Ca paraissait pourtant bien parti... Petite, je collectionnais les tickets de métro usagés (jaunes à l'époque) pour en faire le support d'histoires et de dessins, ça égayait les longues heures de cours. Un jour, j'ai fini par savoir faire toute seule le changement à Châtelet : d'après ma maman, ça voulait dire que je pouvais désormais aller n'importe où toute seule en métro, et ça, c'était assez magique. Avec le temps, ma conscience citoyenne s'est aiguisée : moi aussi, je voulais lui dire M... à la pollution ! C'est vrai, le métro lui, est toujours fluide, contrairement à la circulation. Et puis, j'y ai gagné des heures et des heures de lecture - que j'aurais pu perdre en première-seconde-première dans les embouteillages. En ce temps-là, la poésie ne me semblait nullement incompatible avec les transports en commun à l'heure de pointe...
Hélas, en quelques années, mon enthousiasme s'est brisé bêtement, sur 2 ou 2 campagnes de pub maladroites et de nouveaux impératifs pas tendres pour l'usager :
- les pubs infantilisantes "Cet escalier et bon pour ma santé". Certes payées par le gouvernement Raffarin dans un accès d'interventionnisme néo-pétainiste, elles m'ont surtout rappelé que le métro est rarement accessible aux fauteuils roulants, poussettes, vieux... parce que justement il n'y a que ça, des foutus escaliers.
- la conduite sportive des chauffeurs de bus. Parait-il que c'est pas de leur faute, qu'ils sont tous GPS-isés avec de terribles objectifs de performance. En tous cas j'attends la campagne "attachez votre ceinture dans le bus", parce que si tu veux pas t'étaler, accroche-toi.
- la campagne "je garde le rythme" sur les quais de métro :
"1. Je laisse descendre et je garde le rythme.2. Je monte et je garde le rythme.
3. Au signal sonore je m'arrête et je garde le rythme.
1 2 3 : Pour gagner du temps, Gardons le rythme."
Avec stickers sur le sol pour que tu suives les pas - l'intention était de nous faire danser la "lambada du métro" j'imagine. Mais quand le signal sonore se déclenche AVANT que tout le monde soit descendu, alors qu'il y a une poussette en travers des porte, je ne suis pas du tout d'humeur joueuse, moi...
- et puis il y a le Service du dimanche : les rares arrêts de bus desservis sont pris d'assaut, le prochain bus est dans 20 minutes. Le chauffeur de notre rame de métro aujourd'hui décide de garder le rythme, donc de fermer les portes sans crier gare, séparant les petits couples déconfits, stressant les mamies... Bref, le dimanche, on touche le fond. (D'où mon cri du coeur de ce soir) (je sais c'est dérisoire, mais qu'est ce que ça défoule...)
Je passe sur le fond musical au métro place de Clichy : du classique uniquement (dois-je en conclure que même FIP ne suffit pas à "adoucir les moeurs" et les populations bigarrées ?!) ou sur l'hebdo du métro, pas vraiment populaire (dans le bon sens du terme) comme il devrait l'être...
Mesdames et messieurs de la RATP : tout ça c'est de l'amour déçu ! Je ne demande qu'à reprendre ma rame avec le sourire, à retrouver mon indulgence, que dis-je mon affection, pour un service public admirable, qui transporte sans heurts des millions de passagers chaque jour, nous entraine dans des tunnels sombres sous la terre, lieu d'intimité forcée, immense terrain de jeu de nos frictions sociales... Allez, un petit effort s'il vous plait : un peu plus d'accessibilité, de transports le soir et le week-end, et surtout d'attention pour le pauvre Usager dont l'enthousiasme s'est usé... La passion ça s'entretient...
Lire l'interview d'un sociologue qui travaille pour la RATP par Libération
(Eh bhein oui, on peut pas sourire tous les jours...)