Dans un avant propos bienvenu, Eric Holder clame son amour de la littérature érotique : « Ces livres là sont si pleins de sève qu’ils durent. […] Cette partie de la littérature la plus charnue, la plus charmante, je regrettais de ne pouvoir lui rendre hommage. J’éprouvais une sorte de dette envers elle, qui m’a bercé, nourri, et une sorte de lâcheté à ne pouvoir l’honorer. » Qu’il soit rassuré, l’hommage rendu ici à cette littérature efface avec brio toutes les dettes passées. Si pour beaucoup (dont je l’avoue, je fais partie) la littérature érotique rime trop souvent avec médiocrité, Embrasez-moi est l’exception qui confirme la règle. Ici, le lexique est d’une incroyable richesse, la vulgarité n’est jamais de mise, le manque d’imagination n’a pas lieu d’être. L’écriture est belle, charnelle. On sent derrière chaque mot, chaque phrase, le plaisir pris par l’écrivain. On décèle la gourmandise avec laquelle il s’est lancé dans la rédaction de chaque texte. Juste un détail amusant : parmi ces sept nouvelles érotiques, la plus longue est la moins bonne (comme quoi, ce n’est pas la taille qui compte…).
Le titre ne trompera personne. Il ne s’agit pas ici d’embrassade mais bien d’embrasement. Celui des sens et du désir. Il se dégage de ce recueil un évident goût de bonheur. Rien de glauque ou de malsain. Du vrai travail d’écrivain, superbe, ciselé. Si comme moi vous avez besoin de vous réconcilier avec la littérature érotique, plongez donc sans scrupules dans ce tourbillon franchement émoustillant, vous ne serez pas déçus.
Embrasez-moi, d’Eric Holder, Éditions Le Dilettante, 2011. 220 pages. 17,00 euros.
Extraits :
« Car Charles aurait voulu s’emparer de tout : les épaules de porteuse d’eau ; l’orbe parfait des seins lourds, aux larges aréoles grenues, rose bonbon ; le ventre légèrement proéminent sous lequel un lopin de poils noirs n’avaient pas tout à fait fini de repousser ; les cuisses dont des ombres sculptaient les massif quadriceps. »
« Elle sent qu’elle est au bord de se désagréger. Cela monte du ventre, sous la friction incessante, se répand sur les cotés, jusqu’au bout des doigts envahis de picotements. Elle aimerait pouvoir se retenir, comme d’une envie de pisser. Au milieu de tous ses sentiments, la honte de s’abandonner reste le plus vaillant, réfugiée dans la dernière tour, une épée à la main, prête à défendre chèrement son existence. »