye cher, aucun pardon n'est accordé et c'est la mort qui les attend. La mission d'Enoch est de retrouver ces anges et de leur faire subir le jugement divin.
Si vous vous attendez à une adaptation fidèle de la bible, vous risquez d'être déçus. Le livre d'Hénoch dont est inspiré le scénario a beau être un apocryphe, à savoir non reconnu par les autorités religieuses, on doute que ce soit pour l'ambigüité sexuelle de certains personnages ou l'utilisation de téléphones portables. Ce qui est certain c'est que El Shaddai ne restera pas dans le grand livre des histoires simples tant son scénario est incompréhensible. Ce que l'on retient c'est que Lucifer est votre guide, qu'il discute tranquillement avec Dieu au téléphone pendant que vous cherchez pendant des années les anges déchus avant de tous les tuer un par un. Le scénario parait très simple mais se perd en réflexions philosophiques, flash back, bonds dans le temps, personnages jamais présentés ou non-dits. Peu importe, votre mission reste claire, châtier ceux qui menacent les humains.
Une beauté divine
El Shaddai : Ascension of the Metatron s'est longtemps résumé à ses graphismes pour une raison simple, ceux-ci sont sublimes. Il est difficile d'imaginer autant de poésie, de couleurs et d'imagination dans un seul jeu. Durant les 10 heures de l'aventure, on enchaîne les paysages enfantins, pleins de couleurs, la grisaille d'une ville futuriste, une escalade sur fond de vitraux géants, des ombres chinoises, des paysages sans horizon ou d'autres à l'aspect flou et peu clair. C'est un enchainement de tableaux renouvelant la surprise à chaque seconde, promenant le joueur de l'inattendu vers l'incroyable. Les images du titre dévoilées par Ignition ne sont qu'un petit échantillon de ce qui nous attend au fur et à mesure de l'aventure. On notera tout de même un certain aliasing sur les objets du décor placés au loin mais rien de franchement dérangeant. El Shaddai nous perd dans son monde, ne donnant ni lieu, ni époque et cherche ainsi à instaurer son propre univers.
Le chara design est lui aussi très inspiré à certains niveaux. Enoch se présente ainsi dans une armure blanche du plus bel effet qui se brise au fur et à mesure des coups reçus. L'occasion de remarquer que le jeu est totalement dépourvu d'informations à l'écran, le fameux hub censé nous indiquer la vie du personnage ou encore la qualité de son arme est invisible, il faudra finir le jeu si vous voulez pouvoir afficher ces données. En effet, pour savoir si votre vie est en danger, il suffit de regarder votre armure fissurée ou perdant ses morceaux petit à petit, ou une arme changer de couleur jusqu'à être détruite. Une fois votre protection brisée, elle laisse apparaitre notre héros torse nu et uniquement vêtu d'un jean et de ses longs cheveux blonds. Très classe, Enoch a pourtant beaucoup à envier au charisme de Lucifer, son guide, toujours pendu au téléphone mais dont le jean noir s'accorde à merveille à sa chemise laissant apparaitre nombril et pectoraux. Très sensuels, les deux personnages principaux semblent sortis des clubs branchés japonais et on est une nouvelle fois bien loin des robes blanches si souvent attribuées aux envoyés divins.
Le tableau se gâte tout de même lorsqu'on croise les ennemis qui se ressemblent tous. Chacun des trois types d'adversaires possède quelques clones dont l'armure varie légèrement mais après quelques heures de jeu on a bien l'impression de se battre encore et encore contre les mêmes personnages. Le pire est atteint avec les anges déchus qui possèdent tous une armure strictement identique et qu'il faut briser avant de les voir se transformer. Sachant que l'on croise certains d'entre eux cinq fois avant le véritable combat, le sentiment de déjà vu est très présent. Mention spéciale tout de même aux nephilims qui se présentent sous la forme de saucisses géantes avec bras et jambes et des yeux ronds dignes de n'importe quel manga enfantin. On a du mal à comprendre comment tous ces univers arrivent à se croiser mais ils donnent pourtant vie à un monde somptueux dans lequel on apprécie évoluer.
L'éternité c'est long, surtout vers la fin
Après avoir été ébloui par l'univers de El Shaddai, on se délecte à l'avance de ce qui nous attend au niveau du gameplay. On se prépare à être surpris, bluffé et à se retrouver face à quelque chose de nouveau. C'est à ce moment que tout s'effondre, cet instant précis où l'on découvre que les combats et phases de plateforme sont plus proches du sympathique que du merveilleux. Commençons par les phases d'acrobaties qui varient entre 2D et 3D. Dans le premier cas, notre héros s'en sort sans trop de soucis, on aura le droit à quelques doubles sauts un peu maladroits mais rien de dramatique. Le véritable problème apparaît lorsque les décors gagnent en profondeur. C'est alors un calvaire fréquemment renouvelé pour atterrir précisément sur une plateforme et vous entendez très souvent le claquement de doigts de Lucifer qui accompagne chacune de vos chutes. Il est très difficile de juger un saut et on rate souvent une plateforme de quelques centimètres, en se rendant compte qu'on est passé au dessus ou qu'elle était plus loin que l'on pensait.
