Ça m'a fissuré la patate d'un seul coup.
Je suis descendu de l'avion et au bout de l'interminable corridor j'ai débouché dans la salle des douanes. Il s'était mis à pleuvoir dehors et l'odeur de la pluie parvenait à traverser les ambitions hyper aseptisantes du lieu. J'ai humé un bon coup en descendant l'escalier vers le triage. C'était comme un grand verre de Talisker. Enivré, j'ai failli débouler les marches et entraîner dans ma chute les nombreux unifoliés qui désormais parent ce lieu drabe de leurs atours. J'ai posé la paume sur la rambarde pour retrouver mon équilibre. C'était l'haleine d'un amour oublié. C'était la vision chatoyante d'une habitude perdue. J'avais sous le nez le parfum inimitable de l'eau du Saint-Laurent. Mon voisin de siège depuis Francfort m'a vu vaciller et s'est enquis :
— Vous vas alles OK, gut, ja ?
— Ja, Helmut. Hier ist mein vaterland.© Éric McComber