Avant de tourner le dos à l’espoir
et d’enfourcher les étriers du vertige,
j’entendais parler
des fraternité et solidarité
de femmes et d’ hommes,
prêts à offrir leurs dents
pour mordre le rouleau compresseur,
à Paris, Londres, Berlin.
Hawad
tifinagh
FARIS
L'assouf ' n ' Ténéré
(... ) je ne cherche pas à écrire forcément des chansons engagées. Ce sont surtout des messages de conscience individuelle, d'évaluer si ce qu'on fait correspond à nos propres valeurs de vie. C'est important que chacun prenne des décisions comme individu et qu'il se demande si ce qu'il fait est juste, ou si quelqu'un est en train d'essayer de le manipuler. C'est la compréhension des événements qui nous concernent directement ou indirectement, et la curiosité pour le monde, qui font l'homme libre.
Il y a aussi le message de la culture. Je parle de notre culture tamasheq, mais aussi de la capacité à lire des livres en français ou en anglais par exemple, les deux choses peuvent aller ensemble ! Et enfin, des messages pour la sauvegarde de notre patrimoine et de nos traditions, pour ne pas devenir des Touaregs de carte postale, qui parlent en arabe et ne sont plus capables de s'orienter dans leur désert. Il faut rompre avec cette image exotique et, si c'est nécessaire, qu'on réapprenne cette culture.
Propos recueillis par Sedryk
Intégralité de l'interview
POURQUOI ?
Rien ne peut m'enlever
La mauvaise humeur des prisons
L'écho du chagrin métallique
La déprime des menottes
L'énervement des chevilles sous verrous
Contraintes jour après jour
De danser la danse des petits sauts
Jour - après - jour - après - jour
De respirer
Les gaz soporifiques excréments
Des ordures que moi-même je produits sur place
Fourmi aveuglée sédentarisée aplatie
Plante-fantôme de l'Ahaggar
Ombre solitaire de moi-même
Tronc égorgé
Je pleure ma résine noire
Guépard vagabond qui tourne la tête sans cesse
A la recherche des Siens
Et me trouve traîné, déplacé
Tatouage accroché à une ville
Aux marges du monde
Puisque tu ne peux pas bouger
Pars
En commençant par ton regard
Augmente-le
Élargis-le
Avant
Ce regard pouvait même fixer le soleil
L'engloutir
Et roter des étoiles
Météorites de courage
Pour les familles
L'ultime colonisation
Est-ce celle de l'imaginaire
De l'œil désobéissant
Qui se refuse même de t'indiquer
La route de ta salvation
Oh Sahara
Montre-nous le jour de l'asphyxie
Le jour où nous avons accepté
Cette humanité-larve
Nous avons accepté ses lois comme les nôtres
Nous avons laissé entrer les trafiquants d'illusions
Dans les profondeurs de nos esprits
Le libre commerce des destructeurs
Aux mille langues
Nous avons cru que ce mirage artificiel
Urine de vache sucrée embouteillé
Pouvait mieux faire grandir nos enfants.
Pourquoi ?
Pourquoi cette acceptation totale
Nous avons vendu nos savoirs
Pour une poignée de riz
Et de sorgho pourri
Nous avons avalé des centaines de fois
Les larmes de notre dignité
A quelles conditions mes frères
Cette vie mérite-t-elle d'être vécue ?
A quelle point faut-il préférer tout risquer ?
Mes amis des îles et des montagnes,
Des bâtiments et des tentes,
Mes amis des maisons en paille
Mes amis noirs Amérindiens, Vietnamiens, Aborigènes
Sauvages du monde
On nous gouverne avec l'imaginaire
Avec le jeu de la culture
Par la destruction
De la distinction entre l'ami
Et le bourreau
Venu pour nous exécuter
Il y a longtemps de cela
On nous a enlevé les verrous
Mais peu d'entre nous ont pris la fuite
Les autres ont préféré
Devenir des épouvantails amnésiques
Marionnettes-robots
Mais ne nous dites pas
que vos hommes-machine fonctionnent bien
Faris
Tous droits réservés
Poésie chantée
Faris et Terakaft
Kaocen
ghai imidray imagighan
Oh infortunés !
Oh infortunés Touareg
Sortez de votre sommeil,
Libérez-vous de l'emprise du temps
La renaissance vous incombe !
Touareg ne dormez pas
Libérez-vous de l'emprise du temps
N'oubliez pas votre splendeur,
Celle que vous a légué votre mère,
La touarègue qui vous a enfanté,
Elle vous a légué sa langue
Le tamasheq
Pour que vous le parliez,
Elle vous a légué son alphabet
Les tifinagh
Pour que vous les lisiez
Pour que vous les écriviez.
Vos enfants, ceux de demain, ceux d'aujourd'hui
Éduquez-les !
Qu'ils se libèrent de l'emprise du temps
l'Aïr se meurt, asséché par l'ignorance.
Abdallah Oumbadougou
Intagrist El Ansari
INTAGRIST EL ANSARI
" DÉPASSER LES STÉRÉOTYPES ET DONNER À VOIR LE SAHARA DE L’INTÉRIEUR "
Mon intention est de mieux faire connaître le Sahara, à travers un regard de l’intérieur. Le Patrimoine Saharien est d’une richesse inestimable, inépuisable, mais il est menacé d’extinction. Quand le plus grand désert du monde n’est pas enfermé dans des clichés fantasmatiques, il est pris en otage par les enjeux de géopolitique internationale. J’essaye à travers mes collaborations (écrites et audiovisuelles) de dépasser les stéréotypes, le folklore, le fantasme et l’excès d’exotisme, pour donner à voir, à entendre, à sentir, pour accéder de façon authentique au Sahara, à travers une réflexion, et tel qu’il est réellement. C’est du Sahara vu par un Saharien qu’il est question dans ce que j’écris. Et quand je parle du Sahara, c’est naturellement, de ses Hommes et de son environnement qu’il s’agit.
Intégralité de l'interview
Musique touarègue : Perspectives et Évolutions
Les clichés génériques des " Seigneurs, Hommes bleus du désert " témoignent d'une méconnaissance de l'occident au sujet du Sahara, de ses cultures et de son histoire. Et le paradoxe, ou le paroxysme, est atteint quand certains Touaregs reprennent à leur compte ces clichés, en se conformant et en jouant le rôle ou l'image qu'on attend d'eux, ou plutôt l'image construite d'eux. Il serait opportun de dire ici : le Sahara ce n'est pas seulement le mythe réducteur et cliché des " Hommes bleus " passant d'une dune à une autre, c'est aussi (et surtout) une connaissance du monde, ce sont des cultures et une civilisation avec un héritage d'une richesse inestimable pour l'humanité, dont la musique véhiculée par les nouvelles générations n'est qu'une infime partie.
Laisse-les, chauve-souris,
laisse-les bêler le Touareg mort-vivant
qu'ils ont empaillé avec des macaronis,
des francs et des versets du Coran,
épouvantail touareg
planté dans le désert pour baliser
la course de Renault et Peugeot.
Hawad
Le coude grimçant de l'anarchie (extrait)