Le premier film du jour, qui était aussi l’un de ceux qui m’intriguaient le plus par son idée de départ, était The Code of a duel, dont le titre coréen se traduit apparemment plutôt par « la jouissance du sabre », un programme alléchant. Cependant avant même que le film commence, j’aurais bien moi-même sorti mon sabre de son fourreau pour aller défier une triplette de spectateurs proche du troisième âge (ou carrément dedans) ayant réussi à démontré en quelques instants que la sagesse et la civilité ne vont pas de soi avec l’âge, justement. Le premier s’est manifesté avant même que l’on pénètre dans la salle. L’un des tous premiers dans la queue, il s’obstinait à ne pas vouloir donner son ticket au contrôle. Le staff avait beau gentiment insisté, si si, il faut donner le ticket pour comptabiliser les entrées, monsieur insistait en retour, à deux doigts de s’énerver, prétextant qu’il aimait la photo au dos du ticket (probablement celle de Jean Reno, qui revient souvent au dos des tickets du St-André des Arts ? Hum…). Moi-même adepte de la collecte des tickets de cinéma, je pourrais comprendre sa réaction si elle en était restée à la simple déception. Mais bon, cela reste gentil.
Le second malotru s’est lui signalé en se plaçant dans la salle juste devant le projecteur de sous-titres. Au FFCF, on commence à savoir comment ça marche, les sous-titres sont projetés directement de la salle, et si donc un spectateur se place dans l’axe juste devant le projecteur, les spectateurs sont privés de sous-titres. Et je ne sais pas vous, mais moi, les sous-titres français me sont tout de même assez utiles pour un film coréen. Une nouvelle fois, le staff a poliment demandé au spectateur de se déplacer d’un siège sur sa droite afin que tout le monde puisse profiter du sous-titrage. Réaction outrée de notre second « vieux », auprès duquel il a fallu une nouvelle fois insister avec gêne.
A croire que la promesse d’un film d’épées (ça c’est pour l’idiot) attire les vieux cons. Cela n’a pas non plus gâché le film, un festival de duels sabrés filmés avec un aplomb sidérant étant donné le budget riquiqui du film (une poignée de milliers d’euros). La volonté d’imprimer une atmosphère de western interpelle, avec des sons un peu country qui surprennent dans ce cadre urbain coréen.
Dans ce film de Yeo Myung-Jun, les duels au sabre font partie intégrante de la société coréenne. Young-Bin, employé de bureau transparent aux yeux de ses collègues, est dès qu’il sort du boulot le plus redoutable et aguerri des sabreurs, enchaînant les duels et les victoires. Alors qu’une certaine lassitude le gagne, il s’entraîne avec son ami de toujours, un maître sabreur qui a lâché les duels, et un jeune homme plein de fougue, d’envie et de promesses. Intriguant dans son concept, The Code of a Duel accroche surtout par sa maestria inattendue dans les fameux duels, car pour ce qui est du scénario en lui-même, du parcours des personnages et des minis revirements, le film reste sage, voire même un peu facile dans sa volonté de faire s’affronter les protagonistes.
Mais tel un Vincent Gallo coréen, le réalisateur fait tout, absolument tout sur son film, en plus d’être le réalisateur et l’un des deux acteurs principaux, et cela force l’admiration. La rumeur veut qu’il ait aussi opéré en tant que stagiaire café et photocopieuse, mais je n’ai pas pu vérifier cette information à prendre avec des pincettes…
Mais si la qualité de ce court était attendue, du fait du bouche-à-oreille élogieux dont il bénéficiait l’an passé, ce qui était intéressant, c’était de découvrir s’il y avait dans le reste de son travail la qualité qui ferait d’elle une réalisatrice à suivre. Et la réponse est indubitablement oui. Le second court-métrage, Be with me, m’a particulièrement touché, récit du deuil d’un jeune homme dont la compagne pleine de vie a été fauchée par une voiture, le laissant seul et amorphe, mais hanté par l’impétuosité de sa chère et tendre. Un court délicat et poétique sur la perte et la difficulté à laisser partir les résidus sensoriels de l’être aimé. Un vrai bijou.
L’évènement du jour au Festival, si l’on excepte la venue de Jung Yumi bien sûr, c’était les projections successives des différents films tirés d’un même sujet, et dont j’avais déjà vu vendredi soir la plus récente version datant de 2010, Late Autumn (oui, celui-là même que j’ai légèrement malmené dans un billet précédent…). En début d’après-midi, c’était donc The Promise of the Flesh de Kim Ki-Young que je n’ai pas vu, et avant la séance du soir, en rediffusion, du Late Autumn 2010, un remake datant de 1981, déjà intitulé Late Autumn et réalisé par Kim Soo-Yong. L’œuvre d’origine, dont plus aucune copie ne semble exister, avait été réalisée en 1966 par Lee Man-Hee, et les trois versions vues au FFCF sont donc des remakes.
Trop mou, trop long le Late Autumn de 1981. Le scénario tourne à vide, et si l’on pense au remake 2010, plutôt fidèle à cet autre remake, on ne peut que constater son incapacité à améliorer cette histoire déjà bancale. Peut-être les versions plus anciennes sont-elles plus regardables ?
En sortant de cet épisode somnifère, alors que l’essentiel du public constituant la foule squattant les trottoirs du cinéma, foule dans laquelle j’ai frôlé l’actrice Jung Yumi comme décrit plus haut, trépignait de découvrir (ou pour certains revoir, qui sait, l’être humain peut parfois être diablement étrange) Late Autumn avec Hyeon Bin, je me suis doucement mis en position d’attente pour Possessed, le film d’horreur de la sélection. Le film était à l’affiche en Corée lorsque j’y suis passé à l’été 2009, l’opportunité de le voir enfin en salles était donc savoureuse.
Après la lassitude de Late Autumn, rien de tel qu’on bon p’tit coup de flip pour finir la journée, et le week-end, dans la joie. C’est ce que j’attendais de Possessed, et c’est qu’il avait à offrir : du frisson. Si le film ne parvient pas à maintenir la tension sur toute la longueur, voulant trop en mettre plein la vue vers la fin, et perdant de cette part de mystère qui fait naître la peur, Lee Yong Joo réussit tout de même son coup de jouer avec l’austérité et l’angoisse qui peut découler de la religion et de son fanatisme. J’ai toujours trouvé que les églises chrétiennes coréennes, avec leurs croix baignées de lumière dans la nuit, avaient quelque chose de flippant, et ce n’est pas Possessed qui va m’enlever cette idée de la tête. Deux rangs derrière moi, une spectatrice était totalement paniquée devant le film, surtout dans la première demi-heure, émettant des bruits d’inquiétude constante particulièrement drôles (eh oui, la peur des uns peut faire l’amusement des autres).
Par contre il est temps de distribuer un carton rouge au projectionniste de la salle 2 du St-André des Arts. Déjà la veille, il avait été à deux doigts de gâcher totalement la projection de Hello Ghost avec son incapacité chronique à faire la mise au point sur la copie 35mm du film. Dimanche, il a confirmé ses lacunes avec Late Autumn et Possessed. Pour chacun des films, il a mal géré un changement de bobines, nous sortant des deux films par un écran noir suivi du compte à rebours du début de bobine. Et comme si cela n’était pas suffisant, conséquemment à cette erreur sur Possessed, il a eu bien du mal à refaire la mise en point, nous laissant une fois de plus dans le flou pendant de longues minutes. Le métier de projectionniste vit déjà des heures difficiles, il n’a certainement pas besoin d’une telle mauvaise presse. Alors reprend-toi l’ami, et montre-nous que tu es un pro !