Il ne faut jamais, je dis bien, jamais débuter un Somoza dans le RER, surtout lorsque le trajet n’est pas si long et que ce dernier vous conduit droit à votre lieu de travail. Vous me demandez pourquoi ? Et bien tout simplement, parce que, comparé à d’autres auteurs qui nous laissent gentiment le temps de nous installer dans la trame du récit, Somoza, lui, nous y plonge dès les premières pages. Conséquence : le RER arrive en gare, tout le monde se lève, vous faites de même, sans lâcher votre livre car cela est impossible. Vous descendez du train et suivez le flot des voyageurs, tout en captant une phrase de ci de là, vous arrêtant à un moment crucial de la lecture, et repartez le pied léger à la fin du chapitre. Vous devenez raisonnable, vous fermez donc votre livre et vous lancez droit devant pour votre rdv du matin, sauf que quelque chose vient vous titiller et irrémédiablement, vous vous retrouvez à lire le chapitre suivant. Vous êtes prévenus : Somoza est fort, très fort.
Mais comment fait-il pour nous captiver autant ? Tout d’abord il faut savoir qu’il a étudié la médecine et la psychiatrie avant de se lancer dans sa carrière d’écrivain. Et cela s’en ressent énormément, tant pour ses scènes morbides que pour tout le côté psychologique de ses romans. J’en arrive même parfois à me demander s’il n’est pas à la limite de la folie lorsqu’il écrit un nouveau roman. Le plus fort dans tout cela étant qu’il arrive à nous marquer d’une manière ou d’une autre en utilisant des sujets qui peuvent nous toucher de prêt. Je pense notamment à l’utilisation de la poésie dans « La dame n°13″ qui devient une véritable arme. Par la suite, vous lisez différemment Baudelaire et compagnie. Et c’est là toute sa force. Somoza vous entraîne où cela lui chante. Vous devenez, ni plus ni moins, lors de votre lecture son pantin. Pire, vous suffoquez, souffrez avec ses personnages tellement les scènes paraissent réelles. Du grand art ! A découvrir de toute urgence si cela n’est pas déjà fait. Pour ceux qui débute, « Clara et la pénombre » était excellent : le monde de l’art dans toute sa splendeur.