À l’entrée de l’exposition consacrée à Yayoi Kusama au Centre Pompidou (jusqu’au 9 janvier), une photographie murale en noir et blanc annonce l’exposition. Devant un mur peint qui semble alvéolé tant le réseau de traces ponctuées y est dense, l’artiste, vêtue d’une robe parsemée de petits motifs,
étreint une statue (Macaroni Girl, 1963) qui semble couverte de dentelle ajourée (ce sont en fait des pâtes ‘ruote’ en forme de roue à moyeux) ; les trois fonds, mur, robe et sculpture, se confondent. Le ‘punctum’ vient d’un accroc dans le bas résille de Kusama, un peu de chair qu’on aperçoit par accident délibéré, un dévoilement du corps très maîtrisé. C’est sans doute une des choses qui m’a le plus frappé dans cette remarquable exposition, la manière dont l’artiste s’expose, se met en avant
, en danger, tout en restant en retrait. Les petites vidéos orgiaques montrées ici célèbrent la liberté des corps dénudés en public, la libération sexuelle inséparable de la contestation politique en ces années de guerre du Viet-Nam : ces happenings ont lieu à Wall Street, dans le métro new-yorkais, devant des églises, au pied de la Statue de la Liberté (ci-contre Anatomic explosion, Anti-war happening sur le pont de Brooklyn, NYC, 1968) , on y brûle des petites culottes, on y perturbe une émission de télévision, on y joue Bonnie & Clyde, les corps se mêlent et s’emmêlent, et la maîtresse de cérémonie, imperturbable, le regard dur, peint des pois sur les corps nus des participants, sans ciller. Il y a là une énergie folle, anarchique, provocatrice que notre époque puritaine semble avoir oubliée.

C’est là la fin des années new-yorkaises de Kusama ; arrivée en 1958, après avoir constaté son impossibilité à évoluer dans la société japonaise, elle y reste 15 ans. Elle s’y dépouille du surréalisme à la Desmond Morris de

La salle suivante est extraordinairement belle et paisible, traduisant peut-être sa sérénité temporaire au début de sa vie new-yorkaise : ses Infinity Nets, blancs et gris, sans cadre (l’un aurait fait plus de 10 mètres) sans limites, sont la trace de son corps à corps avec la peinture, de son geste pictural (intéressant texte de Laura Hoptman dans le catalogue à ce

Ensuite, la couleur s’installe, puis les accumulations, d’abord de signes, comme ces billets (Untitled, 1962-63, détail ci-dessus) de Won Hollar, The Untied Skates of Arnica, signés de Zilch et Nutt, puis de sculptures, objets ordinaires (échelle, chaise, canapé, fauteuil (Accumulation n°1, 1962, ci-dessous), étagère, mannequin,




Photos 1, 2, 9 & 10 de l'auteur.
Photo 8 courtoisie du Centre Pompidou (The Moment of Regeneration, 2004. 55 pièces. Tissu cousu, uréthane, bis, peinture. Dimensions variables. Courtesy Victoria Miro Gallery, Londres. Ph. prise au National Museum of Modern Art,Tokyo. Photo: Keizo Kioku.)