Succédant à la mode Royal de 2006, voici maintenant venue la mode Hollande. Un sacré couple, dans cette histoire
politique post-jospinienne.
Après cette interminable campagne socialiste à empapaouter les mouches, la
conclusion arrive enfin : comme prévu, le candidat favori des sondages a gagné !
Martine Aubry a reconnu sportivement sa défaite ce dimanche 16 octobre 2011 avant 21h00. Sportivement, mais sa présence à la tête du PS va sans doute être contestée.
Dans une consultation ayant mobilisé (selon les premières estimations) entre deux et trois
millions de votants, François Hollande aurait obtenu environ 56,4%. Belle victoire.
Dans les derniers jours, malgré les attaques de sa concurrente, François Hollande avait redoublé d’attention pour préserver l’unité et se refuser aux petits jeux de la division.
Oui, la division. Rappelez-vous, cet argument balancé à longueur de campagnes pour empêcher l’expression d’une autre pensée que la majoritaire, c’est celui du risque de la division dans son
camp ; un argument régulièrement utilisé par le RPR puis l’UMP contre toutes les velléités d’autonomie de ses alliés.
François Hollande avait réussi à rallier à sa candidature l’ensemble des candidats du premier tour qui n’avaient pas été qualifiés pour le second. Il représentait la France provincial, celle des élus
locaux…
Il n’y aura pas d’Angela Merkel à la française
En face, pourtant soutenue par un appareil qui lui était dévoué, Martine Aubry devait faire figure de favorite, représentante de l’aile strauss-kahnienne qui s’était disloquée en cours de route.
Réticente à l’idée de primaire ouverte défendue par Arnaud Montebourg puis, finalement, s’y ralliant en début 2010, Martine Aubry avait renoncé à l’idée de négocier
avec le gouvernement pour la réforme des retraites après avoir évoqué son ambition présidentielle tout en
insistant le 17 janvier 2010 sur le fait que : « Il faut qu’à un moment donné, on soit l’homme ou la femme de la situation qui permettra de
mobiliser un maximum de Français : d’abord, on joue collectif, après, on choisit le capitaine. ».
L’homme de la situation, à l’époque, c’était DSK. Son défaut de candidature a littéralement projeté en avant la candidature de François Hollande, qui
progressait lentement, un peu comme un paravent des méthodes américano-bling-bling outrancières du précédent
favori.
Eh oui, François Hollande revient de loin et lorsque le 31 mars 2011, il avait déclaré officiellement sa
candidature, peu de monde était prêt à miser sur lui. Ce qui a fonctionné avec lui, outre sa détermination exceptionnelle (une ténacité toute chiraquienne), ce sont les conseils en communication.
Il a été coaché par deux comédiennes pour singer… le maître François Mitterrand, qui fascine tant son
principal concurrent, Nicolas Sarkozy.
Hollande, l’incroyable fiancé !
Il revient de loin, François Hollande. Après la mort de Philippe Séguin et son refus de lui succéder au prestigieux poste de premier Président de la Cour des comptes, François Hollande avait expliqué le plus
naturellement du monde qu’il se préparait pour l’élection présidentielle de 2012. Ses interlocuteurs esquissaient alors un sourire discret et poli. C’était au début janvier 2010.
J’avais ainsi évoqué l’hypothèse de sa candidature le 12 janvier 2010 en y énumérant ses points forts : sa pertinence dans les analyses des situations politiques (en ce sens, il est au même niveau
que Nicolas Sarkozy), notamment sa compréhension de la logique présidentielle, son thème dominant portant
sur l’endettement de l’État (c’était avant la crise grecque mais après la campagne de François Bayrou de 2007 qui portait sur cet enjeu majeur), sa capacité, justement, à court-circuiter les centristes tout en rassemblant la gauche, enfin, un intelligence politique percutante mais méconnue, ce qui fait que ses adversaires ont toujours eu tendance à le
sous-estimer.
Bien sûr, j’y avais relevé également quelques obstacles, comme son inexpérience ministérielle (son vrai talon
d’Achille surtout dans une période qui nécessite une très bonne connaissance des relations internationales), l’absence de courant spécifiquement hollandiste et un look peu présidentiable.
L’inexpérience, il ne pourra pas s’en défaire et même s’il cherche à la compenser par la devanture d’un homme
neuf, il ne sera pas beaucoup crédible sur ce terrain-là après un quart de siècle de vie politique nationale. En revanche,ses autres handicaps ont été vite résolus. Son absence de courant est
finalement devenu un atout après l’éviction de Dominique Strauss-Kahn et son look a été minutieusement modifié durant l’été 2010 par un régime alimentaire draconien et par des conseils en
communication très efficace.
Des internautes souvent incrédules…
Il revient de loin, François Hollande, à tel point que le fait même d’évoquer sa candidature rendait certains
internautes très surpris. J’ai pioché quelques interventions au hasard, juste pour illustrer cette incrédulité quasi-générale (en corrigeant les fautes).
