[Critique] L’HIVER DERNIER de John Shank

[AVANT-PREMIERE]
John Shank est originaire du Midwest américain, ce qui explique peut-être cet attachement à la terre dont il est question tout du long de son premier film L’Hiver dernier. Filmer la ruralité, la mort progressive du monde paysan, le rapport à la terre, l’amour de la nature, des bêtes, du travail éreintant de l’agriculture : voilà le sujet de ce film, qui suit Johann (Vincent Rottiers, toujours aussi animal et magnétique), fermier, prisonnier de l’exploitation paternelle, amoureux fou de ces paysages et de cette liberté qu’offre un décor naturel et grandiose. On comprend bien ce que veut signifier Shank derrière sa contemplation figée d’une non action érigée en essence du film : se positionner comme défenseur d’un monde qui se fait bouffer par un deuxième, invisible, capitaliste, urbain. Cette toile de fond, pourtant intéressante, est sacrifiée. Posée en filigrane d’une intrigue qui fait du surplace (il n’y a tout simplement pas d’histoire), le fond est là, mais n’est pas du tout fouillé, critiqué, exposé, traité. Il y a l’idée, sur un timbre poste, cannibalisée par la picturalité extrême donnée à chaque image.
Dans L’Hiver dernier, chacun des plans est un tableau. Ciels noirs et menaçants sur des terres sublimes, horizons aux mille couleurs, vent qui souffle sur les blés, couchers de soleil du nord Aveyron et troupeau de vaches dans les prés : Shank filme la nature, le silence. C’est beau, certes. Mais terriblement ennuyeux. Mutique, froid, piégé dans le concept. Dans l’ensemble, il n’a rien à dire. Il y a l’intention et la forme, mais le scénario- dans un immobilisme aussi fatiguant qu’agaçant- ne suit pas. "Le cinéma est avant tout un art visuel", dira le cinéaste à l’issue de la projection. C’est défendable. Et discutable, aussi.

Sortie Cinéma : février 2012.