De redoutables ballons gonflables
Des fois, on tombe sur des trucs de folie. Pour cette fois, là, je dois dire, j’ai été vérifier à plusieurs endroits tellement c’était gros. Cela m’a pris du temps, mais comme je n’y croyais pas, j’ai fouillé. Ce fut dur. Long. Pénible. Mais je confirme donc : les langues de belle-mère et les ballons seront bientôt régulés pour les moins de 14 ans.
Nous frôlâmes la catastrophe (avec deux accents circonflexes, c’est dire).
Quand on pense à tous les serpentins, tous les ballons, toutes les langues de belle-mère qui ont été utilisés, toutes ces années, et qui ont failli déclencher un drame dans les familles, quand on imagine le nombre de ballons qui furent gonflés par des bouches enfantines et innocentes de par le monde, et, conséquemment, le nombre d’enfants qui ont avalé une baudruche par mégarde et en sont mort, on frémit.
On frémit de se rendre compte qu’il aura fallu toutes ces longues années d’accidents domestiques abominables pour arriver à la nécessaire directive européenne qui fait actuellement débat et qui va, une bonne fois pour toutes, contrôler l’accès à ces dangereux joujoux des petits enfants de moins de 14 ans.
Oui. 14 ans, pas 14 mois.
Apparemment, c’est quelque part dans le fatras, ici. Et c’est discuté, sur un ton un tantinet surpris, dans ces quelques rares articles de presse, ici en anglais ou là en français.
… Certes, l’UE s’est fendu d’un communiqué pour expliquer que mais non mais non, il ne s’agit en fait pas d’interdire aux gamins de gonfler des ballons, mais simplement de rappeler aux parents leur responsabilité (mais oui) et d’encadrer un peu tout ces gonflements de ballons anarchiques.
Au passage, nous avons donc droit à un communiqué de presse officiel dont le titre est : "EU DOES NOT ban children from blowing up balloons". Oui. Officiellement, donc, l'UE s'occupe de petits ballons en latex. En pleine tempête financière.
Car, comprenez-vous bien, le torrent de régulations ultra-néo-libérales de l’Union Européenne ne doit pas se tarir ni même diminuer même lorsque le reste du monde traverse la pire crise financière et économique que l’humanité ait connue : la marche vers un progrès cadencé, proprement planifié et organisé de main de maître ne peut être interrompue pour de basses contingences. Et si cette marche inclut des règlements pointus sur les sifflets, les ballons et les cotillons, eh bien qu’il en soit ainsi !
Pas un instant il ne sera laissé la possibilité aux armées de bureaucrates et d’institutionnels polis de réfléchir deux ou trois minutes aux longues productions légales dont ils nous gratifient. Personne n’osera sans doute faire la remarque qu’avant ces nouvelles régulations, les enfants gonflaient des ballons, sifflaient dans des langues de belle-mère, et qu’objectivement, tout se passait bien dans une proportion probablement supérieure à 99.99% …
On pourrait croire que ce dérapage d’une technocratie complètement barrée est rarissime.
Il n’en est rien : l’agenda réel de tout état, de toute institution administrative étatique, est d’assurer son existence, son avenir et des rentes douillettes pour qui lui prête main forte. Dans cet agenda, manipuler, transformer et plier les esprits souples des enfants est placé haut tant il est vrai qu’une population de moutons un peu bêtes est bien plus facile à gérer qu’une foule d’individus autonomes.
À ce sujet, l’animal de ferme peut bien se réjouir de la gratuité de la nourriture qu’on lui donne à manger ; il n’en reste pas moins que lorsqu’on ne paye rien pour un service, c’est qu’on n’est pas le client, mais bien l’objet de convoitise, voire le produit qu’on va vendre plus tard. On ne s’étonnera donc pas de la gratuité de l’Education Nationale, par exemple.
Et dans cette optique, on comprend dès lors beaucoup mieux le soin apporté à conserver les enfants aussi loin que possible de toute évaluation personnelle du danger, évaluation et danger qui font naturellement prendre conscience de ses forces et de ses faiblesses, et aident à acquérir cette terrible autonomie turbo-libérale qui mènera ensuite la personne à se passer des services étatiques au moins ambigus si ce n’est carrément douteux. L’enfant, cocooné par l’état-maman jusqu’au point de non retour, évoluera gracieusement en mollasson chétif et manipulable, adulescent couinard infoutu de se sortir les pieds du sabot unique dans lequel on l’aura fourré pendant de nombreuses années, et qui votera bien proprement dans sa petite caisse quand on lui demandera de le faire.
En attendant, que ce soit l’Union Européenne ou chacun des états membres qui a compris où était son intérêt, l’enfant ressemble de plus en plus au petit bourgeon de citoyen choyé par le jardinier social-démocrate dans une grande serre hors-sol en environnement calibré et contrôlé.
Et comme toute plante de culture, il sera un jour étiqueté : pour le moment, on en parle doucement, mais soyez sûrs qu’une telle mesure verra le jour.
Décidément, tout cet ultra-néo-libéralisme, ça laisse pantois.
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