Cette invasion du génome des mammifères alors encore thériens, aurait transformé et l'utérus et la production des ovocytes, bref tout un réseau de nouveaux gènes de régulation dédié à la grossesse, selon ces chercheurs de l'Université de Yale. Cette durée de la grossesse qui permet au fœtus de se développer à un stade très avancé à l'abri de l'utérus de sa mère et qui a permis à l'espèce humaine d'être plus mature serait donc liée à ces parasites génomiques.
L'étude décrit en détail les changements moléculaires qui ont permis aux mammifères de conserver leurs petits à l'abri plutôt que de les couver dans un nid ou de les transporter dans une enveloppe externe. «Au cours de ces deux dernières décennies, nous avons avancé de manière spectaculaire dans la compréhension de l'évolution de l'espèce », explique le Pr. Gunter Wagner, professeur d'écologie et de biologie évolutive et auteur principal de la recherche. «Nous pensions que cette évolution était liée à de petites mutations dans notre ADN accumulées au fil du temps, mais cette recherche met en évidence d'énormes modifications sur de vastes zones du génome avec pour conséquences, d'importantes modifications morphologiques ».
L'équipe de Yale a examiné des cellules de l'utérus prélevée à partir de tissu endométrial prélevé sur plusieurs espèces. En comparant la composition génétique de ces cellules chez les opossums (petits marsupiaux carnivores) qui donnent naissance 2 semaines après la conception, chez les tatous (petits mammifères insectivores d'Amérique tropicale) et chez les humains, les scientifiques ont pu identifier 1.532 gènes exprimés seulement dans l'utérus des mammifères placentaires.
Les transposons, ces parasites: Or, l'expression de ces gènes aurait été régulée par des séquences d'ADN spécifiques, les transposons, qui se sont développées à l'intérieur du génome et qu'on appelle ADN « poubelle » (junk DNA). Ces transposons, nommés ici MER20, se sont multipliés, ont envahi le corps et finalement se sont installés tels des parasites dans le génome, en activant ou réprimant certains gènes liés à la grossesse, explique Vincent J. Lynch, chercheur et co-auteur de l'étude. Une partie des gènes les plus fortement exprimés chez les mammifères placentaires – dont le gène PRL, qui code pour la prolactine- semble ainsi être réglementée par ces transposons MER20. MER20, serait à l'origine de tout un réseau de nouveaux gènes de régulation dédié à la grossesse chez les mammifères placentaires. Ces transposons ne sont pas comme des gènes qui auraient entrainé de petites modifications sur de longues périodes de temps mais plutôt des parasites qui se sont installés dans un génome hôte pour y exercer des fonctions tout à fait nouvelles, comme, par exemple, un mode de communication materno-fœtal optimisé.
"Nous concluons que l'élément transposable, MER20, a contribué à l'origine d'un réseau de nouveaux gènes de régulation dédiée à la grossesse chez les mammifères placentaires" écrivent les auteurs qui révèlent, avec cette recherche, un secret millénaire de la grossesse placentaire mais aussi de nouvelles données sur le rôle que ces transposons peuvent jouer dans les processus évolutifs à l'échelle de vastes changements morphologiques.
Source: Nature Genetics doi:10.1038/ng.917 online25 September 2011 « Transposon-mediated rewiring of gene regulatory networks contributed to the evolution of pregnancy in mammals”- (Visuel Nature“Evolution de l'ensemble des ARNm présents dans les cellules stromales de l'endomètre chez les mammifères theriens proches, vignette NIH « Gene regulatory RNAs »)-