Concert jeudi 21 février au Théâtre des Champs-Elysées (TCE). Au programme : l'Orchestre Philharmonique de Vienne dirigé par le cef invité Valery Gergiev interprète l'Ouverture de la Force du Destin de Verdi, les Préludes, poème symphonique pour orchestre de Liszt, la 5ème symphonie en mi mineur opus 64 de Tchaikovski.
Une ambiance particulièrement électrique règne que TCE. Tout d'abord, fait inhabituel, la salle n'ouvre que très tardivement si bien qu'une foule impressionnante se trouve amassée devant le Théâtre vingt minutes avant le début du concert. Ce dernier fait salle comble. Rien d'étonnant quand un orchestre aussi mythique passe à Paris.
Valery Gergiev dirige régulièrement la prestigieuse phalange viennoise et on sent très nettement une belle complicité avec les musiciens de l'orchestre.
Dès la Force du Destin, le chef russe imprime une tension phénoménale. On ne pourrait imaginer une telle version dans le cadre de l'interprétation complète du fameux opéra de Verdi, tant l'orchestre doit être déjà épuisé à la fin de l'ouverture. Les trompettes sont tonitruantes, les attaques d'archets particulièrement musclées et la masse orchestrale vous envahit comme une déferlante. Valery Gergiev embarque l'orchestre dans des accélarations fulgurantes. Le Philharmonique de Vienne révèle pleinement son empreinte sonore : timbres charnus, sonorités mates et denses. Vraiment fascinant.Sur Les Préludes de Lizt, le chef joue toujours sur de forts contrastes mais dessine les motifs avec bien plus de fondu. Ce poème symphonique, dont le thème principal est célèbre, illustre bien le penchant du compositeur hongrois pour des harmonies complexes, les textures sonores denses, dont le romantisme exacerbé est à la limite du kitsch.
Après l'entracte, Valery Gergiev attaque la mythique 5ème symphonie de Tchaikovski.
Je ne peux m'empêcher de rappeler Mravinski qui, grâce à la rigueur métronomique exceptionnelle qu'il imprime, a donné, avec une version historique, une unité singulière à cette symphonie, en revenant également à une grand classicisme. Cela vous marque à tout jamais, si bien que, malgré la très haute tenue du concert de jeudi soir avec le Philharmonique de Vienne, on ne retrouve pas les mêmes sensations. A vouloir un peu trop décortiquer chaque mouvement, Valery Gergiev semble s'être laissé emprisonné dans cet immense kaleidoscope que peut constituer cette symphonie. Ce chef d'oeuvre est d'une complexité effarante. Même si le fameux thème martial et presque funèbre revient sans cesse sur chaque mouvement, Tchaikovski alterne des motifs très différents, avec des changements rythmiques fulgurants.
La version de Gergiev impose sa beauté sonore, les moments les plus fascinants sont les envolées les plus slaves, d'un lyrisme éclatant, servi par une perfection technique et la plasticité exemplaire du Philharmonique de Vienne. Le mouvement le plus réussi est indéniablement le Finale. Par rapport à la 6ème de Tchaikovski dirigée par Ozawa à Pleyel il y a quelques semaines (cf. note du poisson rêveur) guidée par une vision où la tendresse et la fluidité l'emportaient sur la noirceur, le chef russe entre bien mieux dans le tourment, un pathos certain mais sans mièvrerie. Au contraire, il nous révèle presque une forme de folie meurtrière. Le chef a donc parfaitement révélé la fébrilité permanente de cette symphonie et sa structure quasiment en spirale qui fait que jamais, chaque mouvement, ne semble vouloir se résoudre.
Après des applaudissements très nourris et mérités, le chef interprète deux bis : deux valses de Josef Strauss : la fameuse Libellule et Ohne Sorgen. Le Philharmonique de Vienne s'auto-dirigeait, Valery Gergiev faisait semblant de suivre...