Si vous suivez l’actualité rap, vous avez obligatoirement du entendre parler de Danny Brown partout. Son approche originale du rap, sa personnalité fascinante, et son talent n’ont laissé personne de marbre. Chronique de la mixtape à laquelle il doit son succès !
Des nouveaux arrivants dans le monde du rap, y en a énormément. La dernière génération de rappeurs est surtout composée de jeunes ! Très peu de nouveaux rappeurs sont des gens qui arborent fièrement la trentaine. Et surtout, dans ce nouveau rap game, là où la majorité des facettes du rap ont été exploitées, l’un des meilleurs moyens de réussir est encore de jouer dans l’originalité. Et Danny Brown, en lui-même, est totalement représentatif de ce côté qu’on recherche chez beaucoup de rappeurs.
Petit paragraphe culture : Danny Brown. On pourrait le qualifier d’un vieux Tyler, The Creator. Trente piges, de la barbe, un style bien à lui, une clique bien à lui, des vannes bien à lui, un côté emo bien packagé, des sons quasi ironiques à certains moments, et beaucoup d’honnêteté. Sauf que Brown lui, il a trente ans, et se plaint comme un gosse. Mais lui, il le fait bien. Entre deux trois vannes qui toucheront les plus geeks d’entre nous, il place des sons sérieux, francs, et profonds où on sent son vécu, son expérience. Grand drogué, il est friand d’Adderal, et le clame sur quelques sons. Mais surtout, on sent son passé difficile. La misère, les problèmes, etc, c’est classique dans le rap, mais lui c’est différent. Son style vestimentaire est très… Original. Jeans slim, t-shirts de groupes de rock, coupe émo avec une longue frange et un côté rasé, dents cassées… On pourrait croire sur le papier que c’est un random jeune ado des années 90. Pourtant il a trente ans, nous sommes en 2011 et… il est black. Oser se trimballer avec une coiffure pareille quand on vit dans la street life, c’est une question de couilles. 50 Cent l’a refusé sur son label pour ça. En gros, il a aimé son style, a trouvé son flow exceptionnel, mais lui a dit qu’il ne vendra pas un mec qui s’affiche comme ça. Et c’est toute la personnalité complexe de Danny Brown, qui retweete ses haters sur twitter, qui sourit avec ses dents cassées, et qui peut rapper violemment sur sa vie entre deux sons où il se proclame bouffeur de chattes.
Un peu long certes mais nécessaire. Son flow est vraiment extrêmement impressionnant. Il a une capacité extraordinaire à maîtriser totalement son flow, pour en faire ce qu’il veut et mettre en valeur diverses émotions. On pourra souvent l’entendre avec sa voix aigue, son accent presque jamaicain, mais aussi avec sa voix grave, profonde, puissante et lourde. Et il change aussi simplement qu’un clap de doigts, il alterne entre les deux avec une simplicité qui ferait frémir tous les jeunes rappeurs de sa génération. Mais bon, maîtriser son flow c’est une chose, savoir l’utiliser contextuellement c’est autre chose. Ca serait marrant s’il utilisait sa voix aigue sur les parties difficile de sa vie, et sa voix grave quand il déconne ! Heureusement qu’il met sa capacité à alterner à son profit.
Sur une prod très variée, il met en contexte plusieurs situations. Samplant du rock classique, metronomy, et d’autres, il fait en sorte d’avoir une musique très variée sur des beats souvent progressifs. Ainsi, on appréciera beaucoup le jazz du profond DNA, tout autant que le beat très bling bling du parodique Bruiser Brigade, comme le frénétique beat électro d’I Will et le refrain rock de Pac Blood. 19 sons, tout autant de variété, tout un programme… Et avec des lyrics de qualité s’il vous plaît ! Beaucoup de punchlines puissantes, mais surtout un style assuré, un flow décontracté et totalement maîtrisé qui rend ses lyrics encore plus claires et lourdes de sens, des nombreux jeux de mots aux références geek, en passant par des lyrics frôlant le registre purement littéraire.
C’est aussi beaucoup de délires, il nous présente sa Bruiser Brigade où il parodie Waka Flocka Flame à la manière de Tyler, The Creator, il consacre une chanson entière à l’art de déguster du vagin sur I Will (au beat excellent d’ailleurs), il part en délire sur Monopoly, et totalement dans son trip drogué sur Adderall Admiral. Mais c’est aussi des moments violents sur Pac Blood, où il part de manière puissante sur un beat énergique pour expliciter sa qualité en tant que rappeur, ou encore sur DNA où il parle de son addiction, de sa famille, de ses problèmes.
On appréciera surtout 30, l’outro magistrale de l’album. Il recapture la mélancolie poignante de l’intro de Nights Out de Metronomy sur un beat qui le sample de manière à mettre l’emphase sur la basse mélancolique, et réutilise cette énergie sur son texte. Il résume sa vie, de manière vraiment profonde, puissante et prenante, pour en arriver aux larmes à la fin où il craque complètement avant que le beat ne se transforme en une lourde basse. De ses débuts, à aujourd’hui où il atteint la trentaine, de ses problèmes dans le business, jusqu”à ses envies de suicide. Quand on entend le mot XXX, on pense directement à… autre chose, alors que le sens y est double. XXX pour la violence mais surtout XXX pour 30 en chiffres romains. Danny Brown clame son âge, et surtout sur la chanson qui porte le même chiffre. D’ailleurs, c’est littéralement le son sur lequel il se déchaîne le plus, et où il atteint un flow qui prend des proportions épiques, et qui retranscrit de manière parfaite toute l’émotion. C’est aussi celui sur lequel on remarquera le plus sa capacité à alterner entre ses deux timbres de voix.
Ainsi, Danny Brown nous offre l’une des meilleurs productions hip-hop de l’année. Son flow ferait frémir les plus grands, et son égo fascinant rendent le personnage mystérieux, attachant, et passionnant. A suivre impérativement ! 8.4/10
En téléchargement gratuit ici !
Etudiant de 17 ans, geek et passionné de musique underground. Je suis très ouvert, je suis très éclectique. Ça se ressent. La musique m'inspire, mes articles sont souvent longs en conséquence, mais c'est pour vous faire ressentir ce que je ressens. Pour vous servir. Swag.