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et Mme Collignot étaient dans les abris de Paris. Mme Collignot s’inquiétait pour ses filles. Ils remontèrent dans leur maison. La nuit, le sol vibra.
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Gé demanda à Hono d’allumer le télécinéma mais le visage de la speakerine était entrecoupé par des parasites.
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Paul Jobet et Aline étaient revenus. Mme Collignot en fut heureuse mais pleura en pensant à Irène. Aline pleura et dit que les parents de Paul étaient morts. Ils avaient été massacrés par des gens qui voulaient leur camion. Paul et Aline avaient fui. Paul et Aline se couchèrent. Les Collignot attendaient la mort.
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Les femmes visitèrent l’Arche. Elles acceptèrent la situation car elles se savaient en sécurité. Quand « tout ça » serait fini, elles recommenceraient à parcourir les rues de la ville, retrouveraient leur coiffeur, la même marque de rouge à lèvres, la même station de métro, les carrefours. Irène pensait que sa famille était en sécurité. Les femmes pensaient aux hommes de l’Arche. Elles se sentaient déjà rivales. Irène discuta avec sa voisine, Laure Gauthier, 22 ans, divorcée sans enfant, professeur d’anglais. Elles pensèrent du mal l’une de l’autre mais s’embrassèrent. Les femmes se répartirent les tâches. M. Gé avait fait construire des fausses fenêtres sur lesquelles des appareils permanents de cinéma total projetaient des films sans fin. Mais les femmes préféraient écouter de la musique ou ire des romans d’amour.
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Jeanne Albertigny, une coiffeuse, s’occupa des corvées. Le lait et le pain venaient des hommes de l’Arche. Les femmes les cherchèrent en vain. Les hommes étaient des paysans mais il y avait parmi les femmes pas mal de Parisiennes un peu cultivées. Elles furent quand même émues par les billets écrits par les hommes. Hono les regardaient sur son écran mais les trouvaient vides. Il trouvait les femmes et les hommes de l’Arche stupides. Il en voulait à dieu d’avoir créé les hommes qu’il considérait comme des brutes. Hono regarda Irène qui caressait un lapin. Il aurait voulu être à la place du lapin car jamais une femme ne l’avait caressé.
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Irène se réveilla en pleine nuit et poussa un cri en voyant une porte ouverte sur un fauteuil. Sur le fauteuil était écrit « Asseyez-vous ». Elle obéit. Une voix lui ordonna de mettre ses pantoufles. Elle obtempéra. Le fauteuil monta dans une autre pièce. Hono accueillit Irène. Il voulut qu’elle enlève ses lunettes car il n’aimait pas les gens à lunettes. Elle obéit. Hono voulut tout savoir sur elle mais Irène demanda pourquoi. Il voulait juste savoir si elle était stupide. Il lui parla de Gé. Elle voulut en savoir plus mais il refusa. Alors elle répondit à ses questions. Puis il lui ordonna d’aller se coucher.
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C’était Cassel qui avait fait le pain et les croissants. Troisième fils d’une famille de paysans de l’Isère, il était devenu boulanger. Il était doué pour les haltères. Il était devenu champion olympique. Il mesurait 1 M 60. Du discours de la voix, ce qu’il avait retenu de plus réconfortant, c’était qu’il devait faire le pain de la communauté. Il jouait à la belote et buvait du vin avec les autres hommes. Il soulevait son lit et son armoire pour ne pas perdre ses muscles et se levait tôt pour faire le pain. Un matin, il entendit un grand bruit et les cris de ses compagnons. Il voulut forcer la porte mais en vain. Une voix lui annonça que les hommes étaient morts. Il avait l’autorisation d’aller avec les femmes.
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Les femmes lui offrirent du café. Elles surent qu’il était le dernier homme. Les femmes lui faisaient des plats. Elles se disputaient pour l’avoir.
