Beaucoup de critiques, parfois violentes, ont été proférées contre les sondages concernant la primaire socialiste. Elles tournaient généralement autour de deux idées : les méthodologies traditionnelles ne permettaient pas de mesurer les intentions de vote d’un scrutin complètement inédit ; dans ces conditions, les résultats publiés n’avaient pour objet que d’influencer le choix des électeurs.
Des résultats plutôt conformes aux tendances des sondages
En vérité, les sondages ne pouvaient être suffisamment précis dans les tous derniers jours précédant chacun des deux tours de la primaire, pour une raison exposée ici-même (primaire-socialiste-comment-lire-les-sondages-6263/) : d’une part, l’absence de tout historique rendait nécessairement plus fragiles les données concernant la participation électorale et les intentions de vote de celles et ceux qui, selon les méthodologies diverses des instituts, constituaient l’échantillon des électeurs potentiels ; d’autre part, la faiblesse numérique de cet échantillon, issu d’échantillons plus solides d’électeurs ou de « sympathisants de gauche », rendait la marge d’erreur plus élevée sur les chiffres délivrés (de l’ordre de + ou – 4-5 points au lieu, dans les enquêtes pré-électorales classiques, de + ou – 2-3 points). Les différents instituts n’ont d’ailleurs jamais manqué, dans leurs rapports d’étude, de mentionner cette difficulté.
Dès lors, si l’on compare les différents sondages avec les résultats définitifs, que constate-t-on ? S’agissant du premier tour, aucun institut ne s’est trompé sur les deux qualifiés pour le second, ni sur leur ordre d’arrivée, ni sur l’existence d’un écart significatif entre les deux. Tout au plus peut-on souligner que, si l’on prend la moyenne des intentions de vote publiées dans les dix derniers jours avant le scrutin, les sondeurs ont sensiblement surestimé cet écart de quelques points, sans que la différence n’excède les marges d’erreur particulières évoquées plus haut. Quant au score d’Arnaud Montebourg, qui a constitué, au vu des sondages, la surprise de ce premier tour, sa dynamique avait été pourtant assez bien anticipé. Le député de Saône-et-Loire était crédité d’un résultat potentiel se situant dans une fourchette de 5 à 8 % fin août, mais de 8 à 12 % début octobre. De manière symétrique, on observait une tendance inverse pour Ségolène Royal au point que certains instituts avaient livré l’ordre exact d’arrivée des six candidats dans leurs dernières livraisons.
Une forte mobilisation plutôt bien anticipée
S’agissant du second tour, deux sondages ont été publiés, l’un sur les intentions de vote, l’autre sur les préférences quant au choix du candidat à désigner. Dans les deux cas, le vainqueur probable a été clairement identifié sans toutefois que soit prévue l’ampleur de sa victoire. Il faut sans doute reconnaître que, dans cet exercice inédit de deuxième tour où le corps électoral n’a que peu progressé globalement mais s’est sensiblement modifié de plusieurs centaines de milliers de votants (entre les électeurs du premier tour s’abstenant au second et les nouveaux électeurs du second tour), la marge d’erreur est restée forte.
En revanche, s’agissant de la participation potentielle au scrutin, nul ne peut douter que ce sont les sondeurs qui ont annoncé, par leurs études, le très grand succès prévisible de la mobilisation. Même si certains ont sans doute quelque peu surestimé le chiffre final de votants, tous les instituts convergeaient sur des données plutôt flatteuses au regard des estimations prudentes des dirigeants socialistes eux-mêmes. Ils ne se sont finalement pas trompés.
Un débat récurrent sur l’influence des sondages
Au nombre des réflexions à poursuivre, et des remarques à entendre, sur le caractère juste mais somme toute approximatif des intentions de vote rendues publiques à la veille des deux tours de scrutin, il convient de souligner deux points. Si les marges d’erreur étaient nécessairement plus fortes que dans des études sur des scrutins à l’historique et à la mécanique mieux connus, quasiment tous les instituts ont finalement surestimé, dans le même sens, l’écart du premier tour. Quant à l’issue du second tour, elle avait été finalement plus justement appréhendée dans les enquêtes précédant le premier tour que dans celles d’entre-deux tours.
Enfin, il faut noter que, comme toujours, les critiques à propos des sondages portant sur la primaire n’ont pas manqué de se déplacer d’un terrain méthodologique à un terrain politique. Selon leurs détracteurs, les études publiées auraient eu essentiellement pour but d’influer les électeurs potentiels sur l’inéluctabilité du résultat final. Pourtant, les électeurs du premier tour, en démentant par leur vote l’importance de l’écart prévu entre les deux qualifiés du second tour, ont manifesté leur indépendance par rapport au supposé « matraquage » des sondages.
De la même manière, d’ailleurs, les votants du second tour n’ont pas nécessairement donné une suite logique aux appels à voter des quatre candidats non qualifiés. L’aspiration profonde à l’unité des électeurs de la primaire explique certainement la netteté du résultat final. Mais si les deux finalistes ont gagné respectivement 600 000 et 400 000 voix par rapport au premier tour, c’est bien que le peuple de gauche, là encore, a conservé une autonomie de choix.