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foi

Publié le 16 octobre 2011 par Hoplite

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« (…) Dans le passé, que ce soit en régime païen ou chrétien, la religion a toujours été un mode de structuration de la société globale. Aujourd’hui, elle ne structure plus rien. Les sociétés structurées par la religion ont en outre toujours été des sociétés de tradition. L’autorité dont se prévaut l’Eglise, par exemple, est à la fois toujours antérieure au moment présent et indépendante de la volonté humaine. Or, la société moderne a évacué la tradition. Certes, la notion de « société chrétienne » a souvent été idéalisée, car il n’y a jamais eu de société unanime. Certains historiens pensent même que l’Europe n’a vraiment été « évangélisée » en profondeur qu’aux XVIIIe et au XIXe siècles. Il n’en est pas moins vrai que l’Eglise est restée durant des siècles l’institution qui, partout en Europe, donnait le ton dans le triple registre des croyances, des valeurs et des comportements. Cette époque est passée. Cantonnée à l’espace privé ou aux manifestations publiques d’une association parmi d’autres, l’Eglise n’est plus, depuis longtemps, la clé de voûte de la société globale. C’est ce que reconnaît René Rémond, dans un ouvrage où il s’interroge en tant que croyant sur le déclin de la foi : « L’Eglise doit compter avec cette réalité : elle n’est plus en mesure d’imposer ses vues à la collectivité ».

A partir du XIXe siècle, la laïcité a constitué le principe (d’origine libérale) qui a légitimité la séparation des Eglises et de l’Etat. La distinction classique du spirituel et du temporel est alors redéfinie dans une optique nouvelle : les Eglises sont exclues en tant que telles de la sphère publique, pour voir leur champ d’action cantonné à la société civile. L’Etat, il faut le souligner, n’est pas en principe hostile à la religion, mais seulement aux prétentions terrestres de l’Eglise. Il ne cherche pas non plus à se substituer à l’Eglise, en décidant à sa place des valeurs et des normes qui doivent régir la société : bien au contraire, il estime que la puissance publique doit rester « neutre » en ce domaine, c’est-à-dire qu’elle n’a pas à proposer un modèle particulier de « vie bonne » (Aristote), un modèle particulier de bien, mais plutôt à respecter ou à garantir le pluralisme des convictions et des valeurs dont la société civile est le lieu. Le paradoxe est que l’Eglise doit alors se créer une place en tant qu’institution dans une société civile définie, par opposition justement à la sphère institutionnelle, comme la sphère de l’intimité individuelle et des intérêts privés. L’Eglise retrouve donc une légitimité en tant qu’institution privée, mais à la condition de ne plus se mêler de politique en voulant normer la conduite des affaires publiques. Dans ce cadre, l’affiliation religieuse ne peut plus engager que les fidèles eux-mêmes. Ceux-ci ont bien entendu le droit de vivre leur foi, mais perdent celui de l’imposer aux autres. La conséquence capitale est que la croyance devient ainsi une opinion parmi d’autres – une opinion aussi légitime que les autres, mais qui ne saurait être considérée comme intrinsèquement meilleure ou supérieure. L’avènement de la modernité, comme l’écrit Marcel Gauchet, a ainsi fait passer la foi « du statut de référence englobante de la communauté à celui d’option particulière du citoyen »3. Les Eglises ne sont plus qu’une composante parmi d’autres d’une société civile qui s’organise sur la base de l’adhésion volontaire de ses membres. »

Alain de Benoist.


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