25
Il y eut trois camps pendant la guerre. L’Amérique-Océanie, l’URSS-Asie et l’Angleterre-Afrique-Europe Occidental. Mais l’Angleterre n’avait que Jersey (le reste était asiatique) et le Cap (le reste était états-unien). Le but de la guerre était la Lune. Un pilote états-unien vit une patrouille russe ou anglaise en Alaska. Ce fut le commencement de la guerre. Pourtant la patrouille en question n’était qu’une troupe de pingouins.
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Gé voyagea. Les rois et dictateurs avaient besoin de ses conseils et de ses armes. Il avait laissé l’Arche sous la surveillance de Lucien Hono. Il pensait qu’ainsi il ne la détruirait pas. M. Gé revint au bout de dix jours. Les femmes voulaient s’assurer l’affection exclusive de Charles et sa semence. Claire Cralier, la manucure, avait déjà eu douze amants. Elle voulait tuer les autres femmes pour avoir Charles pour elle seule. Elles constituèrent une commission pour rédiger une Déclaration des Droits sur l’Homme. Charles aurait pu les calmer en les giflant ou en leur faisant l’amour. Mais il épousait leurs angoisses car son coeur était tendre. La voix annonça que la guerre touchait à sa fin. La plus jeune des femmes composa une salade de fruits à la morphine pour endormir ses compagnes. Elle s’appelait Suzette et avait 20 ans. Elle se glissa dans le lit de Charles. Hono avait bloqué la porte du fournil et avait menti en faisant croire à Charles et aux femmes que les autres hommes étaient morts. Ils allaient très bien. Il avertit les femmes de ce que faisait Charles. Les femmes avaient tué Charles et Suzette. Hono avait expliqué à Gé ce qui s’était passé. Seule Irène n’avait pas participé au meurtre. Elle avait reconnu la voix d’Hono quand il avait averti les femmes que Suzette était allée chez Charles et n’avait pas voulu intervenir.
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Hono dit à Gé que le péché venait de la femme. Il voulait reproduire l’homme sans la femme. Il le pouvait. Gé annonça que la guerre était finie et qu’il allait libérer les hommes et les femmes. La GM3 allait se terminer sans avoir vraiment commencé. Les bombes n’avaient frappé que le Pôle Nord. Au bout de quelques jours la preuve était faite : une telle guerre était impossible. Les Nations s’étaient montré les unes aux autres leur puissance. Toutes les Nations surent gré aux Etats-Unis d’avoir pris l’initiative de tirer dans le vide. La République d’Aquiandorra, qui avait été laissé neutre en prévision des échanges de matières premières toujours nécessaires entre belligérants, fut priée de proposer la paix. Le Traité de Paix universel fut signé à Moontown.
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Dès la fin des hostilités, les belligérants unirent leurs efforts en vue de neutraliser et de détruire les nuages atomiques entraînés par les courants. D’innombrables escadrilles d’avions pulvérisèrent dans l’atmosphère et la stratosphère des corps antiradioactifs. Mais des phénomènes qu’on n’avait pas prévus se produisirent. Le plus grave fut la fonte des glaces du Pôle Nord. Une vague en partit, ravagea la moitié de la Norvège et submergea l’Islande. Londres disparut sous les flots de la Tamise. En France, tous les ponts de la Seine furent emportés jusqu’à Melun. Paris fut en partie submergé pendant deux heures. Puis les eaux se retirèrent mais demeurèrent sur les côtes basses du monde entier. La Sibérie fut submergée ainsi que la moitié du Groenland et tout le Nord de l’Alaska et du Canada. Des nuages radioactifs échappèrent à l’action des avions pulvérisateurs. Des pluies radioactives empoisonnèrent de vastes contrées. Des populations périrent de lèpre et d’anémie atomiques. Il y eut 200 millions de morts. Mais on ne pouvait dire que la GM3 était une guerre sérieuse. Malgré tout, la vie reprenait. Grâce aux molémoteurs, chaque appartement immergé continuait à jouir de la lumière et de l’eau potable. Les vivres venaient de l’hémisphère sud qui n’avait pas souffert. Le Sahara, fertilisé par les pluies devint un jardin qu’on cultiva. Une affiche de la paix représentant une colombe tenant en son bec les trois lettres ONU fut diffusée dans le monde entier.
