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Le docteur Porte viré du Tour

Publié le 17 octobre 2011 par Jeanpaulbrouchon

ASO a fait une nouvelle victime : le médecin-chef du Tour, condamné à garder la chambre après quarante ans de bons et loyaux services...

Depuis que j’ai appris que le bon docteur Porte s’est fait virer du Tour de France avec toute son équipe médicale, je ne me fais définitivement plus d’illusions sur la mentalité, le sens moral et l’état d’esprit des nouveaux patrons et dirigeants actuels. Car voilà un toubib qui, emporté par sa passion du vélo, a donné sa vie au sport cycliste et au Tour et qui s’est retrouvé marron du jour au lendemain ! « Donné » est bien le terme qui s’impose eu égard à son salaire (2200 euros en 2009 pour un travail à l’année) face aux responsabilités qui pesaient sur ses épaules et celles de ses collaborateurs, non seulement pendant la grand’messe de juillet mais durant toute la saison de compétition sur les organisations d’ASO. Après quasi quarante ans de bons et loyaux services, comme d’autres dans d’autres sociétés, il s’est fait « remercier » mais pas dans le sens où on l’entend généralement : de façon cavalière et inélégante, comme un malpropre. Dégagez, il n’y a plus rien à voir pour vous !
Entré au Tour en 1972 comme infirmier, le docteur Gérard Porte se destinait à la chirurgie orthopédique mais après avoir connu le docteurr. Dumas (celui qui tenta vainement de ranimer le malheureux Simpson sur les pentes du Mont Ventoux en 1967), il bifurqua vers la médecine sportive via le Bataillon de Joinville, l’Institut national des sports et l’Ecole interarmées des sportifs. En 1977 il devint médecin des équipes de France et en 1982, il succéda au docteur Miserez comme médecin-chef du Tour de France. Un beau parcours qui le faisait évoluer au milieu de ces sportifs qu’il admire tant. Mais aujourd’hui l’époque n’est plus au sentimentalisme et après 39 éditions dans la roue du peloton et de ses amis coureurs, il est victime d’une bordure qui a surpris tout le monde.
J’avoue que j’ai mal pour lui. Parce que je l’ai cotoyé, comme beaucoup d’anciens suiveurs et que j’appréciais sa personnalité, son contact agréable, sa disponibilité, sa convivialité. Quand souffle un vent contraire, il y a parfois plus de mérite à quitter un poste avant l’heure qu’à vouloir prolonger au risque de se faire jeter comme un torchon. Dans ce cas précis, on ne peut pourtant pas dire qu’ASO est une société qui prend l’eau. Elle est assise sur une montagne de fric. Le Tour est une vache à lait mais les bénéfices doivent être en augmentation constante pour satisfaire les propriétaires et les actionnaires. Et à un moment donné, il s’agit de savoir où l’on peut presser le citron pour qu’il puisse encore donner du jus quelque temps.
Dans le livre de souvenirs qu’il vient de publier (Médecin du Tour, éditions Albin Michel), le docteur Porte explique : « Au lieu de médecins du sport efficaces sur le terrain et recrutés pour leur passion du vélo, le peloton du Tour de France aura affaire à des médecins urgentistes et des infirmières anesthésistes sans aucune expérience. L’expérience ne compte plus.»A l’appui de ses dires, le fait qu’on ne l’ait ni consulté, ni sollicité pour former la relève. « En novembre 2009, j’ai été informé par un adjoint qu’un changement était en cours et que mon équipe serait remplacée pour une société extérieure pour gérer le service médical dès la saison 2010. (…) La société repreneuse nous a reprochés de trop bien connaître les coureurs, leur encadrement, la presse… Le service médical doit être deshumanisé. Il ne faut désormais plus que des numéros ! » Face à de telles âneries, il n’y a qu’à s’incliner bien bas, ou appeler un psychiatre plutôt qu’une assistance médicale !
Cet épisode malheureux confirme que rien n’est plus comme avant dans beaucoup d’entreprises et surtout dans le monde du travail actuel. Le décès, en 2006, de Philippe Amaury, PDG d’ASO, la purge qui s’en est suivie, l’élimination de Patrice Clerc et bon nombre de ses collaborateurs, remplacés dès 2008 par Jean-Etienne Amaury et des nouveaux venus aux allures de technocrates prétentieux, ont redistribué les cartes mais il n’est pas certain que la nouvelle direction réussisse aussi bien que ses devancières. Certes, à l’époque de MM. Godet et Lévitan, l’amour du vélo était déjà au service du grand capital mais on y mettait la manière en haut lieu. Désormais, c’est la course au fric effrénée et sans scrupules et l’intérêt sportif de cette grande organisation d’événements, Tour de France compris, n’est plus qu’une vue de l’esprit pour des gogos qui croient encore au Père Noël !

Bertrand Duboux


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