Un conte coréen - Les lutins Dokkaebi et la veste magique

Publié le 18 octobre 2011 par Zimmer

Illustration de KIM Jung Hye

" Il y a fort longtemps, un homme s’en alla couper du bois, sur les coteaux d’une montagne éloignée. Alors qu’il était occupé à sa tâche, une pluie torrentielle commença soudainement à s’abattre sur les environs.  Courant  de toutes ses forces de gauche et de droite pour trouver un refuge, il découvrit enfin une grande maison recouverte d’un toit en tuiles bien solides. Il se précipita à l’intérieur et découvrit avec étonnement qu’elle était vide. Il décida de s’y installer un moment en attendant que la pluie s’arrête de tomber.

Illustration de KIM Young Min

Cependant le déluge continuait, durait, si bien que la nuit finit par arriver. En plein milieu de la nuit, un énorme bruit se fit soudain entendre. L’homme effrayé par le vacarme, fila se cacher au grenier. Jetant un coup d'oeil furtif à travers un trou dans la porte, il vit un groupe de drôles de lutins, qu'on appelle en Corée Dokkaebi, qui arrivait. Ils s‘amusèrent joyeusement ensemble toute la nuit, puis à l’aube, tout le monde disparut... Descendant du grenier, l’homme découvrit une veste sans manche abandonnée là par les visiteurs de la nuit.

Illustration de KIM Jung Hye

L’homme enfila la veste et pris le chemin de retour vers la maison. Il voulait parader fièrement avec son nouvel habit, devant sa femme ; mais quant il portait cette veste, il devenait invisible ! Se rendant compte de ses pouvoirs magiques, il décida d’en profiter au détriment d’autrui, en dérobant tout ce qu’il pourrait. Il se rendit alors dans une boutique et vola une grande quantité d’argent. 

Un jour qu’il était en train de se livrer à ses coupables activités, il dut traverser la place du marché. Il y avait tant de monde sur la place, que dans la bousculade, les cendres brûlantes tombant de la pipe d’un marchand, brûlèrent légèrement la veste magique. Il rentra vite chez lui et demanda à sa femme de la lui raccommoder. Sa femme cousit alors sur le trou, un petit patch de tissu rougeMalheureusement notre voleur ne se rendit pas compte que cette petite partie rouge restait visible en permanence, et il continua de voler tout ce qu’il put...

Illustration de JEON Bok Sun

Quelques temps après, se rendant compte du stratagème, un des marchands victime de ces méfaits, annonça à tous que quiconque verrait la petite tâche rouge se promener dans les environs, devait se précipiter dessus afin que le voleur puisse être capturé. Au beau milieu de cette annonce, notre voleur repointa justement le bout de son nez, et à cause de la tâche rouge, fut fait prisonnier et très sévèrement battu."


Dokkaebi en bois peint au 18ème siècle

Dokkaebi 도깨비 est une sorte de lutin très populaire en Corée. Il se manifeste selon les circonstances, soit sous forme anthropomorphe, soit en boule de feu (seulement pendant la nuit). Anthropomorphique, il a une ou deux cornes sur la tête, deux yeux énormes et la bouche grande ouverte en montrant toutes ses dents. Ils apparaissent souvent en groupe, et adorent organiser des fêtes nocturnes dans des maisons abandonnées ou sur des prairies dans la forêt. Lors de ces joyeux festins, ils s’amusent avec des objets magiques qui exaucent leurs vœux. Le plus connu de ces objets est le bâton Dokkaebi, qui fait apparaître tout ce que le propriétaire souhaite posséder...             

Fronton ornemental du 9ème siècle

Leur existence, dans l’imaginaire des Coréens, remonte bien avant notre ère et on a trouvé leurs images sur les fresques murales d’un ensemble des tombes de l’époque du royaume Koguryeo (3e siècle avant notre ère – 7e siècle). Depuis lors, les Coréens emploient le thème de 'Dokkaebi', pour des frontons ornementaux de toits, pour des ouvrages sculptés de ponts en pierre, ou pour décorer des remparts de marches en pierre, en espérant que la figure de Dokkaebi chasse les mauvais esprits (le même but recherché que par la présence symbolique de gargouilles sur nos cathédrales).

Dokkaebi est un personnage adoré des contes coréens. Une rencontre avec un Dokkaebi ou un groupe de Dokkaeibi est à double tranchant, car ils peuvent apporter des bienfaits à une personne pauvre mais honnête, tout aussi bien que des punitions à une qui serait envieuse et méchante. Dokkaebi est souvent représenté comme un créateur naïf qui peut aussi se faire avoir par des humains malins. Ces derniers peuvent même réussir à lui voler ses objets magiques ! Même s’il s’en rend compte, ignorant la notion de vengeance, Dokkaebi oublie ses mésaventures avec les humains en éclatant rire...