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Irène était rentrée chez elle en canot à moteur. M. Gé avait renvoyé chez eux tous ses pensionnaires et leur fit oublier leur aventure grâce à de mystérieux appareils. Mme Collignot fut très heureuse de revoir sa fille. Elle demanda à Irène ce qui lui était arrivé mais Irène ne pouvait rien répondre. Aline était persuadée que sa soeur avait vécu quelque merveilleuse aventure dont elle voulait garder le secret. Paul commençait à oublier son chagrin. Il aidait Mme Collignot.La seine reprenait son lit. Une bonne moitié des Parisiens étaient morts. A Moontown, le Congrès pour la Paix Universelle occupait 10 étages de la ville métallique. M. Collignot, prêté par l’UNESCO, avait été nommé directeur général du bureau des interprètes des langues occidentales. Il gagnait bien sa vie. Il souhaitait donc que la Paix Universelle ne fût pas trop rapide à venir.
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Le délégué de la France proposa le désamorçage et la destruction de toutes les bombes atomiques du monde. Sa proposition fut adoptée. Comme cela se passa une nuit, on l’appela la « nuit du dévissage ». On avait pendant quelque temps oublié jusqu’à l’objet de ce conflit raté : la Lune. Mais l’Amérique du Nord reprit les travaux de construction de la fusée géante pour la Lune. Mais l’Angleterre offrit à l’ONU, trois étages de Moontown et le Civilisé Inconnu.
2è partie
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Un ciel brûlant pesa sur la moitié nord du monde. Les Esquimaux périrent d’insolation. Les couturiers parisiens lancèrent la mode des seins nus et de la jupe à mi-cuisses. Les ours blancs, les phoques, les pingouins émigrèrent vers l’Equateur et périrent en grand nombre au cours de leur voyage. Les animaux d’Afrique envahir l’Europe. Mais l’équilibre habituel des climats se rétablit au cours de l’hiver qui suivit la GM3. La civilisation atomique reprit de plus belle se marche en avant. En quelques mois, les ruines furent rasées. De nouvelles cités furent construites. M. Gé craignait que la Paix durât assez longtemps pour permettre à l’industrie de guerre de faire des progrès qui mettraient en péril même l’Arche enterrée. Il venait de charger Lucien Hono d’une nouvelle tâche.
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Collignot acheta un hélicoptère à réaction. Il était guidé automatiquement par un train de radar entre Paris et Moontown. Ainsi il pouvait rentrer chez lui chaque nuit. Aline l’accueillit en l’embrassant. A 15 ans, elle venait de redoubler sa 4è à cause de la guerre et parce que les programmes changeaient plusieurs fois par an notamment la physique et la chimie. Les professeurs n’étaient pas très sûrs non plus de la nouvelle orientation qu’il convenait de donner à l’enseignement de l’histoire. Selon le parti au pouvoir, la Civilisation commençait à la mort du christ, à l’avènement des capétiens, ou à la prise de la Bastille. Seules les mathématiques ne changeaient pas. Il restait aussi la poésie. La dernière école poétique était celle des apocalypsiens. Ils ne reconnaissaient comme moyen d’expression que les bruits. Paul était amoureux d’Aline et lui écrivait des poèmes mais n’osait rien dire. Irène avait quitté le Ministère. Elle avait reçu une offre de travail de l’administration du Té. Un certain M. Hono l’avait prise comme secrétaire particulière. Elle avait eu l’impression de l’avoir déjà vu quelque part.