Le 12 janvier 2010, la plupart n’y croyaient pas : « Je ne prends même pas le temps de lire l’article. Rien qu’à sa gueule,
l’affaire est pliée », tellement sûrs de la "finitude" du personnage : « Hollande fait partie de la catégorie des politiques qui
remarquent qu’ils sont finis bien après que c’est devenu une évidence pour tout le monde. ».
Certains avaient quand même une bonne idée de son potentiel : « Politiquement parlant, tous bords confondus, c’est un des analystes les plus intelligents qui existent et il faut se méfier de son allure de "nounours", il
n’est pas si gentil que cela… », ce qui n’a pas empêché un certain "Morice", toujours très "perspicace" dans ses prévisions, de dire avec son talent : « Euh, on va en rester aux seules faiblesses, hein… aucune chance, faut être clair ! ».
Plus récemment, le 25 novembre 2010, confondant l’opinion de l’auteur avec ce qu’il décrit :
« Merci à l’auteur qui m’a vraiment bien fait rigoler. Mais rassurez-moi… c’est du premier degré, non ? » ou encore, un autre qui
concluait après une petite démonstration : « Et à mes yeux, Hollande a le charisme d’une huître. ».
Sur le mode très répandu de l’interpellation : « Non mais
l’auteur… c’est tout ce que vous avez trouvé pour 2012 ? François Hollande… une vraie tête de vainqueur, ouais ! ».
Un autre jugeait de manière définitive : « Hollande n’a,
d’aucune façon, la stature d’un Président de la République. (…) Outre son absence de charisme, il n’a aucune vocation à rassembler les socialistes ni les gens de gauche sur sa candidature. (…) Et
qu’il ne vienne pas rajouter à la division en se présentant ; il n’aurait, de toutes façons, pas la moindre chance d’être élu. », pendant qu’on se souciait du manque de sérieux de
l’hypothèse : « François Hollande ? Et il intéresse qui, lui, parmi la population ? Soyons sérieux… ».
Balladurisation… ou ségolénisation ?
Ce sont peut-être les mêmes qui ont glissé dans un bureau de vote socialiste le bulletin de Hollande, sous
prétexte qu’il serait le plus apte à faire gagner la gauche au printemps 2012.
C’est toujours amusant, cette course dans les sondages. Une sondocratie qui réduit le débat politique à un
match de catch sans vraiment étudier la solidité des projets politiques. Ce n’est pas nouveau et c’est la tare de la personnalisation à outrance du pouvoir engendrée par l’élection présidentielle au suffrage universel direct.
C’est peu de dire que les sondages influent sur les intentions de vote des gens. Pourtant, on oublie sans
doute un peu trop vite que l’unité de temps est essentielle. Il ne faut être au sommet de la popularité qu’au bon moment. C’est-à-dire, quelques semaines avant l’élection présidentielle. Trop
tôt, il y a risque de surchauffe et d’essoufflement.
Le grand emballement médiatique en faveur d’Édouard Balladur ne lui a finalement pas été très efficace, ni ce monopole des couvertures de journaux au profit de Ségolène Royal douze années après. La mode change tellement
vite et les médias sont tellement rapides pour enterrer ceux qu’ils avaient porté au pinacle que cette civilisation du zapping range gentiment dans les cimetières de la République une myriade de
personnages providentiels (depuis quatre ans, déjà deux dans la corbeille : Bertrand Delanoë et
Dominique Strauss-Kahn).
Lumière rasante
Ségolène Royal, pour
expliquer à la télévision son soutien à son ancien compagnon pour ce second tour de primaire socialistes, essayait de faire observer que son ancien couple avait pas mal réussi : quatre beaux
enfants …et deux candidats à l’élection présidentielle !
Il y a en effet risque que la forme l’emporte sur le fond. François Hollande, tout en posture et en
pirouettes, ne s’est jamais écarté du flou de ses intentions pour la bonne raison que pour rassembler, il pense qu’il ne faut pas trancher. En pleine crise internationale, ne pas trancher risque
d’être très discriminant. Pour la France.
Le bras droit de Laurent
Fabius, Guillaume Bachelay, l’artisan du programme socialiste, s’était fait connaître en juin 2009 avec le prix de l’humour politique : « La
présidentielle, Hollande y pense en nous rasant ».
Eh bien, pour les sept prochains mois, nul doute que les bataillons de Fabius, Strauss-Kahn et Aubry vont se
réjouir et devoir s’y faire : François Hollande a été choisi comme leur champion, en digne héritier de Oui-Oui.
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (16 octobre 2011 à
21h10)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Le premier tour de la
primaire.
Le dernier
débat de la primaire.
Guide de choix Hollande/Aubry.
La logique présidentielle.
François Hollande.
Martine Aubry.
La candidature de Hollande évoquée dès le 12
janvier 2010.
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/hollande-vainqueur-de-france-bis-102507