Jeudi 13 octobre, troisième jour du festival, était donc la première journée marathon à quatre films. Levé à 11h30 après avoir écrit jusqu’à plus de 3h du matin, je me suis finalement vite retrouvé devant le St-André des Arts, sandwich dans une main, ticket pour Come, Closer dans l’autre. Ma journée entière prendra place au FFCF, de 14h à minuit, lorsque je sortirai de la salle 2 et trouverai Yoo Dong Suk, le directeur du festival, attendant la fin d’une journée bien remplie.
Mais je m’avance. Dix heures plus tôt, j’entamais donc la journée avec Come, Closer, long-métrage de la section « Paysage ». Un premier long nous apprend Pierre Ricadat, un des programmateurs du festival, d’un cinéaste s’étant amplement fait la main sur le format court. Et cela se voit à l’écran, tant le film ressemble presque à un film à sketches. Le film traite en plusieurs panneaux des relations amoureuses. Un garçon qui quitte son compagnon pour une fille, une jeune femme qui harcèle son ex-petit ami, ou deux amis de sexes opposés qui dialoguent de leurs vies sentimentales.
L’une des premières scènes, où un garçon et une fille se font face dans une pièce, n’osant s’approcher l’un de l’autre alors que le désir réciproque est palpable, fait forte impression dans sa durée. Elle s’étire sur une vingtaine de minutes peut-être, au cours desquelles les deux personnages sont subtilement croqués, où l’on devine les hésitations, la curiosité, la timidité, avant qu’ils ne se jettent dessus à même un bureau. Cette séquence a placé haut mes espoirs pour le film, avant que finalement tout tombe très vite à plat. Car avec l’heure qui suit, le réalisateur Kim Jong-Kwan se contente finalement de dialogues sans relief, de situations éculées, et d’une mise en forme qui ne ressemble à rien de mieux qu’à un bout à bout de courts-métrages.
Après cette entame de journée trop morne à mon goût, le baromètre de la bonne humeur a affiché une santé radieuse avec le second film, Castaway on the Moon. Le film de Lee Hae-Jun avait connu un beau succès en Corée, quelques semaines avant que j’y débarque en 2009. Vue la bonne humeur qui s’est dégagée de la projection du film au FFCF, c’est amplement mérité. Le film s’ouvre sur l’un des ponts franchissant le fleuve Han à Seoul. Un homme en costard cravate s’y tient au-dessus du vide, au bout du rouleau, prêt à se jeter dans à l’eau pour en finir. Mais monsieur Kim, c’est son nom, se rate, et au lieu de ne jamais se réveiller, il rouvre les yeux sur l’île de Bam, une île déserte parsemée d’arbres se trouvant au milieu du fleuve en plein Seoul. Tout d’abord paniqué, ne sachant pas nager pour rejoindre la ville, Kim finit par trouver son compte à avoir quitté la civilisation et à vivre sa vie tranquillement sur son île.
Entre celui qui ne peut plus voir ses semblables en peinture et celle qui a abandonné le reste du monde de son plein gré, Castaway on the Moon s’est trouvé deux personnages divins pour le palais cinéphile, des handicapés de la société pour qui le monde se résume à un pré carré dont ils sont les seuls maîtres. Dès lors, sans oublier la folie qui le caractérise de bout en bout par ses détails scénaristiques (j’ai un faible pour les minis robots qui aident la jeune femme à détourner l’attention du gardien de son immeuble), une tendresse s’empare du regard du cinéaste pour ses anti-héros déphasés mais fougueux. C’est cette corrélation savoureuse qui fait le sel du film et le pare de cette énergie jubilatoire. Avec la pêche que m’a donné Castaway on the Moon, c’est certain, je finirai ma journée marathon sans ciller ni trembler !
Le long-métrage prend place à la cour du roi, où les seuls hommes admis sont des eunuques, afin de s’assurer que les nombreuses concubines auront l’attention du seul souverain. Mais l’un de ces eunuques est justement amoureux (et c’est réciproque) d’une des nouvelles concubines du roi, et les deux amants vont tout faire pour s’enfuir ensemble du palais. Intrigues de cour, passion amoureuse interdite, Eunuch ne s’interdit rien pour faire souffler un air d’aventure et de romance dans un cadre que l’on pourrait pourtant attendre guindé. Or sa belle facture visuelle, ses comédiens dans le ton (Ahn Sung Ki dans sa jeunesse !) et son sens de la tragédie en font un film qui vieillit bien. Dommage que nous étions peu nombreux dans la salle pour le constater, les spectateurs ayant préféré aller rencontrer le cinéaste Yoon Sung-Hyun venu présenter ses courts métrages dans la salle voisine.
Pendant 1h20, j’ai cru que je tenais déjà LA révélation du festival. Une petite merveille de film où la douceur et l’amertume s’entrechoquent avec grâce. Pendant 1h20, le film fait presque un sans faute. Il noue l’histoire de Hye-Hwa, une jeune femme recueillant les chiens errants chez elle et travaillant chez un vétérinaire. Un jour, son ancien petit ami refait surface, à son grand désarroi. Elle voudrait qu’il disparaisse, mais lui revient vers elle, et lui apprend que la petite fille qu’ils avaient eu cinq ans auparavant est toujours en vie, contrairement à ce qu’ils pensaient, et qu’elle aurait été adoptée. Sans fausse note, avec une maîtrise esthétique remarquable pour un si petit film, le jeune réalisateur Min Yong-Keun parvient à donner vie à ses personnages avec un beau réalisme. On est loin de la platitude de Come Closer vu quelques heures plus tôt. Ici, le réalisateur parvient à donner un corps et une âme à ses personnages, ils sont filmés au plus près, parlent la douleur, l’absence, l’incompréhension avec une réelle épaisseur. Avec finesse et subtilité, Re-encounter se fait drame sur la difficulté à surmonter l’absence et le manque, malgré les affections de substitutions. Les questionnements et doutes des personnages sont abordés avec sensibilité.
J’en suis sorti à minuit, trouvant le directeur du festival attendant que le réalisateur de Sunny en ait fini avec ses spectateurs parisiens. Mais cela je vous l’ai déjà raconté n’est-ce pas ? L’air était doux, la journée marathon achevée. Quelques heures pour la coucher sur papier et dormir, avant de remettre ça le lendemain.