Tlemcen, 16 avril 2010
Aujourd’hui, j’ai mangé chez Michel à Bab el Hadid, une des portes importantes de l'ancienne médina de Tlemcen, un grand vestige gardé jalousement par les enfants de l’ancienne rue de Paris. C’est vendredi. Accueil chaleureux, l’endroit est d’une grande propreté et la terrasse du restaurant fort bien décoré à l’osier tressé qui crée une ambiance rustique. Il n’y avait pas de monde. Quelques couples de passage. Dehors, d’une pluie fine printanière d’où s’évapore un léger brouillard.
Dans l’ambiance chaude de ce lieu, en attendant d’être servi, je dévisageais cette fille derrière le comptoir qui me jeta, à son tour, un regard furtif et provocant. Après quelques instants, quittant son tabouret, elle vint vers moi. J’admirai sa silhouette potelée vêtue d’une robe bleue tachetée, généreusement échancrée ce qui raviva un instant mes fantasmes perdus. Elle me demanda si je prenais une boisson. Je commandai de l’eau minérale.
Assis à cette table, mal accommodé de ma solitude, naviguant entre rêveries et amertumes, je parcourais un bout de journal mais je n’y arrivais que difficilement à le lire : des images bizarres, curieuses et singulières, taquinaient mon esprit.
Pendant quelques instants, je devenais pensif. Et comme en temps de détresse, désemparé, je cherchais, dans le désordre de mes pensées, dans ce passé modeste, ce qui a vraiment changé pour moi (je remercie Dieu pour ce qu’il m’a donné).
J’ai erré tout au long de ma vie, en silence, à travers les expressions sombres et tristes de ces gens malheureux autour de moi, souffrant des morsures de l’injustice et de la cruauté du sort de ce monde ici bas, dans une attente qui, au fil des années, m’éprouve, m’épuise et me résiste.
Faut-il parler, en ce moment, de mes blessures et mes chagrins, de la douleur et de la peine? Je ne sais trop. Je pense à ces moments où les cœurs m’étaient fermés. Quelle misère !
J’ai fait des erreurs dans ma vie, beaucoup d’erreurs… des expériences regrettables mais souvent instructives aussi.
Parmi les escrocs, les fripouilles, les maudits, ces êtres effrayants, inhumains qui pullulent jusqu’à nos jours nos rues, qui avaleraient le monde, ces hypocrites, laids, méchants, immondes, rampants, que j’ai servi durant de longues années dans le dédain et le mépris, en silence, tel un esclave qui sert fidèlement ses maîtres espérant la clémence du Dieu de l’Univers…j’ai encaissé des vertes et des pas mûres, j’ai résisté mais je n’ai jamais pu me libérer des aléas de la misère menaçante et douloureuse dans laquelle je me démène depuis déjà très longtemps. Attendre, patienter, c’est ce qui me reste à faire. Je fus réveillé encore une fois par la charmante jeune fille du comptoir qui mit fin à mes tristes cogitations en me servant le repas commandé.
Le chemin de l’espoir est parfois si long qu’il nous arrive de le perdre dans les dédales incertains de la vie. A quarante ans, on est riche ou on n'est rien. Fatigué, quelque chose s’est cassée en moi.
La soif d’être aimé est grande…
Commentaires Lien Texte