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La roche Tarpéienne est proche du Capitole. De roi du pétrole au bagnard sibérien. Au sommet de sa gloire en 2003, le jeune milliardaire Mikhaïl Khodorkovski croupit aujourd’hui dans des geôles insalubres. L’ancien président de Ioukos a été condamné à deux reprises dans un douteux procès qui n’a, semble-t-il, rien à envier à ceux de Moscou sous la période stalinienne. Son crime? Avoir délaissé le terrain purement économique et financier pour s’aventurer sur celui de la politique et devenir un rival potentiel de Vladimir Poutine. La réélection programmée de ce dernier au mépris de toute procédure démocratique -un mépris déjà dénoncé lors des présidentielles et des législatives russes de 2008 par l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe- n’invite guère à l’optimisme sur le sort du prisonnier le plus tristement célèbre de la Russie contemporaine.
C’est afin de mieux comprendre son histoire tout en réfléchissant à l’avenir trouble de la Russie que les Éditions Fayard publient, avec l’autorisation de son auteur, un passionnant recueil de correspondances avec des intellectuels russes de renom comme Boris Akounine ou Boris Strougastski, voire un échange particulièrement poignant avec la biologiste Lioudmila Oulitskaia, titulaire en France du Prix Médicis étranger pour l’un de ses romans. L’ouvrage reproduit également une série d’interviews et d’articles de Mikhaïl Khodorkovski dont ses fameux "virages à gauche" parus dans Vedomosti et Kommersant. Ce sont néanmoins ses multiples lettres qui éclairent le mieux le tempérament profond de l’ancien magnat et la nature du système politique dans le fatal engrenage duquel il s’est retrouvé entraîné. Sa "dernière déclaration" à l’issue de son second procès du 2 novembre 2010 de même que son courrier du 3 mars 2010 à la Niézavissimaïa Gazéta sur "La violence légitimée", deux textes particulièrement sombres situés respectivement en introduction et en conclusion de l’ouvrage, donnent le sentiment d’enfermer ce dernier dans l’inexorable étau de l’oppression.
Un passage du second mérite d’ailleurs d’être cité in extenso: "ce système est comme la chaîne d’une gigantesque usine qui vit selon sa propre logique sans être particulièrement soumise à des influences venant de l’extérieur". Cette assertion fait immanquablement penser à la description, par l’historien Simon Sebag Montefiore, de la plus dure période stalinienne et au fonctionnement impitoyable et monstrueusement froid de la machine du pouvoir. Machine dont les rouages "épousèrent les multiples manifestations de la structure paranoïaque en place chez le dictateur géorgien", au point que celui-ci pût parfois évoquer son irresponsabilité (Staline, La cour du tsar rouge, Édition des Syrtes, 2005). Une déshumanisation, une désincarnation du pouvoir politique qui, faut-il aussi le rappeler, inquiétait déjà Trotski dans une lettre adressée en 1924 au Comité Central: "la hiérarchie bureaucratique est l’appareil qui crée l’opinion du Parti et ses décisions".
S’il dénonce violemment de sa prison, "lieu de l’anti-culture et de l’anti-civilisation", la pratique instaurée par le Kremlin des "raids", le harcèlement d’un propriétaire d’usine par des professionnels de mèche avec le parquet et la milice corrompue jusqu’à ce que celui-ci cède ses biens, Mikhaïl Khodorkovski -ce n’est pas le moindre des paradoxes- mentionne à plusieurs reprises la nécessité d’un État fort à même d’éviter les "risques d’éclatement de la Fédération" et seul capable, selon lui de "gérer nombre de situations d’urgence". Tout en se lamentant des dangers sur le fait que celui-ci «avale toute limitation de liberté au nom de la sécurité" et proroge le "mythe de la forteresse assiégée". Et de proposer, non sans ambivalence ou par marque d’atavisme, une "nouvelle frontière" entre "droits de la personne" et "préservation de l’intégrité territoriale russe".
Ses accusations sans précaution lors d’une réunion le 19 février 2003 entre plusieurs grands industriels et Vladimir Poutine, contre "l’énorme marché de la concussion dans le pays", accusations reprises dans certains de ses écrits au temps de sa liberté, ne semblent pas émouvoir le citoyen ordinaire. L’auteur regrette d’ailleurs cette "inertie de inconscient collectif" et la "masse de gens qui ne liront pas" ses textes. Sombre constat qu’il résume d’une phrase: "les gens ont appris à exister dans une totale indifférence à l’égard de l’État, en se limitant aux manifestations purement formelles de loyauté". Le Russe qui a "besoin d’un tsar", aimait à rappeler Staline, a, selon Khodorkovski, "peur de la liberté, assimilée à la responsabilité". Celui qui se dit "partisan du modèle politico-économique scandinave" ou canadien, craint les défis occasionnés par les puissants concurrents et voisins: l’Inde et la Chine. Une Chine, "plus avancée en matière de respect des droits que la Russie" mais dont l’adoption du modèle de développement régional conduirait, selon l’auteur, à la désintégration de la Fédération russe.
Sur un ton quasi prophétique, non sans un accent qui évoque étrangement Marx, l’auteur conclut: "on peut affirmer avec certitude que la chaîne qui a remplacé la justice par la force est le fossoyeur de l’État russe actuel". En attendant ce moment incertain de gloire, Mikhaïl Khodorkovski restera encore et pour longtemps, le héros à venir d’une improbable démocratie russe.
Mikhaïl Khodorkovski, Paroles libres, Traduit du russe et annoté par Galia Ackerman, Editions Fayard, 2011.
www.khodorkovsky.ru/
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