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Aline demanda à son père de l’emmener voir Moontown. Il accepta et l’emmena avec Paul. Dans l’hélicoptère, Paul prit la main d’Aline. Elle fut étonnée et se sentit baignée de chaleur. Ils allèrent voir le Civilisé Inconnu. Il était protégé par un mur transparent. Il gardait l’immobilité d’un dieu. Les savants de l’ONU avaient vidé le Civilisé de tous ses organes fragiles et les avaient remplacés par des appareils en plastec. Il dit « Je suis heureux ». M. Collignot se sentit à la fois humilié et coupable à cause du Civilisé Inconnu. Il tenait à son corps malgré la peur, malgré la mort mais il savait que cela changerait pour les générations futures. Alors il décida d’inscrire Aline et Paul au Collège International de Recherches et d’Enseignement pour l’Avenir. Ce collège formé par l’ONU regroupait les plus grands savants du monde. La sélection se faisait par l’argent. M. Collignot n’avait pas assez d’argent alors il demanda de l’aide au président de l’ONU qu’il connaissait bien car il parlait sa langue presque oubliée, l’anglais non américanisé. Il se nommait Lord J. K. R. Millet. Aline et Paul entrèrent le soir même au CIREA grâce à une dispense. Aline entra dans sa nouvelle chambre suréquipée en pensant à Paul.
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Collignot proposa à Irène d’entrer au CIREA. Elle hésita. Elle avait 25 ans et cherchait un mari. Alors elle demanda l’avis d’Hono qui lui interdit de partir.
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L’enseignement du CIREA était divisé en de multiples sections. Chacune d’elles concernait l’application de la science atomique à un des domaines de la vie humaine, vie individuelle et vie sociale. Les professeurs de l’école maternelle apprenaient à lire à leurs élèves en une journée, en leur faisant avaler un alphabet en chocolat radioactif, dont l’image se gravait à jamais dans leur gros intestin lequel faisait office de cerveau. Aline choisit la section J-23’. C’était l’agriculture. Paul choisit la même. Les légumes que les élèves cultivaient étaient énormes à cause de l’engrais moléculaire. Aline était émerveillé par les fleurs géantes.
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Collignot voulait aller sur la Lune mais Mme Collignot refusa. Mais elle finit par céder. La fusée de l’ONU décolla du Nouveau Mexique. Les économistes prévoyaient le chaos alors il fallait penser à la Lune. Après d’interminables séances à l’ONU, la composition de la mission fut enfin fixée. Il y aurait M. Collignot, trois physiciens (anglais, russe, chinois), trois chimistes (français, états-unien, tchèque), trois astronomes (états-unien, norvégien, grec), trois géologues (hollandais, anglais, yougoslave), trois zoologues (brésilien, polonais, hindou), deux médecins (états-uniens), deux opérateurs de cinéma (états-unien, russe), un journaliste (anglais) et deux cuisiniers (français). Plus les sept membres de l’équipage et 24 généraux.
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Le départ de la fusée fut précédé d’une séance solennelle de l’ONU. La famille Collignot y assista. Mme Collignot avait été interviewée à la télé. Elle était fière de son mari. Pendant que le président de l’ONU se réjouissait de la paix, les délégués ne pensaient qu’à exploiter la Lune. Puis une foule de plusieurs milliers de personnes s’installa dans un amphithéâtre pour regarder le président de l’ONU porter un bébé qui devait appuyer sur un bouton d’ivoire. La fusée décolla. Mme Collignot cria et s’évanouit.
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Quand M. Collignot revint, sa famille lui demanda ce qu’il avait vu. Il ne se souvenait que des étoiles et d’avoir tapé à la machine.
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Les résultats de la mission furent gardés secrets. Mais la curiosité mondiale était si passionnée que les censeurs durent se résigner à lui donner quelque pâture. Un reporter rédigea un article, le vendit au monde entier et devint milliardaire. Il y déclara que la Lune était ronde, qu’il faisait très froid à l’ombre et très chaud au soleil. Dans les « milieux bien informés » on en savait un peu plus. Il n’y avait pas de vie sur la Lune. Pour éviter d’avoir à en dire plus sur ce sujet, l’ONU aiguilla la curiosité publique vers les expériences de biologie atomique poursuivies par les professeurs et les élèves du CIREA. Aline et Paul participaient à ces travaux. Une race de poules blanches qui atteignaient en quelque jours leur âge adulte et la taille d’un veau. Le spécialiste de l’Economie Alimentaire fit une conférence au CIREA pour annoncer la fin du paupérisme alimentaire. Aline alla voir Paul qui surveillait des poussins géants. Ce qui faisait trembler Aline quand il l’embrassait trop longuement ne trouvait rien d’assez mûr chez lui pour y répondre et rapidement, il s’esquivait par un rire. D’un commun accord, ils décidèrent de quitter le collège. M. Collignot vint les chercher en hélicoptère.
