Mercredi 5 octobre 2011, la presse annonçait la mort de Steve Jobs, cofondateur de la marque Apple à l'âge de 56 ans. Je ne vais pas relater l'histoire de sa vie, son sens du marketing, ses concepts novateurs, son sens du design, mais sur la manière dont la presse l'ont définis comme un dieu, un gourou, un créateur divin de l'informatique. D'ici à ce qu'ils en fassent un saint, il n'y a qu'un pas ! Sans remettre en cause ses idées novatrices au point de créer un état affectif intense et irraisonné qui domine les journalistes et les fans prouve que Steve Jobs, représentatif d'un pays religieux, a su captiver les besoins des consommateurs et le malaise de nos sociétés en quête de sens.
Il est surprenant de constater à quel point les journalistes se sont donné le mot pour attribuer à Steve Jobs de tous les superlatifs à connotations religieuses et il est difficile de ne pas échapper à un article qui ne parle pas du nouveau messie moderne, de ses boutiques ressemblant à un temple dédié au culte de la technologie et de ses produits au design d'un blanc immaculé. Je vous invite à lire un excellent article publié le 06/10/2011 dans la revue Le Monde des Religions intitulé « Steve Jobs, la mort d'un dieu moderne » par Matthieu Mégevand. Le dernier paragraphe suggère qu'il a su redéfinir l'objet technologique comme une nouvelle religion de l'hyperconsommation dont le salut du consommateur est devenu incertain depuis l'annonce de sa mort et que nous sommes condamnés à errer dans les limbes de la technologie.
Toutefois, si l'emploi du terme « salut » est traité sur un mode ironique, le désir du consommateur n'est pas motivé par l'achat de ses produits dans le but de trouver une réponse sur le « le sens de sa vie », « y a- t-il une vie après la mort ? » mais plutôt sur la recherche d'une quête de sens.
Depuis plusieurs générations, nous traversons une crise existentielle, idéologique et religieuse. Les institutions religieuses en crise ont laissé la place aux nouvelles sectes, la disparition des valeurs traditionnelles du travail, la mondialisation, la crise de la dette nous plonge dans un monde sans repère.
En réponse de toutes ces crises multiples, le consommateur est devenu plus religieux et spirituel à la recherche de nouveaux liens sociaux et de mode de communication et les publicitaires n'ont pas attendu Steve Jobs pour s'engouffrer dans cette voie afin de nous offrir des produits chargés de sens, porteur de signes religieux. Les formules de pèlerinage, de randonnés à valeurs spirituelles, les films et les romans à succès (Da Vinci Code), les logos, les spots télévisés utilisent des codes religieux nous promettent un monde meilleur, un sentiment religieux du plaisir et du bien-être.
Il n'est pas surprenant que Steve Jobs avec son intelligence de marketing et du design a su captiver les besoins du consommateur en reprenant ce concept publicitaire mais à la différence des autres, il a su très bien le faire. La mise en scène de ses conférences, ses keynotes, le design de ses produits présenté comme des reliques, le logo de la pomme sujet à beaucoup d'interprétations contribuent à lui attribuer un charisme chargé d'une mission publicitaire divine pour révéler un nouveau monde idéal au consommateur. A ce propos, lors d'une conférence à Business Week, en 1998 il prononça cette phrase « Les gens ne savent pas ce qu'ils veulent jusqu'à ce que vous le leur montriez ».
Enfin, il faut aussi remarquer que Steve Jobs est un américain et il est inutile de rappeler que la religion représente un marqueur identitaire social, culturel et politique, il est aussi représentatif d'un pays qui a tendance à s'ériger comme un modèle à suivre, l'American way of life, porteur d'une mission messianique.«Est-ce que vous voulez passer le reste de votre vie à vendre de l'eau sucrée ou voulez-vous avoir une chance de changer le monde ?» Steve Jobs à John Sculley.
Après tout, nous vivons tous à l’ère des icônes informatiques.