Rien n'aura décidément été épargné aux primaires, dans cette semaine d'entre-deux-tours où chaque journée, voire demi-journée, apporte son lot de rebondissements. Après le feuilleton des ralliements successifs à François Hollande, après la campagne en dénigrement de Martine Aubry contre la prétendue " gauche molle ", après le psychodrame autour du " système " et de son appartenance - ou non - au lexique du Front National, nous avons, pour finir, droit à la charge-kamikaze des supplétifs Europe Écologie, tuniques bleues (enfin, vertes) au secours de la première secrétaire socialiste en détresse.
Donc, apprend-on sur Facebook, dans Marianne ou encore dans Politis, une division verte, sorte de Brigades internationales de l'aubrysme regroupant personnalités plus ou moins connues (Bové, Lipietz, Baupin, Voynet) et élus de terrain, a vaillamment décidé de venir gonfler le tas de bulletins " MA " dans les urnes dimanche. Les seconds se sont fendus d'un manifeste : " Nous sommes des militant-e-s et élu-e-s écologistes et à ce titre,bien sûr, nous soutenons sans ambiguïté la candidature d'Eva Joly et voterons pour elle au premier tour de l'élection présidentielle de 2012 ". Mais : " Or, parce qu'elle a été nettement la plus claire sur des sujets qui sont, pour nous écologistes, cruciaux [...] nous irons dimanche 16 octobre voter pour Martine Aubry et invitons les écologistes à faire de même ".
Passons sur cette première rupture du contrat moral des primaires, consistant à y prendre part sans s'engager à soutenir leur vainqueur au premier tour des présidentielles. La chose pourrait être faite en douce, elle est ici crânement assumée. Admettons.
Plus problématique est la manière de procéder, et de se présenter. On ne parle pas ici d'un vote personnel, en tant que citoyen, dans le secret de l'isoloir, mais bien d'un geste politique fait publiquement sous l'étiquette d'Europe Écologie, d'une part, et engageant tout une famille politique à en faire de même, d'autre part, puisqu'il en est appelé aux " écologistes ". Plus encore, l'action prend la forme du chantage à l'union ultérieure : " C'est à notre sens, la clé d'un accord programmatique solide et de qualité entre EELV et le PS ".
A la lecture de cette très étonnante missive, une question m'est immédiatement venue à l'esprit, la même que je posais à notre camarade Mélenchon il y a quelques semaines. Si les primaires socialistes et radicales sont si importantes, si les uns et les autres ressentent le besoin d'y peser en tant que parti, pourquoi ne pas avoir accepté de les co-organiser, pour bâtir dès le premier tour une candidature unitaire de toute la gauche, rejetant toute la pression et le danger de la division sur la droite ?
On est, encore et toujours, dans ce que j'appelai alors " les primaires fromage et dessert " : d'abord je pèse sur leur résultat, puis je me soustraie à leur logique de rassemblement pour faire mon petit tour de piste en mai prochain, avant de rejoindre in fine un gouvernement d'union si la gauche se retrouve au pouvoir.
A partir de là, trois interrogations.
Amis écologistes qui vous prononcez publiquement pour Martine, que ferez-vous si François est désigné dimanche ?
Amis écologistes, qu'auriez-vous dit si des fractions du PS s'étaient livrées au même exercice lors de vos propres primaires, volant par exemple au secours de Nicolas Hulot ? N'auriez-vous pas crié à l'insupportable ingérence d'un parti hégémonique ?
Amis socialistes, radicaux, et citoyens de toutes tendances qui êtes venus voter dimanche 9 et qui reviendrez - je l'espère - dimanche 16, vous laisserez-vous déposséder de votre vote par des manœuvres d'appareil bien étonnantes, de la part de qui prétend incarner la nouvelle politique ?
Ces interrogations n'appellent en fait qu'une réponse : une participation massive, demain, dans tous les bureaux de votes.
Romain Pigenel