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Gé apprit qu’un physicien russe de l’équipe internationale était parvenu à transmuer en or un fragment de roche sélénienne. C’était à donner le vertige car tout pourrait être construit en or des maisons aux statues. Mais cela risquait de provoquer un bouleversement dans les systèmes monétaires. A cette époque, trois nations se partageaient à peu près tout l’or terrestre : les Etats-unis, la Russie et la Suisse. Le savant russe disparut et avec lui tous les échantillons de roches sur lesquelles il était parvenu à faire apparaître les traces d’or. L’Amérique accusa la Russie de vouloir garder pour elle le secret de la transmutation. La Russie accusa l’Amérique d’avoir enlevé son expert et de le soumettre à la torture pour le forcer à travailler pour elle. M. Gé avait pris ses précautions et pour la deuxième fois, il venait de garnir l’Arche. Il y introduit deux familles qui se trouvaient armées, devant les temps nouveaux, de leur ancienne cohésion. Il y avait la famille Collignot avec Paul et une famille de paysans ardéchois, les Privas. Il y avait les parents, leurs deux garçons et une jeune servante. M. Gé comptait faire subir aux deux couples de parents un traitement qui prolongerait leur vie d’une centaine d’années et leur permettrait d’avoir encore quelques douzaines d’enfants. C’était à l’appel de l’appareil de M. Gé qu’avaient répondu Aline, Paul et M. Collignot. En Amérique, en Russie, en Suisse, les laboratoires fourbissaient les armes nouvelles. Et l’Angleterre espérait bien profiter de la dispute des trois porteurs d’or ancien pour s’assurer l’or nouveau. Ce que personne ne soupçonnait, ni d’un côté ni de l’autre, ni le savant lui-même, où qu’il se trouvât, c’était que les traces d’or provenaient du frottement des morceaux de roche de Lune contre son alliance, qu’il portait à la main droite au lieu de la gauche car il était divorcé.
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Paul avant de quitter le collège, avait laissé s’évader un poussin. Il s’était gavé et avait atteint les dimensions d’un immeuble de six étages. Il ne quittait pas Moontown qu’il survolait. Le Conseil de la ville fit arrêter le directeur du CIREA puis remettre en état les batteries de DCA. Mais les projectiles avaient été dévissés dans l’enthousiasme du désarmement. Le poussin devint une poule qui picora la foule qui assistait à un match de football. Elle avale 600 personnes. La population de Moontown fuit mais le poule étendait sa domination sur toute une partie de l’Afrique. Les avions ne purent réussir à l’approcher pendant qu’elle était en vol. Le Conseil de l’ONU passa commande d’une bombe atomique à l’industrie argentine. Mais la poule affamée fut réduite à manger des forêts. Cela ne suffisait pas alors elle s’affaiblit et mourut près de Moontown. Elle laissa un oeuf tout blanc. Le corps de la poule pourrit et fit apparaître des animaux informes. Les savants les avaient identifiés. C’était la flore microbienne habituelle aux putréfactions. Il fallut empêcher les lions et les hyènes de manger la poule pour qu’ils ne deviennent pas grands eux-mêmes. Restait l’oeuf. Une prime d’un million de dollars fut promise à qui fournirait une solution acceptable.
3è partie
Collignot marchait vers Montmartre. Trois semaines plus tôt, un soir de juin, les Parisiens s’étaient couchés et ils étaient morts dans leurs lits. La mort des Parisiens a marqué le début de la 4è guerre mondiale. Les corbeaux avaient mangé les cadavres des Parisiens. D’autres français étaient morts et aussi les New-Yorkais, les Londoniens, les Moscovites, les Romains. Mais pas tous de la même mort. Et personne n’avait choisi.
