La rigueur, oui, mais pas pour tout le monde

Publié le 18 octobre 2011 par Copeau @Contrepoints

La rigueur, oui, mais pas pour tout le monde

Surprise : pendant que les primaires socialistes s’amusaient, le monde a continué de tourner. Il y a même eu un G20 (à 0.3 sur mon échelle de palpitance qui s’étale de 0 à 10). La crise continue de s’aggraver. Sarkozy s’agite vaguement. Tout va bien.

Je sais que certains seront surpris : oui, il y a bel et bien eu un G20. Les rumeurs dans la presse se font suffisamment insistantes. Nos élites se seraient réunies ce week-end. Elles auraient mangé pas mal de petits fours. Baroin a repris deux fois du saumon. Il y a eu des photos de groupe. Certaines sont même parues dans la presse.

Lagarde n’a pas bu plus que d’habitude, mais elle s’est écriée, joyeuse :

« Depuis le sommet du 22 septembre, il est plus probable que la situation économique ait empiré durant les trois dernières semaines plutôt qu’elle se soit améliorée. »

Merci Christine. Et ça fera 20.000 USD bien gagnés ce mois-ci.

Il y a eu une déclaration générale et officielle. Ensuite, nos élites sont rentrées chez elles. Et toutes se retrouveront le 23 octobre prochain. Pour faire des choses, dire des trucs, manger des machins et boire des bidules. Car c’est le 23 octobre qu’ils poseront vraiment des actes. Promis.

Comme vous le voyez, ce fut un sommet placé sous le signe de l’Action Résolue.

Ah, j’allais oublier : ce G20 a envoyé balader Sarkozy avec son idée socialiste de taxe mondiale sur les transactions financières. Les Indignés, qui aiment les taxes et les impôts, sont tous très déçus. Cette calamité s’abattra probablement seulement sur l’Europe, afin d’ajouter un boulet de plus à sa compétitivité. Il ne faudrait pas qu’elle prenne trop d’avance sur le reste du Monde, comprenez-vous.

Bon.

Tout ceci manque cruellement de substance.

Ce n’est guère étonnant : tout ce beau monde a très simplement et très officiellement perdu pied.

La crise échappe, sûrement et de moins en moins lentement, à la fois à leur entendement et aux tentatives désespérées de la juguler. Et c’est normal : la grille d’analyse de tout ce beau monde n’a pas évolué d’un iota. Pour les politiciens, tout ce bazar est la faute des méchants financiers. La dette des pays est un problème, certes, mais qui s’ajoute au reste. Et bien évidemment, seule une bonne régulation permet de sortir de la crise, couplée à un round général et généreux de distribution de monnaie pour résoudre le problème de liquidité.

Comme je l’écrivais dans d’autres billets, le principe de réalité, qu’on peut oublier pendant un temps moyennant des piscines de pognon, revient au triple galop lorsque les piscines se vident.

Et c’est exactement ce à quoi nous assistons actuellement : si les dirigeants des pays riches semblent à ce point confus et impuissants, c’est parce que leurs marges de manœuvre sont devenues inexistantes.

D’un côté, les États n’en peuvent plus de devoir s’endetter pour arriver à joindre les deux bouts ; ici, par bouts, je ne parle pas de boucler des budgets annuels, mais bel et bien d’arriver à payer les frais courants, au jour le jour. La Grèce a déjà, en réalité, fait faillite ; la fin de ce mois promet d’être aride pour les retraités, les fonctionnaires et les bénéficiaires nets de l’État Grec.

De l’autre, ces États doivent vendre leur dette à des institutions financières de plus en plus méfiantes… Et de plus en plus gavées de ces bons dont toutes savent maintenant qu’ils puent.

Pendant ce temps, la crise de liquidité des banques, notamment française, est passée de préoccupante à aiguë. Il est d’ailleurs du plus haut comique de voir les analyses presque optimistes des cours boursiers en hausse et de l’envolée de l’euro, alors que tout montre que ces hausses sont dues à la liquidation massive, par les institutions européennes en manque cruel de crédit, de tout ce qu’elles avaient en dollar. Ce qui, au passage, explique la décorrélation assez notable entre le cours EUR/USD et l’écart entre les bons français et allemand.

La situation est donc, proprement, inextricable : les États et les institutions financières se tiennent l’un et l’autre par le menton en tentant de rester debout pendant que le sol se dérobe sous leurs pieds. Chacun compte sur l’autre sans que l’autre puisse réellement arrêter le mouvement d’ensemble. Le capitalisme de connivence est en train, devant vos yeux, de s’effondrer.

Et bien évidemment, cela commence à faire grogner : il faudra trouver des coupables. Et ceux qui ont les flingues, la force, la loi et la dissuasion nucléaire sont évidemment les mieux placés pour les désigner. On ne sera donc pas étonné de voir José-Manuel prendre les devants : le président de la Commission Européenne a d’ores et déjà désigné les méchants (ce sont les vilains financiers), et comment on va les manger (régulation !).

Soyez bien attentif à ce qui va se passer dans les prochains mois.

Les Indignés veulent des taxes et des impôts, ils en auront plein. Ils seront certainement très déçus, voire indignés d’apprendre qu’ils font, eux aussi, partie des riches, mais qu’ils le soient ou non, peu importe. Ils sont les 99%, donc très nombreux, donc très imposables : 1€ sur 500 millions de personnes tous les mois rapporte plus qu’une fois 500 millions sur un riche qui n’hésitera pas à partir.

Les Indignés et pas mal d’autres veulent des nationalisations de banques : ça tombe bien, c’est probablement ce qui va se passer, à la Dexia au début, à la hussarde et en catastrophe à la fin. On comprend que les banques, actuellement, hésitent à demander de l’aide : le premier qui en croque a perdu.

Et lentement se mettent en place les étapes suivantes ; les coupables désignés, les nationalisations faites, il faudra, tout de même, apurer une situation devenue intenable. Il faudra se serrer la ceinture.

Fini la retraite par répartition. Au lieu d’un pécule minable, ce sera 0 pour tout le monde (je parle des versements, pas des cotisations qui elles, seront toujours prélevées).

Fini la sécu gratuite. Ce sera 0 pour tout le monde (je parle des remboursements, pas des cotisations qui elles, seront toujours prélevées).

Fini l’assurance chômage pendant un an ou plus…

Bonjour le travail au noir, le troc et les files devant les administrations et certains magasins discount.

Mais attention !

Au menu : la rigueur qui doit permettre au gouvernement de faire rentrer dix milliards d’euros dans les caisses de l’État. Ces dix milliards correspondent à une série de nouvelles taxes ou de nouveaux prélèvements mais aucune économie de dépense sur le train de vie de l’État n’est envisagée par ce budget.

Oh. « Aucune économie sur le train de vie de l’État. »

Quelle surprise !
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