Dans les moments de vérité, il faut savoir aller à l’essentiel, sans se perdre dans l’accessoire.
Le Parti socialiste a décidé, conjointement avec le PRG, d’organiser des primaires ouvertes pour associer le maximum de Français au choix de son candidat, et enclencher une dynamique politique dans la société. Ces deux objectifs ont été pleinement atteints une première fois dimanche dernier : la participation du premier tour a dépassé toutes les prévisions ; quant à la dynamique, elle se vérifie, par-delà le nombre de votants, à la place qu’ont pris les débats des primaires dans l’actualité, passionnant les Français au point d’éclipser le reste de l’actualité politique, et d’occasionner des audiences étonnantes pour les chaînes de télévision programmant les confrontations entre candidats.
C’est un premier acquis, capital, qu’il faut absolument préserver et même renforcer dimanche prochain. Le sort de l’élection « réelle », en mai, en dépend.
Les primaires ont bien entendu un autre but, plus évident : choisir un candidat parmi les six initialement en lice. Là encore, le premier tour a plutôt bien fonctionné, détachant nettement deux candidatures, et donnant un avantage de près de 10 points à l’une d’entre elles. A partir de là, les données du problème étaient claires : il incombait au candidat arrivé largement en tête de mettre en œuvre les conditions du rassemblement, pour réunifier les socialistes en vue de l’après-deuxième tour. François Hollande a tenu cette ligne dès son premier discours dimanche soir, et de leur côté, Manuel Valls, Jean-Michel Baylet, Ségolène Royal et Arnaud Montebourg ont successivement apporté leur contribution au rassemblement, dans la transparence des motivations et sans marchandage d’arrière-cuisine.
Martine Aubry a choisi une autre voie. Elle avait toute légitimité à maintenir sa candidature et jouer sa chance jusqu’au bout, vu son score : mais, peut-être mal conseillée, peut-être emportée par sa fougue, elle a soudainement durci sa campagne, montant en gamme dans la brutalité des attaques, de plus en plus personnelles, de moins en moins politiques, allant jusqu’à s’attirer les remontrances de la pourtant bien docile Haute Autorité des Primaires. Ce faisant, elle a mis en danger l’édifice des primaires, d’une part, mais elle s’est surtout, d’autre part, trompée d’élection.
Le second tour des primaires n’est pas le second tour de 2012. Il ne s’agit pas d’une lutte à mort entre deux familles politiques et deux visions opposées du destin de la France. Il s’agit du choix du meilleur des socialistes et radicaux de gauche pour animer notre famille politique et la mener à la bataille contre la droite, à partir d’un projet commun et adopté par tous les protagonistes avant l’été.
En voulant faire croire qu’il y a un schisme irréconciliable qui traverse la famille socialiste (entre « durs » ou « forts » et « mous »), en accusant son concurrent de maux rédhibitoires, en prenant, pour être clair, le risque d’handicaper gravement le – possible – futur candidat de la gauche, Martine Aubry a montré à la fois une étonnante méconnaissance des enjeux présents, et un manque de hauteur de vue décevant. Elle s’est trompée de combat et trompée de cible. Elle a mis en danger l’édifice des primaires qu’elle a pourtant contribué à construire.
Son comportement de ces derniers jours apporte finalement une réponse nette à la question des primaires : qui est le ou la meilleur(e) pour rassembler les socialistes, puis la gauche, puis les Français ? Les faits sont têtus : François Hollande a unifié 4 candidatures avec la sienne, Martine Aubry aucune. François Hollande a multiplié les gestes en direction de ceux qui l’ont rejoint, Martine Aubry a multiplié les petites phrases, les éléments de langage qui abiment, les coups de poignard qui laissent des cicatrices.
Dans les moments de vérité, aller à l’essentiel, sans se perdre dans l’accessoire. L’essentiel : construire une candidature forte qui soit la cerise sur le gâteau des primaires. Pour balayer l’accessoire dans lequel nous nous engluons tous ces derniers jours, je mettrai dimanche un bulletin François Hollande dans l’urne. Pour qu’il soit désigné avec la plus forte majorité possible, et pour voir la photo d’un homme de gauche dans toutes les mairies à l’été 2012.
Romain Pigenel