[Critique] TAKE SHELTER de Jeff Nichols

Publié le 16 octobre 2011 par Celine_diane
[AVANT-PREMIERE]
Take Shelter
est à Jeff Nichols (deuxième film après Shotgun Stories) ce que Bug était à Friedkin: une œuvre-métaphore, dont l’incursion dans un genre (ici, le thriller apocalyptique) sert de catalyseur à une étude plus approfondie de thématiques complexes. Friedkin, derrière des protagonistes obsessionnels et rongés par la paranoïa, nous parlait d’amour. Nichols, dans Take Shelter, avec ce père angoissé (Michael Shannon, au sommet), obsédé par la construction d’un abri de jardin, nous parle de peur. Cette peur, le cinéaste ne la lâche pas, se jouant des codes au cœur du drame. A travers la figure paternelle tout particulièrement, tourmentée par d’affreux cauchemars où tornades et oppresseurs lui arrachent sa femme (Jessica Chastain de Tree of Life) et sa petite fille sourde (Tova Stewart). Des visions d’horreur qui installent peu à peu le malaise, un étau qui se resserre sur un esprit que l’on redoute malade (la mère du personnage souffre de schizophrénie). L’intelligence du film est de bâtir toute sa parabole sur la famille américaine autour de plusieurs pistes narratives, laissant ainsi la place au visuel d’un côté (photographie sublime avec des paysages mélancoliques, tableaux noirâtres de fin du monde), à la réflexion et au doute de l’autre (quelle est donc la nature de cette agitation qui imprègne peu à peu les protagonistes et la pellicule ?).
Take Shelter, qui signifie littéralement se mettre à l’abri, parle surtout de craintes démesurées : perdre sa famille, ne pas être capable de protéger les siens, être hanté par le spectre de ses parents, aculé par l’angoisse de perdre son boulot, par la crise économique, par les rumeurs d’imminente apocalypse. Cette Terre et cette société malades, Nichols les magnifie au travers de plans-tableaux, dopés par le mystère grandissant des origines des troubles du père. Est-il fou? Visionnaire ? Comme dans Bug, l’issue est tragique, d’une poésie effroyable macabre, délicieusement résignée. Et offre une conclusion dantesque, et sublime, à un film énigmatique, à l’imagerie puissante.

Grand Prix Festival de Deauville
Sortie Cinéma: 4 janvier 2012