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L’attaque sur Paris s’était produite dans la nuit du 3 au 4 juin. Les gouvernements s’étaient rendu compte que les épreuves de la GM3 étaient encore trop proches pour qu’on pût faire accepter aux peuples l’idée d’une nouvelle guerre. Mais les progrès de la technique étaient désormais suffisants pour qu’on pût se passer du consentement des peuples. Ce matin-là, 4 h 31, les appareils avertisseurs éveillèrent Hono, qui à son tour éveilla M. Gé. Quatre explosions s’étaient produites dans le ciel de Paris. Le C. 147 fut répandu dans l’air et neutralisa l’oxygène. Seules les campagnes étaient restées intactes. M. Gé était persuadé que les paysans continueraient à produire pour nourrir les survivants. Les fusées qui avaient attaqué la France venaient de partout. Les pays s’étaient entendus contre la France avant de commencer à s’entretuer.
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Mme Collignot sortait de l’Arche tous les jours pour regarder la ville morte et tricoter. Elle regrettait d’avoir survécu car elle ne pouvait plus discuter avec ses voisines. Elle avait refusé le traitement de M. Gé pour vivre plus longtemps et enfanter. Elle ne voulait pas refaire sa vie. Mme Collignot avait accepté de venir dans l’Arche sans ses meubles. Elle avait une grande admiration, un peu effrayée, pour M. Gé. M. Gé s’absenta pour chercher des survivants.
45
Le père Privas était un petit propriétaire de l’Ardèche. Il ressemblait à sa terre, sèche sous le soleil, pleine d’une force mesurée et inusable. Son fils aîné, César, lui ressemblait. Il avait 26 ans. Le plus jeune, Auguste, ressemblait à sa mère et avait 22 ans. La servante s’appelait Marie-Fructueuse et avait 18 ans. M. Privas se mit en colère contre M. Gé quand il arriva dans l’Arche. Il pensait à ses terres et à ses bêtes. Ils avaient voulu rentrer chez eux mais M. Gé les ramena dans l’Arche.
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Le monde entier après avoir attaqué les Pays neutres, déclencha les hostilités. Il n’y eut pas un seul survivant à New York, pas plus que dans les autres villes du monde. Mais à Paris il y avait quelques rescapés, en plus des habitants de l’Arche. D’abord un vieil ouvrier, le père Testat. Il avait été admis à l’hôpital pour soigner sa pneumonie. Les médecins l’avaient guéri. Ils étaient tous morts sauf lui. La Russie et la Chine avaient été arrosées de bombes à virus.
Gé suivait par téléviseur les progrès du mal. Le père Testat ne s’étonna pas outre mesure de voir tout le monde mort dans l’hôpital, puis dans la ville. Il y vit une sorte de revanche et ne pensa pas une seconde à s’attendrir. Il mangea. Il ne s’était jamais senti si bien. L’Italie avait subi le même sort que la France. Le deuxième pape états-unien avait passé la nuit en prières. L’Allemagne attaqua l’Angleterre par haine. Toutes les villes souterraines de la vieille Angleterre germèrent et fleurirent en même temps, vers le ciel, en blanches et rouges fleurs d’Hiroshima. L’Angleterre continua la lutte. Mais elle fut cuite comme une brique. C’était la Suisse qui avait le moins souffert. Elle avait caché sa population profondément sous les Alpes. Aux Etats-Unis, seule la Nouvelle Miami, construite en plastec à 600 mètres au-dessous du sol, avait gardé ses habitants indemnes.
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Gé, en trois jours, avait survolé le monde. Il y avait un vaincu, l’Angleterre mais encore de vainqueur. La Russie tenait encore alors elle trouva des sympathisants. Les villes enterrées épargnées furent proclamées République Socialiste Indépendante. La Russie n’existait plus mais les deux tiers du monde lui appartenaient. La guerre s’était déroulée uniquement entre nations blanches. Elles avaient épargné les Noirs, les Jaunes et les Arabes afin de retrouver, une fois le conflit terminé, des clients. Les nations arabes se déclarèrent Républiques Socialistes. Du Maroc, des légions arabes passèrent en Espagne et remontèrent vers les Pyrénées. Dans le même temps, une armée chinoise se dirigeait vers l’Europe par l’Iran et l’Asie mineure. Des avions états-uniens avaient détruit l’oeuf géant. Moontown et l’ONU avaient été submergés par un déluge de blanc et de jaune.
