Pour La Cause Littéraire
Le soleil, l'herbe, et une vie à gagner, roman de Charles et Thierry Consigny, aux Editions JC Lattès, 263 pages, 17€.
Un roman à deux plumes, à quatre mains. Celles d’un père, Thierry, et de son fils, Charles. C’est une sorte de dialogue où le père et le fils se répondent chapitre après chapitre.
Le livre est classé roman, la quatrième de couverture nous parle d’un récit. Roman ou récit ? Le récit ayant toujours sa part de fiction, voici peut-être la réponse à la question.
Le livre s’ouvre avec Thierry. Un père qui se souvient de Myriam, son premier amour, avec qui il aura des enfants, dont Lara. Un petite fille qui va devenir le drame de la famille. Elle ne grandira pas, elle meurt alors qu’elle n’est encore qu’une enfant, noyée dans une piscine. Thierry se souvient de ce drame, évidemment, et nous le narre d’une manière touchante, emplie d’une tristesse qu’il nous transmet (on rappellera que le premier roman (2006) de Thierry Consigny avait pour titre La Mort de Lara). Puis il nous parle de Charles, de son rapport avec lui, de son rapport avec ses autres enfants, ceux de sa nouvelle femme. Thierry avoue ses erreurs, nombreuses, et parle de la vie presque comme d’une fatalité : «Dans nos vraies vies il n’y a ni commencement, ni fin, ni sens non plus, ni nécessité.»
Puis, on découvre Charles, le deuxième des sept enfants de Thierry. Il a une vingtaine d’années, vit dans le Marais. «Dans le Marais on boit du Bordolino et on lit Marx, il est en vitrine dans toutes les librairies. Dans le Marais personne n’a la télé parce que c’est pour ceux que l’on ne nomme pas tellement on les méprise, dans le Marais on travaille en free-lance ou on est artiste ou les deux, on a lu énormément de livres, il semble qu’on en ait vraiment lu des centaines de milliers quand on parle, dans le Marais on est choqué quand Libération est choqué, on adore s’ennuyer devant des films muets et on préfère les choses ternes à tout ce qui a de la saveur, de la couleur et de la vie, parce que dans le Marais on est terne et on l’affiche sur son visage dégueulasse.»
Il est homosexuel, sort beaucoup, a arrêté ses études pour ouvrir son entreprise, il devient alors le fondateur de la revue Spring, gagne de l’argent, finit par en dépenser plus qu’il n’en gagne. Charles est un jeune homme parisien comme il en existe beaucoup. Mais il a le mérite d’avoir eu le courage de fonder sa revue. Lui, nous parle de tout ça, de sa vie, de son rapport avec son père, parfois de sa famille, mais il nous parle aussi de l’Amour, d’un jeune homme en particulier, des discussions avec son père, du doute sur son homosexualité. Il fait référence à Verlaine, puis à Céline, évoque Bashung et Finkielkraut.
Le soleil, l’herbe, et une vie à gagner nous montre le rapport touchant entre un père et son fils, les liens qui les rapprochent dans la vie quotidienne, les douleurs qu’ils subissent ensemble, le soutien qui s’exerce des deux côtés, en deux mots : la complicité. C’est un récit dans lequel certains pères et fils se retrouveront certainement.
On reprochera cependant, quelques creux de narration, une certaine «baisse de régime», qui influe sur le rythme de l’alternance des chapitres. Mais cela n’enlève rien à la sincérité des deux hommes, ni du récit lui-même.
Myriam Thibault