Une poitrine abondante gêne-t-elle la manœuvrabilité du réacteur dorsal ?
Je les aimais bien, les Semic books. Ils étaient élégants et, à 75 %, c'était au moins des livres agréables. J'ai été un peu triste quand Semic a perdu la quasi totalité de ses licences américaines. Ainsi mon étagère supérieure allait arrêter d'être encombrée par de nouvelles tranches noires. Je pensais connaître tous les titres, mais en fait, vers la fin, 2004-2005, j'en ai loupé pas mal, comme ce Jonni Future de Steve Moore et Arthur Adams. Steve Moore est présenté sur le rabat comme un scénariste anglais ami de Alan Moore (ça fait toujours bien, un peu comme de dire qu'on a travaillé chez Aaapoum Bapoum). Steve serait même "celui qui a tout appris à Alan". C'est vrai qu'il y a un certain état d'esprit commun qui mêle révérence et dérision en abordant les classiques de la SF rétro. La série Jonni Future fut d'ailleurs initialement publiée par ABC dans les Tom Strong's Terrific Tales où l'on trouvait aussi les aventures du "jeune Tom Strong", de la plume du même Steve Moore.
Nous avons donc affaire à 9 courtes histoires qui forment un hommage à la science-fiction d'exploration aventureuse et exotique telle qu'elle se déploya au Etats-Unis dans le sillage des aventures de John Carter, le Guerrier de Mars d'Edgar Rice Burroughs (1912), jusqu'à Adam Strange à la fin des années cinquante, sans oublier l'excellent Flash Gordon.
Jonni Future est surtout une série humoristique qui repose sur l'idée de remplacer le traditionnel héros masculin par une créature qui aurait beaucoup de mal à cacher qu'elle est une femme. Ainsi le héros viril qui offrait sa protection aux femmes réfugiées à ses pieds et accrochées à ses genoux est remplacé par une version triomphante des créatures mêmes qu'il défendait.
Jonni Ray, une jeune femme respirant la santé, hérite du manoir de son oncle, qui écrivait de la science-fiction sous le nom de Johnny Future. Jonni se rend vite compte que le manoir recèle un pont dimensionnel et que les aventures narrées par l'oncle, fussent-elles très mal écrites, étaient parfaitement vraies : de l'autre côté son oncle était un véritable héros galactique. Le costume et la fonction font partie de l'héritage et voilà la belle Jonni amenée à faire la justice et à sauver le monde, aidée par un homme-tigre se consumant de désir pour elle.
Les histoires sont souvent réussies, mais elles souffrent un peu de leur briéveté, qui fait pourtant leur singularité. Le second degré est sympathique, mais il n'est véritablement digeste sur le long terme que porté par une histoire vraiment accrocheuse au premier degré. C'est ce que réussit si bien Alan, mais que Steve maîtrise moins, car il ne prend pas le temps. Du coup on s'attache moins aux personnages et aux enjeux. Il manque un protagoniste entre Jonni et son tigre, qui relancerait un peu la conversation...Une mini-série agréable mais pas fondamentale.
Si je suis aussi décontracté pour expliquer ici que mon produit est assez honnête mais sans plus, c'est que pour convaincre les lecteurs, Jonni Future a des arguments qu'aucun de mes babillages verbeux ne saurait effriter. Portée par le dessin précis d'Arthur Adams et l'encrage soigneux d'Al Gordon (sauf sur l'avant-dernière histoire où ils devaient tous deux avoir une sacrée grippe), la plastique de l'héroïne saura convaincre beaucoup de nos clients toujours prompts à acquérir le moindre fascicule arborant un beau fessier ou une poitrine abondante. Les fesses de Jonni Future sont parfaitement moulées dans sa combinaison, et ses seins débordants sont... bref, je ne me fais aucun souci quand à l'avenir des dix exemplaires que nous avons récupérés et que nous vendons 9,90 € (prix initial 11,90€).