Magazine Cinéma
[AVANT-PREMIERE]
Voilà bien dix ans (depuis Mademoiselle) que le cru Lioret se révèle à chaque fois formidablement sobre, et joliment intelligent. Parce qu’il se met à la hauteur d’hommes et de femmes du quotidien, évoque des problématiques sociales et/ou politiques, Lioret a toujours touché au cœur, sans oublier de faire du cinéma. Ses trois derniers longs métrages (L’Equipier, Je vais bien ne t’en fais pas et Welcome) en témoignent : Lioret fait du cinéma anti élitiste, humain, à la simplicité séduisante. C’est donc d’autant plus déçu que l’on quitte la salle de Toutes nos envies. Les attentes étaient énormes, le faux pas- lui- impossible à nier. Librement inspiré du roman d’Emmanuel Carrère (D’autres vies que la mienne), Toutes nos envies parle de deux choses : le surendettement, gigantesque problème de société jamais abordé au cinéma, et, la maladie. Mêler le drame personnel aux maux contemporains, c’est la nouvelle marque de fabrique de Lioret, réalisateur qui se veut de plus en plus engagé (cf. Welcome qui a remis sur la scène politique le problème des sans-papiers). Il y a donc Claire, une jeune juge lyonnaise : son combat pour aider la mère d’une copine de classe de sa fille, sa rencontre avec Stéphane (Vincent Lindon), juge d’expérience qui accepte de l’aider, et cette terrible nouvelle qu’elle décide de cacher à son entourage : une tumeur au cerveau, inopérable, vorace, fatale.
Rapidement, nous ne sommes plus face à un thriller judiciaire façon Erin Brockovich, mais face au drame humain- pompé tout droit chez Ma vie sans moi de Coixet, dont on retrouve la majorité des enjeux. Qu’est ce qui cloche alors ? Une Marie Gillain franchement lisse, en premier lieu, erreur de casting regrettable surtout lorsque l’on sait à quel point Lioret (avec Sandrine Bonnaire ou Mélanie Laurent par exemple) tire le meilleur de ses actrices. Une superficialité grandissante, en second lieu, avec des personnages-symboles, canonisés, peu fouillés à l’image de Céline l’endettée, réduite à une figure de substitution, et un sourire un peu niais. Au final, si Toutes nos envies demeure un film correct, bien mené, à la justesse notable, il lui manque cette force mystérieuse qui hissait les précédentes œuvres du cinéaste, bien au-dessus de la masse de films fadasses. Ici, de maladresses (la séquence du rugby) en bons sentiments, Lioret loupe l’essentiel (parler du cancer notamment) et signe un long métrage mineur, qui se contente de survoler ses sujets, comme distrait, ailleurs.
Sortie Cinéma : 9 novembre 2011