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Hono avait construit une fusée sous les instructions de M. Gé. Gé savait que la Suisse avait l’arme suprême qui détruirait la terre. La fusée ne pouvait emporter qu’un couple, quelques animaux et des graines. Les animaux resteraient endormis le long du voyage qui durerait dix ans. Ensuite elle reviendrait sur Terre. M. Gé ne savait pas si la vie y serait encore possible. Le couple serait Irène et César. Emboulestein avait inventé l’arme suisse. C’était un individualiste farouche. M. Gé pensait qu’il était capable de détruire la Terre.
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Les Arabes tuèrent les paysans français. Les Chinois occupèrent la Suisse. Mme Collignot se plaignait. M. Collignot la consolait. Irène avait été satisfaite de retrouver Hono. Aline et Paul étaient émerveillés par le laboratoire de Hono. Irène aimait Hono. M. Gé expliqua la situation à M. Collignot. Irène voyagerait en dormant dans la fusée avec César. Le père Privas ne comprenait pas grand chose et M. Collignot était effrayé. Irène et César, hypnotisés, se mirent nus et entrèrent dans la fusée. M. Collignot en avait la respiration coupée. Il n’avait jamais vu sa fille nue depuis qu’elle était femme. Il l’embrassa avant que la fusée se referme. M. Privas se dit qu’Irène et César se débrouilleraient.
50
Privas voulut retourner chez lui mais M. Gé refusa. M. Collignot regrettait sa carrière interrompue mais n’avait pas peur. Mais son coeur lui monta à la gorge quand il réalisa qu’Aline allait mourir.
51
Hono dut reconnaître qu’il aimait Irène. Il caressa la fusée en pensant à Irène. Il voulait la sortir de la fusée mais savait qu’il ne pouvait pas.
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Emboulestein sut que le moment était venu. Les Chinois commençaient à faire sauter les Alpes. Alors il déclencha l’arme suprême et se suicida. Les animaux devinrent fous. Un nuage grossit dans le ciel et une neige en tomba. M. Gé prévint les habitants de l’Arche. M. Collignot embrassa Aline. Puis ce fut Paul qui l’enlaça. M. Gé leur expliqua que l’arme suisse était l’eau dure. L’eau allait geler à plus de 40 degrés. Plus aucune vie ne serait possible. Hono entra dans la chambre d’Irène. Il prit ses vêtements à pleins bras et y enfouit son visage. M. Gé proposa du poison aux habitants de l’Arche pour mourir sans souffrir. Quand le nuage d’eau dure atteint les guerriers arabes, ceux-ci s’arrêtèrent à Poitiers. M. Gé annonça l’existence de la fusée aux habitants de l’Arche et se tut. Le Conseil Fédéral Suisse lança par radio dans les cavernes l’ordre général de suicide. Hono ouvrit le sac d’Irène. Elle avait oublié ses lunettes. Il découvrit une photo de lui dans un médaillon. Hono courut voir Irène. M. Collignot avertit M. Gé. Mais Gé avait avalé le poison. Il eut juste le temps de dire qu’il avait fait de son mieux. Hono sortit Irène de la fusée et menaça les autres avec un scalpel. Hono fit respirer de l’oxygène à Irène et elle se réveilla. Paul et Aline se déshabillèrent et entrèrent dans la fusée. Hono injecta une drogue à Irène pour qu’elle ait la fièvre et il se l’injecta aussi ce qui leur ferait gagner vingt quand l’eau dure arriverait. M. Privas tua sa femme pour qu’elle ne souffre pas. Hono et Irène burent un remède qu’Hono avait inventé. Mais l’Arche éclata. A Moontown la voix du Civilisé Inconnu disait : « Je suis heureux... »