Perdue aux confins de l'Asie centrale, à cheval entre le Kazakhstan et l'Ouzbékistan, la Mer d'Aral autrefois quatrième plus grande mer intèrieure au monde est aujourd'hui le symbole par excellence de la tragédie écologique...
Ici, des bateaux fantômes jonchent de leurs carcasses oxydées les herbes sèches et les sables brûlants, là encore, un port solitaire surmonté de ses grues paraît attendre, envellopé d'un silence morbide, le retour d'une improbable marée.
On devine encore les anciennes rives de la mer asséchée, battues par les vents.
Des vents qui, au hasard de leur souffle arrachent à la terre fletris et acide, des morceaux de sel qu'ils se chargent de répendre à des kilomètres à la ronde, jusqu' aux portes des vallées fertiles de l'Amou-Daria et du Sir-Daria.
Depuis des millions d'années, la mer n'avait pas bougé, habritant le long de ses côtes des populations ancestrales de pêcheurs et d'agriculteurs.
Ce n'est qu'au cours des années 60 qu'un fataliste vous direz que "tout a fini" pour la mer d'Aral.
Alors que l'Ouzbékistan est encore une république de l'Union Soviètique, Moscou décide de la transformer en un vaste champs cotonnier, engageant pour l'occasion des travaux d'irriguation colossaux.
On détourne littéralement les eaux des deux principaux fleuves qui alimentent alors la mer ( le Syr Daria et l'Amou Daria) afin de subvenir aux besoins de près de 2 millions d'hectares de terres cultivées en plein désert ouzbek. Les conséquences de ces actions humaines sur le niveau de l'Aral ne tardent pas à se faire sentir.
La décennie 70 voit les eaux de la mer intèrieure disparaître sous l'effet combiné de l'évaporation et de la diminution du débit des deux fleuves. A partir de cet instant tout va très vite au point, qu'en à peine cinq années, certains villages côtiers se retrouvent les pieds dans le sable, la mer refluant parfois à plus de 100 kilomètres du rivage initial. En 1980, l'Aral reçoit dix fois moins d'eau douce qu'en 1950, sa superficie est divisée par deux et son volume, par trois.
Dans les années 90, la mer et son écosystème sont ravagés par l'augmentation du taux de salinité qui atteint des sommets. La faune et la flore, quelles soient terrestre ou maritime subissent les assauts du sel et des vents souvent chargés de pesticides subtilisés au grès des champs de coton.
Les poissons meurent asphyxiés et seules deux espèces parviennent encore à survivre dans le Grande Aral suffoquante.
Aujourd'hui, la quasi totalité de cette Grande Aral est condamnée à une mort certaine.
Cependant, la vie au même titre que l'eau, semble revenir dans ce que l'on appelle la Petite Aral et qui constitue l'extrême nord de la mer.
Depuis quelques années, un souffle nouveau gagne la ville d'Aral et ses 70 000 habitants. Pour trouver les raisons de cette renaissance, il ne faut pas aller sur l'ancien port, car vous n'y verrez que le décor habituel de sable et de bateaux éventrés par la rouille. Non; pour trouver ces raisons, il vous faut suivre les odeurs, remonter jusqu'à la source des effluves,...
Depuis septembre 2006, la ville accueille une nouvelle usine de traitement du poisson.
Fermée depuis le milieu des années 80 faute de travail, cette usine a rouvert ses portes grâce à l'aide d'une ONG danoise et au retour du poisson en quantité dans la petite mer. Equipée de congélateurs, l'usine peut aujourd'hui fonctionner toute l'année et stocker plusieurs dizaines de tonnes de produits.
Lorsque vient l'hiver et que la couche de glace qui recouvre les eaux est suffisament épaisse, de petits groupes de pêcheurs partent tendre leurs filets à une trentaine de kilomètres de la ville. Depuis le retour de la mer et du poisson, beaucoup d'entre eux ont pu retrouver une vie descente. Certains ont même pu s'acheter une maison...
Une renaissance des hommes et des activités qui n'est nullement le fait du hasard et qui se trouve directement liée aux travaux d'aménagements de la Petite mer, entamés à la fin des années 90 par la Banque mondiale.
La Petite Mer semble sauvée, et les activités séculaires vont pouvoir reprendre sur ses rives.
Pourtant, la mer d'Aral est aujourd'hui défigurée, réduite quasiment au quinzième de sa superficie d'origine et ce n'est certainement pas son "appendice" restant qui va pouvoir garantir la survie d'un bassin qui regroupe actuellement une population de 50 millions d'habitants.
+ D'eau salée...
- Article très complet des "mouettes vertes".
- Le drame de la mer d'Aral.
- Aral, la renaissance.
- Une question de gestion de l'eau.
+ Vidéo
La Mer d'Aral vue de l'Espace
envoyé par yannaki