Ces jours-ci, trois faits se conjuguent au sujet de la SNCF et dont la signification globale est considérable : le 30e anniversaire de la création des TGV, des grèves à répétition, et un horrible accident de passage à niveau. Ces événements se rattachent à la ruine infligée au peuple français par le mammouth SNCF, cette ruine étant provoquée en grande partie par les TGV.
Personne ne discute les immenses agréments qu’offrent ces TGV, aux riches voyageurs qui voient défiler à toute allure la campagne à bord des magnifiques jouets. Et pourtant comme nous allons le montrer, nous roulons, alors, sur le pain des pauvres.
Comment se manifeste cette ruine ? Un rapport de la Cour des Comptes sur « La réforme ferroviaire de 1997 » a démontré que les TGV sont largement à la source de la ruine de la SNCF. Le rapport dénonce « le lourd endettement de la SNCF induit principalement par les investissements considérables effectués pour construire et équiper les lignes nouvelles à grande vitesse ». Étant donné les chiffres, l’importance de ces dettes contribue largement à l’endettement abyssal de la nation tout entière, car, pour les analystes honnêtes, il n’y a pas de distinction à faire entre les dettes de la SNCF et les dettes globales de la nation (en visant la SNCF, nous englobons Réseau ferré de France ou RFF, complètement imbriqués). L’effet de ruine est patent, compte tenu des charges massives des intérêts et de la multiplication abusive sur trente ans de la construction des TGV. La paupérisation du pays en est la conséquence et, comme il est de règle, cette paupérisation frappe particulièrement les plus faibles.
L’idéologie du tout TGV
D’où vient cette idéologie du « tout TGV ». Plusieurs phénomènes dus à l’économie dirigée se rencontrent : la volonté ardente des multiples élus joue un rôle majeur. Chaque maire de grande ville ou chaque président de région veut « son » TGV. De faux motifs interviennent : par exemple, le nombre d’emplois créés alors que l’on cache le nombre d’emplois détruits. Et puis l’on proclamera, comme de vrais gamins, qu’un quart d’heure ou une demi-heure de gagnés sont source de prospérité pour la région ! À signaler les calculs de rentabilité biaisés. Banques et travaux publics, la main dans la main, minorent les coûts prévisibles et majorent les retombées éventuelles : dix ans après plus personne ne vérifie.
Certes, la ruine de la SNCF a aussi bien d’autres causes. Il y a le statut incomparable du personnel : un agent de la SNCF coûte 30% plus cher que celui d’une compagnie concurrente. Au statut, s’ajoute la pléthore de ce personnel et une grande rigidité dans la gestion, avec du laxisme dans les heures de travail. Le maintien abusif de liaisons secondaires sous-employées, sous la pression des élus est aussi un facteur ; ces liaisons auraient pu facilement être supprimées et remplacées par des autobus qui fonctionnent très bien dans d’autres pays.
La guerre des cheminots contre le peuple français
À signaler particulièrement les grèves à répétition, évoquées ci-dessus. Nous venons ces jours-ci d’en connaître deux exemples. Il y eut d’abord cette forme particulière de grève qu’est le droit au retrait. Un contrôleur avait été tué ce qui est certes inadmissible : les cheminots en ont profité pour punir cruellement les voyageurs en paralysant le pays pendant plusieurs jours. Et rebelote quelques jours après pour d’autres motifs.
En fait, nous nous trouvons devant une sorte de guerre ouverte par les cheminots contre le reste de la population. Depuis des décennies, la vie quotidienne de millions de Français et en particulier de 10 millions de banlieusards est empoisonnée par des grèves à répétitions qui ont pour résultat que les usagers sont brusquement cloués sur le quai. Il est évident que si le droit de grève est inscrit dans la constitution, le droit de circuler librement est inscrit dans le droit des gens et devrait être très supérieur au droit de grève. Dans ces circonstances, il est exact de dire que depuis des décennies les cheminots, à la remorque de certains syndicats, ont déclaré une véritable guerre au peuple français.
En conséquence de quoi des dysfonctionnements techniques nombreux sont directement liés à l’idéologie du « tout TGV », le reste étant abandonné à son triste sort.
Parmi eux, se trouvent les passages à niveau. Le tout récent et terrible accident de passage à niveau est loin d’être le premier : il existe 15.100 carrefours où quotidiennement le trafic routier rencontre le trafic ferroviaire et en 2007. Ils ont été l’occasion de 115 collisions au cours desquelles 38 personnes ont perdu la vie. Les programmes de sécurisation sont terriblement lents puisqu’il n’y a plus d’argent nulle part. Au même moment en Allemagne il n’existe pratiquement plus de passages à niveau dangereux.
Il est encore un aspect majeur à signaler dans cette triste histoire. La SNCF est soumise au bon plaisir des pouvoirs publics ainsi que des syndicats et échappe donc au contrôle du marché. Or, lorsque les pouvoirs publics interviennent, ils mettent du temps à s’apercevoir de leurs erreurs alors que lorsque le marché règne les erreurs sont corrigées au plus vite sous la pression des clients. C’est pour cela que le 30e anniversaire de la création des TGV est à signaler. En effet, les élus qui nous ont apporté cette catastrophe ont pris largement leurs retraites fastueuses et imméritées, alors que c’est maintenant seulement que les pouvoirs publics commencent à s’apercevoir de l’erreur qui remonte à 30 ans !
Les aveux officiels de l’erreur
Les dirigeants reconnaissent maintenant que le prétendu succès s’est fait au détriment de toutes les autres lignes secondaires et régionales. Des spécialistes remarquent même qu’il faudrait fermer un certain nombre de lignes à grande vitesse ou les transformer en ligne à moindre vitesse. Le président de la SNCF lui-même, Guillaume Pepy, a déclaré que la SNCF transporte 5 millions de voyageurs par jour et que les TGV n’en transportent que 300.000. Il a lancé un cri d’alarme en septembre 2010 : « Trop de TGV risquent de tuer la SNCF et le système ferroviaire français. »
Une question peut se poser : que se serait-il passé si, au lieu de l’arbitraire, le marché avait régné ? Il y aurait peut-être eu un seul TGV par exemple sur la ligne Paris-Lyon-Marseille. De riches clients auraient payé à son prix le confort incroyable et les chemins de fer auraient eu beaucoup d’argent pour s’occuper des lignes secondaires.
La conclusion ne peut être que mélancolique. L’information des politiques est désormais totale sauf aveuglement volontaire. La SNCF est un mammouth parmi plusieurs autres qui font souffrir le peuple français. Un changement ne pourrait intervenir que si le personnel politique lui-même changeait et ce n’est pas en vue actuellement !