Le plat principal d'un Beat Them All reste cependant les combats, mais ce que l'on espérait comme un délice a un goût amer. Pour faire simple, les commandes se résument à quatre boutons. Un pour frapper, un pour sauter, un pour parer une attaque et le dernier pour purifier ou s'emparer d'une arme. Les combos n'ont rien d'original, il suffit de mitrailler la touche pour en réaliser un, tout juste faudra-t-il varier le rythme entre deux pressions pour briser la garde d'un adversaire un peu trop protecteur. Ce qui fait la véritable force des combats de El Shaddai reste la présence de trois armes : l'arch, qui ressemble à un arc mais avec une lame en son centre ; le gal qui est un cercle permettant de projeter une dizaines de petites larmes à travers les airs ; et enfin le vail qui combine la défense d'un bouclier avec des coups de poings dévastateurs. Chacune de ces armes possède une attaque chargée faisant plus de dégâts, une fonction d'esquive ou de protection et enfin une attaque projetant l'ennemi dans les airs. Le problème est que l'on débloque très vite tous ces objets et qu'au final on évolue dans l'aventure sans jamais obtenir de nouvel item, ce qui est pourtant l'un de petits plaisirs de ce genre de titre. Il faut tout de même préciser que chaque objet fonctionne sur le principe du « pierre-papier-ciseau » c'est-à-dire que chacun est plus ou moins puissant face aux deux autres, un aspect stratégique limité mais qui a le mérite d'exister. Après avoir enchainé quelques combats, du feu apparaîtra autour de votre arme, vous permettant d'invoquer Uriel qui rendra vos attaques bien plus efficaces durant un temps très limité. Avant que votre bonus de puissance ne s'efface, il sera possible de libérer une attaque de zone ultra douloureuse et impressionnante qui pourra renverser un combat en votre faveur.
Autre spécifité de El Shaddai, notre héros ne transporte pas tout son arsenal sur lui en permanence pour le sortir d'on ne sait où lorsque le besoin s'en fait sentir. Il vous faudra voler les armes à vos ennemis, après un enchainement ils seront étourdis et il vous sera possible de vous emparer de leur bien à l'aide d'une touche. A partir de ce moment, vous devrez purifier l'arme en appuyant sur une gâchette, ce qui rendra l'objet plus puissant et le réparera. Certains s'usant plus vite que d'autres, il sera important de préserver un moment de quiétude pour ce rituel capital en combat. Malheureusement, aussi intéressant que soit cet ajout, les affrontements restent peu techniques et le fait que tous les adversaires se ressemblent font de El Shaddai : Ascension of the Metatron un Beat Them All classique très loin de la technicité d'un Bayonetta ou de la fureur d'un God of War puisque les ennemis n'attaquent jamais à plus de trois simultanément. A noter aussi que lorsque vous vous apprêtez à passer de vie à trépas il est possible d'effectuer une combinaison de touches qui vous ramènera parmi les vivants avec une partie de votre armure. Cet artifice permet de gagner certains combats en encaissant de gros combos que l'on n'aurait pas réussi à éviter mais reste invocable de façon limitée durant un même affrontement.
La bande-son de qualité, avec des musiques collant parfaitement à l'ambiance, des bruitages réussis symbolisés par le fameux claquement de doigt de Lucifer qu'on aime autant qu'on déteste, et surtout un doublageefficace permettant de choisir entre le japonais et l'anglais renforcent notre peine de constater les problèmes de gameplay du titre de Ignition. Brillant et illuminant les yeux de ceux qui poseront leurs mirettes sur lui, El Shaddai : Ascension of the Metatron déçoit pourtant par le manque de punch et de technicité de ses combats. Les phases de plateforme enfoncent le clou et se révèlent parfois ennuyeuses en plus de souffrir d'approximations dès qu'on passe à la 3D. Le ramage est malheureusement bien trop terne par rapport au plumage pour nous offrir un jeu passionnant de bout en bout. La poésie qui s'en dégage devrait tout de même pousser les amateurs d'originalité à franchir le pas, ils ne le regretteront pas mais le chef d'œuvre attendu a manqué son rendez-vous.